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Région des Grands Lacs : Risques d’embrasement général

Publié le vendredi 20 août 2004 à 08h06min

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Le massacre de Gatumba au Burundi où 160 Bayamulengué
(Tutsi congolais d’origine rwandaise) ont été brûlés, abattus ou
égorgés dans un camp de réfugiés, fait planer des risques d’un
embrasement général de la région des Grands lacs, en proie à
de troubles successifs depuis une dizaine d’années
maintenant.

Ce carnage, revendiqué par les Forces nationales
de libération (FLN, un groupe de rebelles hutu burundais qui
refusent de s’associer au processus de réconciliation
nationale), s’est produit à seulement cinq kilomètres de la
frontière avec la République démocratique du Congo (RDC).

Mais, pour les autorités burundaises et rwandaises, le FLN
cherche à faire diversion en revendiquant la tuerie du 13 août
dernier. Ils attribuent plutôt ce massacre aux interamwé
(rebelles hutu rwandais refugiés en RDC et dont la plupart ont
été des acteurs du genocide au Rwanda en 1994). Ils
menacent par la même occasion d’attaquer la RDC pour
sécuriser leurs frontières. Les deux pays étaient déjà intervenus
en 1996 et 1998 dans l’est de la RDC, riche en minerais,
officiellement pour des raisons sécuritaires.
La région des Grands lacs qui englobe le Rwanda, la RDC, le
Burundi et l’Ouganda est particulièrement instable depuis une
decennie.

La RDC sort à peine de cinq ans de guerre
(1998-2003) qui a fait près de trois millions de morts. De son
côté, le Burundi est déchiré depuis 1993 par une guerre
interburundaise qui a coûté la vie à quelque 300 000 personnes
tandis que le Rwanda est toujours traumatisé par le génocide
de 1994 qui a fait un million de morts, essentiellement des
Tutsi (ethnie minoritaire au Rwanda comme au Burundi). Dans
un tel contexte, le massacre de Gatumba, que le président
rwandais (un Tutsi), Paul Kagamé, a qualifié de génocide,
risque de faire voler en éclats, la fragile stabilité qui règne dans
la région.

Récemment, des troubles avaient éclaté dans l’est de
la RDC où des miliciens du RCD-Goma (ancienne rébellion
congolaise, membre du gouvernement de réconciliation
nationale), soutenus par Kigali, avaient pris la ville de Bukavu
pour, disent-ils, protéger la communauté banyamulengué.
La RDC se défend de toute implication dans la tuerie de
Gatumba. Si on peut lui accorder le bénéfice du doute, il convient
cependant d’avouer qu’il se montre laxiste vis-à-vis des rebelles
hutu rwandais qui opèrent sur son territoire.

Peut-être que ce
laisser-aller traduit tout simplement un signe d’impuissance
dans ce vaste pays où chaque clan s’est taillé une portion du
territoire. Aujourd’hui, le manque d’autorité du gouvernement de
Kinshasa sur l’ensemble du pays offre un terreau favorable à
tous les groupes armés souvent à la solde de mains invisibles.

A l’évidence, la stabilité de la région n’est pas pour plaire à tout
le monde. De puissants groupes d’intérêts qui pillent les
richesses de la RDC voient d’un mauvais oeil le processus de
réconciliation nationale. Ils craignent surtout que le pays
recouvre la plénitude de sa souveraineté sur l’ensemble du
territoire. Un tel scénario privera tous ces groupuscules mafieux
de l’immense richesse dont regorge "ce scandale géologique"
qu’est la RDC. Assurément, l’Organisation des nations unies
(ONU) a montré ses limites dans le drame qui se joue dans
la région.

Déjà en 1994, elle était restée passive alors que tous
les signes d’un génocide au Rwanda étaient clairement
perceptibles. En juin dernier, la ville congolaise de Bukavu est
tombée entre les mains des miliciens du RCD-Goma pendant
que des militaires onusiens y patrouillaient. Le carnage de
Gatumba a eu lieu dans un camp du Haut-commissariat des
nations unies pour les refugiés (HCR).

Dans ces conditions, on comprend ceux qui dénoncent
régulièrement l’inertie et l’impuissance de l’ONU dans la région.
Pour donner des possibilités d’action à cette organisation, il
conviendrait de redéfinir son mandat en RDC. Autrement, il sera
toujours un "machin", incapable d’apporter une solution à une
crise qui n’a que trop duré.

Au Burundi même, un accord de
partage du pouvoir entre Hutu (85% de la population) et Tutsi
(14%) a été signé début août à Prétoria (Afrique du Sud). Cet
accord prévoit notamment que le Conseil des ministres et
l’Assemblée nationale comprennent 60% de Hutu et 40% de
Tutsi et que le Sénat soit composé de 50% de Hutu et 50% de
Tutsi.

Mais dix partis tutsi dont le principal, l’Union pour le
progrès national (Uprona) ont rejeté cet accord, estimant qu’il
avantageait trop les Hutu. Quand on sait que depuis
l’indépendance du pays en 1962 jusqu’en 2001, les Tutsi ont
contrôlé de façon quasi ininterrompue le pouvoir, on saisit alors
toutes les difficultés à surmonter pour le retour d’une paix
véritable dans ce pays dont la décolonisation a été aussi
mouvementée que mal réussie.

Le Pays

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