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FISCALITE : Les éclairages de Toubé Clément Dakio

Publié le mercredi 7 avril 2010 à 02h50min

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La fiscalité est aujourd’hui au coeur de cet écrit du président du parti politique UDD, Toubé Clément Dakio. C’est un véritable cours sur les différents types d’impôts qui y est donné.

Actuellement, l’instauration de la taxe de développement communal défraie la chronique au Burkina. Comme dans tous les pays, au Burkina, la fiscalité est un mélange complexe d’impositions. Ces impositions doivent être revues périodiquement en fonction de la justice fiscale mais aussi du développement. Alors que le leitmotiv des responsables politiques est le développement, le rôle de l’impôt direct dans le développement du pays est contestable. En effet, l’impôt direct, c’est-à-dire l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les bénéfices des entreprises, ne favorise pas l’épargne et est donc contraire au développement économique du pays. Dans un pays du Tiers-Monde comme le Faso, toute réforme fiscale doit poursuivre trois objectifs fondamentaux.

1-Elle doit permettre le maintien d’un équilibre économique et monétaire. La fiscalité doit d’abord équilibrer les dépenses du budget. Il ne faut pas cependant employer à cette fin n’importe quel impôt. Il est ainsi dangereux d’équilibrer le budget grâce à des recettes essentiellement douanières. Dans bien des pays du Tiers-Monde, comme le Burkina, une grande partie des recettes fiscales provient des droits de douane, c’est-à-dire de la fiscalité de porte. Le gouvernement est alors tenté de perpétuer les importations afin de financer ses dépenses. Une production interne qui se substitue à une importation ne peut être frappée aussi durement qu’un produit étranger. Tout doit donc être mis en œuvre pour réorienter la fiscalité sur l’économie interne.

2- Elle doit permettre la formation du capital et l’accroissement de la productivité. Au Faso, comme dans les autres pays du Tiers-Monde, le bas niveau des revenus, la faiblesse de l’épargne, l’effet de démonstration et les difficultés de l’investissement productif élargissent considérablement la tâche de la politique fiscale. En facilitant le développement de l’économie, l’impôt doit se substituer partiellement à l’épargne. Il peut être un moyen de financer directement l’investissement par des crédits publics et, en tout cas, doit être systématiquement incitatif pour l’investissement. C’est là que se pose un problème avec l’impôt direct parce qu’il n’est pas systématiquement incitatif pour l’investissement. En effet, l’impôt direct, c’est-à-dire l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les bénéfices des entreprises, ne favorise pas l’épargne c’est-à-dire l’investissement pour le développement économique. Faut-il rappeler que le développement tout court implique le développement économique.

Un impôt anti-développement

Le développement économique peut se définir comme l’amélioration constante du niveau de vie de la population par le moyen de l’investissement dans des projets rentables à partir d’une épargne pré-constituée. L’économiste Keynes a montré que le revenu national (R) se divise en deux parties dont l’une est consommée et l’autre épargnée (E), et que le développement optimum est réalisé lorsque la totalité de l’épargne (qui peut être aussi thésaurisée) est investie (1). Une politique fiscale qui prendrait pour base les impératifs d’une politique de développement devrait donc s’appuyer sur deux types d’impôts : des impôts qui frappent la consommation pour la réduire et inciter à une plus grande épargne, et ensuite des impôts qui décourageraient la thésaurisation et l’investissement non productif pour tendre vers la réalisation de l’égalité entre l’épargne et l’investissement productif.

Or, l’impôt sur le revenu frappe tout le revenu sans distinguer entre ces deux composantes que sont l’épargne et la consommation et il pousse, lorsque son taux est progressif, à réduire l’épargne à la portion congrue. Ce type d’impôt est donc contraire au développement. L’impôt qui frappe le revenu des personnes physiques, c’est-à-dire l’impôt unique sur les traitements et salaires (lUTS) dans le cas du Burkina n’encourage pas l’épargne. Il ne favorise donc pas le développement. En effet, il est plus logique de prélever sur la consommation et non sur le revenu. De même que l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’impôt sur les bénéfices des entreprises n’est pas favorable au développement. Cet impôt est incohérent avec les objectifs de développement économique.

Il faut rappeler que le développement optimum est réalisé lorsque, d’une part, les incitations à l’épargne sont suffisamment puissantes pour permettre de renoncer à une consommation souhaitée et que, d’autre part, l’épargne ainsi constituée est pour sa totalité investie dans des projets rentables. Ces conditions sont nécessaires mais elles ne sont pas suffisantes. Il faut en outre que l’épargne s’oriente de préférence vers les projets qui collent au mieux aux options du plan du pays. Or, de même que l’impôt sur le revenu ne fait pas de distinction entre la partie du revenu consommée et la partie du revenu épargnée, de même l’impôt sur les bénéfices frappe aveuglément et uniformément tous les bénéfices quelles que soient les conditions où opère l’entreprise qui les a générées. Il faut souligner que ce qu’on appelle impôt sur les bénéfices n’est payé que par les bons gestionnaires, tandis que ceux qui dilapident une épargne collective peuvent le faire en toute impunité fiscale.

Un impôt contraire à la morale

L’exonération est illégitime, car c’est le consommateur qui paie finalement l’impôt sur les bénéfices. Le consommateur d’un produit paie le prix de revient de ce produit et aussi la marge bénéficiaire de son fabricant. Or, cette marge bénéficiaire n’est d’assiette à l’impôt sur les bénéfices, c’est-à-dire qu’elle est partagée en deux parties plus ou moins égales selon le taux de l’impôt, l’une allant à l’Etat et l’autre constituant la rémunération nette du fabricant.

En exonérant l’impôt sur les bénéfices, on permet donc au bénéficiaire de l’exonération de prélever sur le consommateur une somme d’argent qui, au lieu d’aller à l’Etat, reste la propriété du fabricant. Autrement dit, la part d’impôt incluse dans la marge bénéficiaire et qui est abandonnée par l’Etat continue néanmoins à être payée par le consommateur. L’impôt est prélevé dans ce cas, non pas au bénéfice de l’Etat, mais au bénéfice du particulier. Ce détournement d’impôt, prélevé sur le consommateur au profit du fabricant et qui s’ajoute à sa marge bénéficiaire nette est encore plus choquant lorsque l’entreprise bien que soumise à l’impôt ne le paie pas parce que son résultat est nul.

L’impôt sur les bénéfices qui ne favorise pas le développement est dans tous les cas payé par le consommateur d’un produit au fabricant qui va essayer en tout état de cause de garder pour lui cette part d’impôt dont il a conscience, soit légalement en obtenant une exonération, soit en compensation de pertes, soit illégalement, ce qui est souvent le cas, par la fraude fiscale. L’impôt sur les bénéfices est aussi contraire à la morale, car il est souvent approprié par celui qui le prélève sur le consommateur, au lieu de la reverser à l’Etat. L’impôt sur le bénéfice est contraire au développement, l’exonération de cet impôt est contraire à la morale. Il faut donc le supprimer et le remplacer par un impôt indirect. Peut-on rechercher une explication de l’engouement de certains opérateurs économiques et autres commerçants pour le CDP, parti au pouvoir, dans la possibilité de détournement d’impôt sur les bénéfices ?

Certains bénéficiaires du régime du code des investissements qui menacent d’arrêter les activités de leurs entreprises si les avantages, notamment fiscaux accordés à ces entreprises n’étaient pas reconduits illustrent cette situation de détournements d’impôts. 3- La fiscalité doit permettre de résorber les distorsions dans la possession des richesses et dans les niveaux de vie. Une fiscalité frappant les hauts revenus grâce, par exemple, à un impôt progressif est souvent présentée comme un modèle de justice fiscale. Il a, en outre, l’avantage de faire supporter à l’économie urbaine une plus grande partie du développement. Une telle fiscalité est cependant difficilement applicable dans un pays du Tiers-Monde. Elle suppose en effet des déclarations fiscales compliquées et contrôlables, ce qui est pratiquement irréalisable dans un pays du Tiers-Monde comme le Burkina Faso.

Si les impôts sur le revenu sont difficilement utilisables, cette ponction peut être réalisable par des impôts sur la possession de biens facilement repérables (auto, télévision, logement de luxe, etc.) On peut aussi établir des impôts indirects sur des consommations (essence pour voiture de tourisme, cigarettes, etc.). Dans l’esprit d’une telle réforme, il est à noter que les impôts sur la possession de biens (telle que la taxe de développement communal) et les impôts indirects sur la consommation se substituent à l’impôt sur le revenu des personnes physiques jugé contraire au développement Il y a lieu de dire que, depuis longtemps, l’impôt a fait l’objet des préoccupations des gouvernants et de leurs gouvernés. Il est donc opportun de livrer les deux pensées suivantes :
- l’art de l’économiste est d’enrichir le prince (l’Etat) sans appauvrir les sujets (les citoyens) ;
- trop d’impôts tue l’impôt.

Toubé Clément DAKIO Président de l’UDD E

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 7 avril 2010 à 21:11 En réponse à : FISCALITE : Les éclairages de Toubé Clément Dakio

    Tres bien, Dakuo. J’etais content de vous lire. Vous maitrisez votre domaine. Un lascar qui etait a bout d’ argument disait q’u’ il fallait imposer de 5000f les voitures aurevoir la France comme si on l’ obligeait a faire des propositions pour qu’ il nous sorte ces prositions bidons- la. Comme si les memes qui achetent ls Aurevoir la France n’etaient les meme burkinabe appauvris par un systeme de malgouverne et de copains coquins. J’aimerais qu’ il reagiise encore pour se dedire s’ il connait la honte et s’ il a un peu d’ honneur.

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