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MANIFESTE POUR LA REFONDATION NATIONALE : "L’article 37 doit être élevé en un principe intangible"

Publié le mercredi 7 avril 2010 à 02h52min

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Le Manifeste pour la refondation nationale a deux ans. A cette occasion, les partis signataires ont publié la déclaration ci-dessous, dans laquelle ils font un tour d’horizon de l’actualité nationale, et rappellent que la proposition qu’ils ont faite en avril 2008 "reste à ce jour la seule proposition concrète écrite de sortie de crise".

En avril 2008, alors que les émeutes de la faim s’étaient transformées en un mouvement national de rejet de la politique du régime en place, alors que la crise multidimensionnelle a pris un caractère mondial et que les autorités de notre pays, par la voix du Premier ministre, sollicitaient la solidarité et la participation active de tous, pour faire face à cette crise dans le pays, nous avions alors présenté notre proposition de sortie de crise à travers le Manifeste pour la refondation nationale.

C’était dans ce contexte difficile, la première réponse politique d’un groupe de forces politiques du pays. Nous affirmions alors : "En Afrique, comme dans d’autres régions du monde, la démocratie est en crise, attaquée à l’intérieur des pays par la dénaturation du mandat populaire en raison de la substitution de la volonté des gouvernants à celle des gouvernés. Il s’agit là d’une dysfonction institutionnelle historique qui favorise la démocratie d’opinion (à la faveur de l’excroissance de la puissance des médias) et plus encore, la mondialisation ultralibérale qui transfère la souveraineté des peuples vers celle des organisations financières internationales (…..) ; il y a partout plus ou moins prononcé, un divorce entre pouvoir et peuple souverain, situation qui reste encore plus marquée s’agissant de notre pays.

Mais nous refusons la fatalité, convaincus que la démocratie ne peut disparaître que pour le plus grand malheur des peuples. Si elle menace, ruine notre devoir, c’est de la refonder". Depuis des années , plusieurs forces sociales, des personnalités et autres leaders d’opinion , à l’ interne comme à l’externe et même des institutions ont régulièrement dénoncé les dysfonctions de toute nature qui pèsent trop négativement sur la vie de nos populations et empêchent un développement harmonieux du pays. Aujourd’hui, il est incontestable que les caractéristiques de la vie au Burkina n’ont pas changé, bien au contraire elles se sont aggravées dans tous les domaines. Il faut donc se résoudre à faire une autre politique pour améliorer la vie de notre peuple ! Mais avant d’aborder ce qui constitue l’essence du manifeste à savoir les réformes profondes et fondatrices, quelques points préoccupants méritent une attention de notre part :

1-C’est d’abord le front social avec l’imposition de la taxe dite de développement communal (TDC). Cette nouvelle taxe fiscale votée par l’Assemblée nationale est en passe de devenir l’un des points chauds du climat social. Elle est même en train de diviser les alliés au pouvoir (en dépit des déclarations officielles) parce qu’elle est injuste, anti sociale, anti travailleur et donc impopulaire.

De leur côté, les forces qui rejettent la TDC, les syndicats et autres associations de même que des politiques, sont déterminés à faire face à cette nouvelle "guerre sociale" que nous impose le régime en place. Pour notre part, entre le syndicat des travailleurs et celui d’un clan, les maires (AMB), le choix est clair : les refondateurs nationaux rejettent la TDC, exigent son retrait sans conditions. Nous invitons nos militants et sympathisants à suivre les mots d’ordre des syndicats. Comment peut-on accepter cette énième taxe alors que la grande masse des Burkinabè vit, plus qu’hier, dans la misère face à une minorité d’individus, les nouveaux riches, qui rivalisent d’embonpoint et narguent le peuple travailleur ? Par ailleurs, la déclaration du maire de Ouagadougou, indiquant que "en fin d’année les mairies n’ont pas d’argent pour fonctionner…", achève de nous convaincre que ces élus, presque tous CDP, cherchent à se constituer des caisses noires loin du développement des communes.

2- Au plan politique, après des semaines de recensement, les responsables de la CENI sont contraints de reconnaître l’échec de l’opération. Les chiffres sont clairs : à peine 19% de nos concitoyens en âge de voter, soit environ 788 563 se sont inscrits sur les listes électorales.

Si le président de la CENI parle de situation préoccupante, nous croyons franchement qu’elle est catastrophique ! Parmi les raisons qui peuvent expliquer cette situation, on peut retenir l’élection présidentielle de novembre 2010 considérée comme étant sans enjeu véritable. Depuis les années 90, cette élection a toujours donné les mêmes résultats. Mais la raison fondamentale est sans aucun doute la méfiance et le rejet du peuple à l’égard de la politique et de la manière dont elle est menée ! Ce qui se passe aujourd’hui est une forme de résistance populaire contre le régime de la IVe République et ses institutions sans exception aucune et un défi à toute la classe politique. De l’établissement du fichier électoral à la participation aux votes, il y a des étapes qui verront grossir encore le nombre de perdus de vue ; avec ce faible taux d’inscrits, il faut aussi compter avec le non-retrait des cartes, la non-participation et autres erreurs ! Tout cela, c’est le prix de notre refus de changer nos méthodes et pratiques, notre volonté de duper continuellement le peuple.

Et pourtant il faut absolument que les Burkinabè s’inscrivent sur les listes car outre la présidentielle, il y a les communales très bientôt et d’autres consultations que le pouvoir peut vouloir nous imposer pour des raisons que l’on devine aisément. Alors nous exhortons tous les Burkinabè à s’inscrire pour être en mesure de dire non au tripatouillage de la Constitution. L’élection présidentielle de 2010 n’est certes pas un non-événement mais elle peut être un événement banal, tant elle ne préoccupe qu’une minorité d’hommes et de femmes du Burkina. Les jeux sont déjà ouverts mais sans enjeu véritable. Et pour cause ! Depuis que ce pays existe dans le concert des nations, un seul civil parmi nos concitoyens, M. Maurice Yaméogo a assumé les responsabilités suprêmes de président et tous les autres au nombre de 5 sont des militaires. C’est un fait unique dans notre sous-région. L’actuel président M. Blaise Compaoré (élu avec moins de voix que le président du Bénin, de très loin moins peuplé que le Burkina) sur les 50 ans d’existence de notre Etat, cumule à lui tout seul, presque la moitié de ces années à la tête du pays. C’est aussi un fait exceptionnel.

"L’espoir d’un changement est inexistant"

Aujourd’hui, l’espoir d’un changement est inexistant pour plusieurs raisons : le système mis en place depuis des années pour truquer et frauder est bien en place, le fichier électoral se fait dans des conditions calamiteuses et il en résultera une liste tronquée, peu représentative. En plus, l’opposition politique émiettée met déjà à nu son impossible unité, les uns se battant en amont pour de bonnes conditions d’élection, les autres se préoccupant en aval de positionner leur candidat dans n’importe quelles conditions ! On comprend alors pourquoi nos compatriotes refusent de s’inscrire sur les listes électorales.

De plus en plus, des voix s’élèvent pour demander une modification du calendrier électoral mais comme toujours, la machine CDP avance, habituée aux passages en force. Et pourtant la réorganisation du calendrier électoral n’est pas sans intérêt. En ce qui nous concerne, notre combat ne cessera pas et au rendez-vous de l’histoire, le peuple jugera. Au centre de la vie des partis de l’opposition politique, il y a le débat sur le statut de l’opposition et le chef de file de cette opposition. Le statut de l’opposition est une revendication de cette même opposition depuis des années. Mais il convient de souligner que ceux qui l’ont mérité ne l’ont jamais obtenu. L’histoire retiendra que le Pr Joseph KI Zerbo n’a jamais été écouté et que Me Hermann Yaméogo a été victime d’un putsch politique.

Aujourd’hui, après Gilbert Ouédraogo, c’est Bénéwendé Sankara qui hérite de ce statut grâce à une subite bonne volonté du pouvoir. Ainsi, l’OPA politique du CDP a permis de récupérer l’ADF/RDA dans la mouvance et de décerner à l’UNIR/PS, ce nouveau titre. Et comme le dit un journal de la place : "C’est le machiavélisme du pouvoir qui a fourgué, avec ce statut bidouillé, enrobé de "feuilles", un cadeau empoisonné à l’opposition". La suite, on la connaît : cette espèce de "zoumbri" jetée par le CDP produit rapidement ses effets. Ainsi, au sein des partis signataires du texte, deux tendances s’opposent. Les uns clament haut et fort que le chef de file est le chef de l’opposition et les autres affirment que le chef de file n’en est que le porte-parole attitré conformément aux dispositions de la loi portant statut de l’opposition.

Au-delà de ce cercle, il y a des partis politiques de l’opposition qui ont marqué leur rejet par rapport au texte avant et après son adoption. Au lieu d’examiner sereinement les arguments avancés par ces partis, l’on s’est empressé de sortir une "fatwa" pour dire qu’ils ne peuvent pas se réclamer de l’opposition et pire, ceux des leurs qui ont été élus démocratiquement au sein des démembrements de la CENI ont été humiliés et éjectés de ces structures. C’est dans ce contexte que le chef de file lui-même révèle à l’opinion publique l’existence de partis putschistes au sein de l’opposition burkinabè et informe la presse qu’il a reçu des lettres de félicitations du chef de l’Etat et du Premier ministre ! Dans ces conditions, l’on ne doit pas s’étonner et s’offusquer quand dans certains milieux l’on parle de collusion politique avec le pouvoir en place. La loi portant statut de l’opposition se révèle aujourd’hui comme un recul par rapport à la charte des partis politiques, elle restreint la liberté et l’autonomie des partis politiques. Pour notre part, nous disons que la gestion des partis politiques relève de la compétence du ministère chargé des libertés publiques et du Conseil constitutionnel

Quelles réformes pour le Burkina ?

3- Et que dire des réformes ? Aujourd’hui, le débat sur la nécessité des réformes traverse tout le pays et toutes les couches sociales . Toutefois un travail important reste à faire pour rallier l’ensemble des acteurs de la vie nationale autour d’une réponse consensuelle à la question suivante : quels types de réformes le Burkina a-t-il besoin ? Il existe actuellement, une mine d’informations fiables et pertinentes qui ont été produites particulièrement depuis la publication en 2008 du Manifeste pour la refondation nationale et il faut en faire bon usage. Certes, nous avions mis l’accent sur la démarche, le processus qui peut nous amener à des mesures fondatrices d’un nouveau contrat social entre toutes les composantes du peuple , mais aujourd’hui nous devons réagir face à des préoccupations pressantes des acteurs de la vie nationale.

Déjà, le débat sur l’article 37 a pris une avance considérable sur toutes les réformes. Et nous saluons l’intérêt que portent chaque jour les hommes et les femmes de notre pays à cette question. Les partis signataires du Manifeste estiment que ce débat doit faire partie intégrante de la bataille politique pour les réformes en vue d’approfondir la démocratie à l’opposé des réformes antidémocratiques.

Au nombre des prises de positions des acteurs dont nous saluons l’inestimable contribution à ce débat qui s’annonce historique, celle de l’Eglise catholique est centrale et exceptionnelle. Ainsi, à ceux qui s’interrogent sur la nécessité des réformes, l’Eglise répond en ces termes : "Certes la vie politique d’une nation ne doit pas se figer dans l’immobilisme ; et il est normal que des réformes régulières, opérées avec sagesse permettent aux institutions d’assurer toujours un mieux-être aux populations". Et poursuivant : "Cela signifie qu’à un niveau constitutionnel, tout changement doit viser le bien commun et non les avantages de groupes particuliers ; la justice sociale est à ce prix". Tels sont les fondements de la Refondation nationale ! C’est pourquoi en répondant objectivement aux questions que pose l’Eglise : “ .. à qui profiterait un retour en arrière en amendant de nouveau l’article 37 pour y faire sauter la limitation des mandats présidentiels consécutifs ? Cela garantirait-il la paix sociale, ou nous conduirait-il devant les mêmes turbulences ? ” , les partis signataires du Manifeste se situent en dehors de tout processus tendant à sauter le principe de la limitation des mandats contenu dans l’article 37.

Et les refondateurs l’avaient dit depuis deux ans, ils le répètent aujourd’hui, la vie politique de notre nation ne doit pas se figer dans l’immobilisme ; des réformes indispensables doivent être opérées avec sagesse afin de permettre aux institutions d’assurer toujours un mieux-être aux populations de notre pays. C’est pourquoi, l’article 37, qui pour nous est sacré, doit être élevé en un principe intangible dans le cadre du renforcement des acquis constitutionnels protecteurs de la République et de la démocratie contenus dans l’article 165 qui interdit de porter atteinte à la nature et la forme républicaine de l’Etat, de même que les articles 167 et 168 qui réprouvent tout pouvoir personnel, toute oppression d’une fraction du peuple par une autre en reconnaissant aux citoyens des parades dans de tels cas. Il faut faire inscrire dans la Constitution l’interdiction à jamais pour tout Burkinabè de faire modifier le principe de la limitation des mandats sous le prétexte qu’il est antidémocratique. Il faut aussi savoir que le statu quo actuel n’offre aucune garantie contre la révision de l’article 37. En effet il faudra toujours compter avec les antidémocrates juchés à la tête du CDP (il ne faut jamais compter sur eux !) pour revenir à la charge dès lors qu’ils estimeront que le rapport de force leur est favorable. Et ce serait conforme à l’article 164, alinéa 3 de notre Constitution. Ce qui s’est produit en 1997 est édifiant. Alors il faut verrouiller l’article 37 pour toujours.

Autre point d’intérêt, le débat sur l’article 37 a ouvert un autre débat sur l’amnistie. Pour les refondateurs nationaux, il n’est pas nouveau mais il est devenu plus précis tout en étant plus large. L’idée d’une amnistie générale ne nous effraie nullement. Cependant une amnistie ne peut être effective que si elle résulte d’un consensus national. Le dialogue inclusif refondateur est le seul cadre capable, au stade actuel de notre processus de démocratisation, de créer les conditions d’une amnistie réelle, voulue par le peuple. Quel que soit ce qui se dit, quel que soit ce qui se fait, notre pays ne peut faire l’économie d’une refondation. Mais il s’agira de véritables réformes au profit de notre système démocratique loin de certaines réformes antidémocratiques, anti travailleurs, antisociales et injustes aux allures liberticides adoptées par notre Assemblée nationale (redécoupage des circonscriptions électorales, TDC, statut de l’opposition, parrainage des candidatures, caution à l’élection présidentielle...)

L’histoire nous donne aujourd’hui une grande opportunité avec les 50 ans d’indépendance. A ce sujet nous remercions encore un grand responsable d’une communauté religieuse du pays qui nous avait dit ceci : “Vous devez faire en sorte que les 50 ans de notre pays coïncident avec le début des réformes !” Certes, nous n’avons pas réussi mais nous savions que c’était une vision éclairée. En effet, l’année du cinquantenaire est une année qui prédispose par le fait même, aux évaluations, aux remises en cause, aux prospectives courageuses et qui devrait donner l’occasion, tant au pouvoir qu’aux forces de l’opposition et de la société civile (et pour tout dire, aux citoyens) de revisiter 50 années d’indépendance, avec un esprit critique et positif, des schèmes endogènes moins déterminés par l’extérieur, afin d’être réarmés pour envisager l’avenir avec plus de responsabilité, de respect identitaire et de sérénité. La proposition faite en 2008 à travers le Manifeste pour la refondation nationale reste à ce jour la seule proposition concrète écrite de sortie de crise qui aborde la situation de notre pays dans toutes ses dimensions et fixe des orientations stratégiques pour la recherche de solutions consensuelles.

Ouagadougou, le 26 mars 2010

Pour les partis signataires du Manifeste

Le Comité de contact

Dr Alain Dominique ZOUBGA El Hadj Amadou DABOE

Le Pays

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