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Voyage du petit Tamboura et autres aux Etats-Unis : La poutre dans l’œil de Siaka Coulibaly

Publié le vendredi 20 août 2004 à 08h02min

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Enfin, faut-il le souligner, le ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA) sort de sa réserve pour dire sa part de vérité sur l’échec du voyage du petit Tamboura, de l’école Larlé "A", aux Etats-Unis. Le droit de réponse ci-après prend à contre-pied le récit de M. Siaka Coulibaly, secrétaire exécutif du RESOCIDE et initiateur dudit voyage, paru dans notre éditon du week-end dernier.

Nous avons lu avec intérêt l’article intitulé : « Voyage du petit Tamboura aux USA : ce qui s’est vraiment passé », paru dans l’Observateur Paalga n°625 du vendredi 13 au lundi 16 août 2004, pp. 34-35, sous la plume de monsieur Siaka Coulibaly, secrétaire exécutif du Réseau des organisations de la société civile pour le développement (RESOCIDE). En réalité, deux raisons essentielles ont fait que jusque-là le MEBA n’avait pas jugé nécessaire d’intervenir dans ce débat qui a cours dans la presse. La première explication du silence du ministère est que, de façon générale, nous estimons que le thème de l’éducation est comme celui du football : il passionne, fâche même quelquefois. Il participe du débat démocratique tout à fait normal dans un Etat de droit comme le nôtre. Le MEBA n’estime pas toujours opportun de prendre systématiquement part à tous les débats et aux multiples tirs croisés sur un thème qui, à juste titre, préoccupe tout le monde.

La seconde raison qui justifie le silence du MEBA est que, dans le cas qui nous intéresse et comme nous allons le voir plus loin, même si l’ambition au départ semblait être d’impliquer l’administration, force est de constater que le responsable du RESOCIDE a choisi de gérer son dossier comme une affaire privée, ficelée hors du ministère. Néanmoins, les affirmations graves faites par monsieur Coulibaly nécessitent un certain nombre de mises au point pour la gouverne des femmes et des hommes de bonne foi.

1. Du choix des bénéficiaires du voyage aux USA

Comme l’indique monsieur Coulibaly, « il faut bien rétablir les choses comme elles sont : le projet doit apparaître comme ce qu’il est en réalité, c’est-à-dire un projet d’une organisation de la société civile en partenariat avec un département technique », en l’occurrence le MEBA. Mais monsieur Coulibaly n’ignore sans doute pas que cette affirmation forte induit certes des droits pour lui, mais elle l’astreint aussi à des obligations liées au respect des procédures.

1.1 Du choix des enfants

Dans l’esprit du partenariat qu’il prône lui-même avec le MEBA, nous nous attendions à ce que, dès le départ, monsieur Coulibaly s’adresse au ministère par une lettre officielle circonstanciée, où il explique les tenants et les aboutissants de son dossier et exprime ses attentes du partenariat qu’il propose. En lieu et place de ce comportement à visage administrativement découvert, il s’est contenté de quelques démarches informelles auprès de certains services du ministère, où des noms d’élèves et de maîtres ont été juste suggérés.

Mais ces suggestions ne constituaient, en aucun cas, un chèque en blanc du MEBA pour le départ de ces élèves à l’étranger. Qui est fou ? En effet, en ces temps de trafics d’enfants de tous genres, de simples demandes d’audiences ne peuvent suffire au MEBA pour livrer trois élèves de l’école burkinabè à qui que ce soit pour quoi que ce soit, encore moins pour un voyage à l’étranger. Malheureusement, monsieur Coulibaly avait apparemment les yeux beaucoup plus rivés sur les conditionnalités de ses partenaires étrangers, dans le mépris quasi-total de celles de son pays, représenté par son autre partenaire national qu’est « le département technique ».

1.2. Du choix des accompagnateurs (trice)

Si l’on examine attentivement le comportement de monsieur Coulibaly, on découvre son vrai visage : en fait, le partenariat qu’il prône avec le MEBA est un simple vœu pieux, prononcé du bout des lèvres.

En effet, il affirme clairement que, contrairement à l’identification des enfants où il a quand même pris la peine de consulter une personne de ressource du MEBA, en ce qui concerne les accompagnateurs (trice), il l’a fait de façon souveraine, unilatérale. Ainsi, sans s’en référer à leurs supérieurs hiérarchiques, un responsable d’une organisation de la société civile communique les noms de deux fonctionnaires de l’Etat burkinabè pour une mission à l’étranger. Le seul moment où il a pensé qu’il fallait intimement impliquer les supérieurs hiérarchiques de l’accompagnatrice de l’élève Tamboura, c’est quand il a attendu en vain la livraison de l’autorisation d’absence, de l’ordre de mission et du passeport de service de l’intéressée. En réalité, il a joué au médecin après la mort, ou, au minimum, au pompier après l’incendie.

En somme, il a voulu colmater les brèches. Cela d’autant que Mme Siribié ne pouvait en aucun cas remplir les formalités administratives de ce dossier dont elle n’a pas la paternité, comme le souligne avec force monsieur Coulibaly lui-même. Dans le cas d’espèce, après avoir pris tous les renseignements, monsieur Coulibaly devait adresser une lettre officielle à monsieur le ministre de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation. Après étude du dossier, le ministre aurait alors pu apprécier le dossier et donner son accord par une correspondance officielle au RESOCIDE, à la hiérarchie de l’école du petit Tamboura (DREBA, DPEBA, CEB) et à la Direction générale de l’Enseignement de base dont relève la structure dirigée par Mme Siribié.

C’est alors, et seulement alors, que le RESOCIDE aurait pu bénéficier de la caution de l’Etat burkinabè, et l’établissement, de l’autorisation et de l’ordre de mission de Mme Siribié. Monsieur Coulibaly, qui joue au moralisateur, n’est pas censé ignorer cela. De toute façon, quand il veut se renseigner, il sait le faire. En fait, monsieur Coulibaly ne fournit pas la preuve qu’il voulait d’un partenariat. Il donne plutôt l’impression qu’il cherchait à se servir des enfants et de la caution de l’Etat à des fins inavouées et inavouables.

En effet, tous les partenaires de l’Etat savent qu’aucun ministère ne peut délivrer d’ordres de mission comme des arachides à ses agents pour des missions à l’étranger. Cela relève de la prérogative du Conseil des ministres, suivant une démarche administrative que monsieur Coulibaly ignore royalement. Insistons pour réaffirmer que le partenariat suppose des exigences, au Burkina comme ailleurs. Le partenariat, ce n’est pas du paternalisme.

2. De l’apparition du directeur de l’école du petit Tamboura dans le dossier

Tout au long de son écrit, monsieur Coulibaly s’acharne sur le premier responsable du MEBA. Il l’accuse notamment d’avoir cherché à appuyer « un corps étranger au processus », en l’occurrence monsieur Halidou Pafadnam, directeur de l’école de l’élève Tamboura, au détriment de Mme Marie Cécile Siribié. Cette façon d’interpréter les choses visait à semer visiblement le doute et la suspicion dans l’esprit des gens de bonne foi.

En réalité, si monsieur Pafadnam bénéficiait de l’onction du ministre Ouédraogo, l’intéressé n’aurait pas eu besoin d’effectuer lui-même les démarches. Au MEBA, Il y a une personne désignée pour ce genre de choses, en l’occurrence le chef du service du protocole ministériel, et personne d’autre. En réalité, monsieur Coulibaly ne semble pas bien comprendre ce qui lui arrive : voilà un responsable d’une organisation de la société civile qui s’introduit par une porte plutôt dérobée au MEBA et, contre toutes les procédures, désigne un agent pour une mission qu’il veut d’Etat. Et voilà que sa démarche est contestée et rejetée par des enseignants(es).

Au lieu d’une introspection sérieuse de son comportement pour une autocritique bienfaisante, il cherche des boucs émissaires. Pourtant, monsieur Coulibaly semble très bien placé pour savoir que la démocratie, ce n’est pas seulement des mots creux, des participations à des conférences internationales. C’est quelque chose de beaucoup plus pratique, qu’on vit au quotidien au MEBA. En effet, dans ce ministère, on a affaire à des débatteurs, à des intellectuels. Quand, de son propre chef, on opère des choix tel qu’il l’a fait, il faut s’assumer, être prêt à les défendre bec et ongles, avec des arguments des plus pertinents. Les fuites en avant et autre stratégie du bouc émissaire constituent des disques rayés.

3. De l’échec de la mission du RESOCIDE aux USA

De l’échec de cette mission de son ONG aux USA, monsieur Siaka Coulibaly retient qu’il y aurait eu trois victimes : son Réseau, Mme Marie Cécile Siribié et l’élève Hamado Tamboura. Et il indexe le ministre Mathieu Rakisouilligri Ouédraogo comme le responsable de cet échec. Franchement, cette analyse de monsieur Coulibaly nous étonne énormément. En effet, le décompte des victimes, qu’il fait, n’est pas du tout exact : au départ, il y avait trois élèves dont les noms ont été transmis aux USA pour le voyage : Yelkouni Risnata, Kagambéga Nadine et Tamboura Hamado. Comme aucun d’entre eux n’a pu bouger, il est clair qu’il y a eu trois victimes à ce niveau déjà.

Si l’on y ajoute les trois accompagnateurs (trice) qui, eux non plus, n’ont pas bénéficié du voyage, on constate qu’il n’y a pas eu trois victimes seulement, mais que le bilan est beaucoup plus lourd : 3 victimes + 3 victimes = 6 victimes. Et sur ce décompte ne figurent même pas les victimes collatérales, parmi lesquelles le MEBA, qu’il veut rendre coupable de tous les péchés d’Israël à partir d’une simple lecture en diagonale des Livres saints. Mais pourquoi monsieur Coulibaly, qui a raflé la vedette sur le plan international en produisant, comme il l’indique, des documents de qualité, n’arrive-t-il pas à effectuer une simple addition relevant des premières années de l’école primaire ?

En fait, sur les trois dossiers d’élèves proposés pour le voyage, deux ont été éliminés de par un péché originel commis par monsieur Coulibaly lui-même. Il le reconnaît d’ailleurs explicitement dans son écrit : « Dans l’urgence, compte tenu du délai de clôture, je n’ai pas fait attention aux mois et jour de naissance de deux des enfants, si bien qu’au dépouillement, un seul a été retenu ». Ainsi, dans la précipitation, monsieur le secrétaire exécutif a fait échouer deux candidats méritants à un examen de voyage. Ce n’est pas grave ça ? Cela d’autant plus que, de ce fait, deux accompagnateurs, dont lui-même, ont été exclus de la mission.

4. De la responsabilité du MEBA dans le dossier Tamboura

Par rapport à la mission du rescapé des premières turpitudes de monsieur Coulibaly, à savoir l’élève Hamado Tamboura, on constate que le RESOCIDE a voulu forcer la main à l’Etat, à plusieurs niveaux. A en croire l’intéressé lui-même, le premier coup de force semble s’être opéré au niveau de Mme Marie Cécile Siribié, qu’il a « dû forcer pour lui faire accepter la troisième place d’accompagnatrice », comme s’il n’y avait pas d’enseignante de l’école Larlé A, de l’inspection de Ouaga n°1, de la DPEBA ou de la DREBA du Centre qui pouvait aussi bien accompagner leur élève. C’est le lieu de préciser que l’inspection Ouaga n°1 est dirigée par une femme, tout aussi habilitée à remplir cette mission. En fait, dans cette démarche, ce n’est pas la personne de Mme Siribié qui semble avoir retenu l’attention de monsieur le secrétaire exécutif du RESOCIDE, mais plutôt sa fonction, la caution de l’institution qu’elle pourrait lui apporter à moindres démarches.

C’est pourquoi, affirme-t-il d’ailleurs, « sur mon instance, elle devait utiliser son passeport de service alors qu’elle-même souhaitait utiliser son passeport ordinaire ». En d’autres termes, Mme Siribié a analysé sa désignation comme une mission privée, alors que tout laisse apparaître que le RESOCIDE recherchait une mission d’Etat à l’amiable pour des fins inavouées et sans doute inavouables. Le deuxième niveau de pression que Monsieur Coulibaly a tenté d’exercer, c’est au niveau du ministre de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation lui-même.

En effet, ne voyant venir ni l’autorisation d’absence, ni l’ordre de mission, encore moins le passeport de service de Mme Siribié, monsieur Coulibaly s’est enfin résolu à écrire officiellement au MEBA, alors qu’il fallait plutôt commencer par-là. En fait, de part son attitude, il donne l’impression qu’il voulait engager l’Etat dans un marché de dupes sur un enjeu très sensible, c’est-à-dire l’enfant, en la personne de l’élève Hamado Tamboura. Naturellement et fort heureusement, monsieur le ministre, qui a sans doute déjà vu des vertes et des pas mûres dans ce genre de dossiers, ne l’a pas suivi sur ce terrain très glissant.

5.De la morale des actes d’un moralisateur présumé

En somme, cette affaire montre un responsable d’une organisation de la société civile qui obtient trois voyages d’une semaine à l’étranger pour des élèves burkinabé. Il compose la liste des enfants sur la base de consultations informelles avec des personnes de ressources. A l’issue de ces démarches, il communique le nom des enfants et, de son propre gré, ceux de deux fonctionnaires de l’Etat pour les accompagner. Dans la précipitation, il fait échouer deux dossiers. Pour le troisième, il attend de recevoir les billets d’avion de l’enfant et de son accompagnatrice avant de penser aux démarches administratives requises en la matière.

Pire, et contrairement au souhait de l’accompagnatrice, il exige, curieusement, qu’elle effectue le voyage non pas en privé, mais bel et bien au nom de l’Etat burkinabè. Alors que, au préalable, il n’avait pris aucune disposition en la matière. Ici, n’importe qui peut s’expliquer l’échec de cette mission bien ambiguë, ficelée par quelqu’un qui ne dit sans doute pas toute la vérité dès le départ. Cette démarche appelle de nous une interrogation : une personne étrangère à l’organisation peut-elle se comporter aussi impunément dans le RESOCIDE de monsieur Coulibaly ?

Dans tous les cas, monsieur Coulibaly ne peut pas se prévaloir de ses propres turpitudes pour s’ériger en donneur de leçons, d’éthique et de morale aux dirigeants burkinabè. Ce candidat d’un genre singulier au partenariat avec l’Etat doit se convaincre que le respect des vertus dont il veut s’ériger en chantre commence par le respect des institutions et des personnes qui les incarnent. C’est à ce prix, entre autres, que beaucoup plus facilement que le chameau qui voudrait passer par le trou d’une aiguille, il pourrait établir un partenariat agissant avec l’Etat qui, d’ailleurs, accorde chaque jour davantage d’intérêt à la société civile.

En effet, au MEBA comme ailleurs, on ne juge ni de manière équilibriste, ni par imitation de quelque roi de la Rome antique que ce soit. C’est tout simplement le respect de la déontologie administrative, c’est-à-dire sur pièces produites dans les normes et dans les délais administratifs requis. D’ailleurs, c’est sans doute par la multiplicité des vices de fond et de forme dont monsieur Coulibaly s’est rendu coupable que s’explique, en grande partie, l’apparition de « corps étranger au processus » et l’impasse dans laquelle son projet s’est malheureusement trouvé. A la fixation sur leurs effets, il conviendrait, plus souvent, de privilégier l’analyse des causes profondes des phénomènes, seul gage pour mieux faire demain.

En fait, monsieur Coulibaly devrait accepter de troquer les stratégies de la suspicion, de la calomnie, de la poupée russe, de la précipitation, du dénigrement, de l’injure facile, du bouc émissaire, dont il fait excellemment preuve, contre des outils beaucoup plus performants dans son rapport à l’autre. Tout le monde, dont le Réseau qu’il dirige, y gagnerait. En attendant, et comme l’a dit quelqu’un, ce monsieur traite de l’éthique et de la morale comme ceux qui parlent de la transparence : ils l’aiment bien, mais ne renoncent pas à l’obscurité et au flou artistique quand cela les arrange. En un mot, mieux vaut s’attarder sur ce qu’ils disent, car ce que font ces donneurs de leçons pue.

Yemdaogo Kafando,
Directeur de la Communication et de la presse ministérielle du MEBA

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