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Dr BANGBA PIERRE BIDIMA, PRESIDENT DU MOUVEMENT DE LA PAIX : "La révision de l’article 37 est légale"

Publié le mardi 6 avril 2010 à 03h11min

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Le Mouvement de la paix est une association de la société civile bien connue des Burkinabè. Son président, Dr Bangba Pierre Bidima, après un long silence, s’est confié au quotidien "Le Pays" sur les grandes questions de l’heure, au Burkina.

"Le Pays" : Où en est le Mouvement de la paix dans son déploiement sur le plan national ?

Dr Bangba Pierre Bidima : Le Mouvement de la paix est assez bien représenté au niveau national ; nous avons à ce jour une trentaine de sections et de cellules à travers le pays. En plus de cela, nous avons des clubs du Mouvement de la paix dans les universités de Ouagadougou et de Koudougou. Il existe également dans plusieurs établissements secondaires des clubs créés par les élèves. La situation est donc globalement satisfaisante ; nous envisageons dans un proche avenir couvrir tout le territoire national.

La taxe de développement communal(TDC) constitue un sujet brulant de l’actualité ; l’institution de cette taxe est-elle justifiée ou pas ?

La TDC a été instituée en 2008. Depuis 3 ans, sa mise en œuvre pose problème. Il est tout à fait normal que le gouvernement cherche à remplir les caisses de nos communes mais franchement, cette taxe est une de trop. La population est déjà suffisamment taxée ; il aurait fallu trouver d’autres voies de financement de nos communes qui, j’en conviens, en ont urgemment besoin ; mais cette voie-là, n’est pas la bonne. C’est pourquoi d’ailleurs le Mouvement de la paix a adhéré à la coalition contre la vie chère pour protester le 31mars et le 1er avril 2010 contre la TDC. Je pense que le gouvernement devrait sinon, faire abroger la loi, du moins reporter son application et ouvrir des négociations avec les partenaires sociaux. Dans l’immédiat, on pourrait envisager de taxer un peu plus le tabac, les boissons alcoolisées… Bref, il ya d’autres voies pour enrichir les communes que celle de la TDC.

Un autre point chaud de l’actualité est le débat autour de l’article 37 ; quelle est votre position ? Etes-vous pour ou contre la révision de l’article 37 en vue de sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel ?

Le débat autour de l’article 37 est une bonne chose pour notre démocratie, c’est la preuve de son dynamisme ; c’est une avancée dans la liberté d’expression et d’opinion. Le Président du Faso dans son discours le 11 décembre 2009, à Ouahigouya, a lancé un appel aux citoyens pour réfléchir sur les réformes politiques et institutionnelles à apporter à notre processus démocratique afin de l’approfondir et de le rendre plus efficace. Cet engouement autour de l’article 37 de la Constitution est certainement une façon pour nos concitoyens de se préparer pour la mise en œuvre de l’appel du Président. Vous me demandez si je suis pour ou contre la révision de l’article 37 de la Constitution.

Le Mouvement de la paix que je préside milite pour le respect de la Constitution et son perfectionnement continu. A ce propos, l’article 5 de notre constitution stipule que << tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut-être empêché. >> ; la révision de l’article 37 pour faire sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel est-elle défendue par la loi ? Si oui laquelle ? Le principe de révision de la Constitution n’est-il pas autorisé par la Constitution elle-même ? A ce que je sache, seul l’article 165 de notre Constitution est formellement interdit de révision ; tout le reste y compris l’article 37 peut être revu, corrigé et modifié en fonction de nos réalités et de nos valeurs culturelles, économiques, sociologiques et politiques. Par conséquent, si un parti politique ou un regroupement de partis politiques décident de réviser l’article 37 pour sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel, c’est tout à fait légal.

Le Mouvement de la paix est du côté de la légalité et du droit. Telle est en substance la position de principe de notre association sur l’article 37, position validée le 27 janvier 2010 lors d’une réunion extraordinaire du Bureau national consacrée à la question. Ne dit-on pas que nous sommes dans un Etat de droit ? Dans ce type d’Etat, ce ne sont pas les volontés ou les souhaits des uns et des autres qui priment mais plutôt le droit. Cette primauté du droit sur les souhaits et les volontés est le consensus des consensus. En d’autres termes, si l’article 37 venait à être modifié pour éliminer le verrou de la limitation du mandat présidentiel, le Mouvement de la paix ne ferait qu’en prendre acte.

Notre association n’émettra aucune protestation pas plus qu’elle ne participera à aucune manifestation pour protester contre cette révision parce qu’elle est légale et conforme à la Constitution pour peu que les procédures de révision prévues par le Titre XV de la Constitution soient respectées. Cependant, je dois apporter la précision suivante : Le Mouvement de la Paix n’appelle pas à la révision de l’article 37 pas plus qu’il n’appelle à sa non-révision. Cela ne relève pas de nos prérogatives. L’initiative de la révision constitutionnelle est un droit politique constitutionnellement validé et conféré au Président du Faso, aux partis politiques membres de l’Assemblée nationale à travers leurs élus, au peuple par voie de pétition (cf. article 161). Le Mouvement de la paix est une association de la société civile œuvrant pour la défense, la promotion des droits humains et pour la paix. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous opposer aux personnes physiques ou morales qui décident de jouir de leurs droits politiques conformément aux lois et règles en vigueur. Ce serait absurde.

Il y a de plus en plus de voix qui s’élèvent contre cette révision et parmi elles, celle des évêques du Burkina. Quel est votre commentaire à ce propos ?

Ceux qui ne veulent pas de cette révision ont le droit de l’exprimer. Nous sommes en démocratie, c’est normal. Mais, ils n’ont pas la légalité avec eux. Quand on n’a pas le droit et la légalité avec soi, et qu’on désire que son souhait ou sa volonté soit pris en compte, on ne bande pas les muscles vis-à-vis de celui qui possède ce droit et cette légalité. Les conservateurs de l’article 37 en l’état ont intérêt à négocier, dialoguer avec les révisionnistes qui détiennent eux, la force de l’argument, du droit et de la légalité. Quant aux évêques, en voulant bien faire, ils ont plutôt malheureusement contribué à embrouiller la situation. Leur position en tant que structure impartiale de méditation bien connue des Burkinabè, n’a pas été équilibrée, loin s’en faut. Pourtant, une approche impartiale de leur part aurait eu le double avantage de dépassionner le débat et de conforter leur statut de médiateur désintéressé. Or, telle que formulée lors de leur conférence et reprise par les médias, la position des évêques apporte de l’oxygène au plan des conservateurs (qui manquent de légalité) et étouffe paradoxalement le projet des révisionnistes (qui détiennent la légalité), d’où le caractère abracadabrantesque de la position épiscopale.

Le recensement électoral connaît des difficultés avec la faible affluence des citoyens. A quoi attribuez-vous ce problème ?

La CENI et le gouvernement auraient dû laisser les citoyens se faire recenser avec les documents qu’ils possèdent comme autrefois tout en prenant des mesures strictes n’autorisant le vote qu’avec la nouvelle carte d’identité, le passeport et la carte militaire. Je pense aussi que les partis politiques ont des problèmes pour convaincre leurs militants de s’inscrire, surtout ceux des campagnes. En plus, il ya un déficit de sensibilisation de l’électorat et quand on ajoute à tout cela l’émiettement des partis d’opposition, leurs querelles de leadership, la mise en œuvre par l’Exécutif des mesures impopulaires telles que la TDC, tous ces facteurs réunis ont eu un impact négatif sur le recensement. Mais puisque la date limite est prolongée, espérons que les gens iront s’inscrire massivement surtout du côté de l’opposition pour espérer enfin réaliser l’alternance en 2010.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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