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AUGMENTAION DU PRIX DU SUCRE : Le Burkina victime du cours mondial

Publié le mardi 16 mars 2010 à 01h43min

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Le prix du sucre a connu une flambée ces derniers temps au Burkina, passant de 550 F CFA à 700, voire 800 F CFA le kilogramme. Face à cette inflation, les consommateurs, courroucés, se disent victimes d’une supercherie, tantôt de la part de commerçants véreux, tantôt de la part de la Société sucrière de la Comoé (SN SOSUCO). Tandis que les commerçants grossistes, eux, pointent du doigt la Société de distribution de sucre (SODISUCRE). Pourtant, cette dernière confie n’être aucunement responsable de cette impasse. D’après elle, la situation serait plutôt liée au cours mondial actuel du sucre.

Consommateurs fâchés, revendeurs bleus, tout le monde se plaint. Le prix du sucre est devenu exorbitant. En deux semaines seulement, le kilogramme de sucre qui se vendait à 550 F CFA au Burkina est passé à 700 F CFA, voire 800 F CFA dans certaines boutiques. La grogne se fait de plus en plus sentir au sein de la population : "Avec cette vie chère, vraiment, on ne comprend plus rien. Si ce n’est la SOSUCO, ce sont donc les commerçants qui nous grugent en montant selon leur gré le prix du sucre !", se lamente une dame voyant la Une du journal "Le Pays" du mercredi 10 mars 2010, dans la matinée, devant le siège du journal. En fait, dans ce numéro du Pays, se trouve un reportage sur le sujet.

Le secrétaire général de la SN SOSUCO, Mouctar Koné y explique que la SN SOSUCO n’est pas du tout responsable de l’augmentation du prix du sucre au Burkina. Aïcha Kaboré, vendeuse de "zoomkoom" (ndlr, boisson traditionnelle fabriquée à base de farine de mil, mélangée avec du sucre) et Issa Wobgo, vendeur ambulant de café, se plaignent également de ne plus pouvoir faire assez de bénéfices, du fait de l’augmentation du prix du sucre.

"Vraiment, s’il était possible de diminuer le prix du sucre, cela nous arrangerait. Sinon, nous n’arrivons même pas à faire du bénéfice", a expliqué Aïcha Kaboré. Un tour dans certaines boutiques, dans les quartiers de Ouaga, là également, les propriétaires prétendent ne rien comprendre du tout. C’est le cas de ce revendeur au quartier Patte d’oie, Kassoum Tiendrébéogo : "Il n’y a pas ce prix auquel nous n’avons pas eu à acheter le sucre ici à Ouagadougou. Nous ne savons pas pourquoi le prix du sucre a augmenté. C’est que le sucre même manque présentement sur le marché et nous (les détaillants) nous approvisionnons partout, chez n’importe quel grossiste où nous pouvons gagner du sucre. Même si nous ne faisons pas de gros bénéfices."

Même les grossistes ne comprennent pas ...

Si ce n’est la faute des boutiquiers, ni de la SN SOSUCO, qui donc serait responsable de cette hausse du prix du sucre au Burkina ? El Hadj Harouna Tamboura, l’un des plus grands grossistes de la ville, lorsqu’il nous a accueillis dans son bureau, semblait avoir les nerfs en pelote. Selon le commerçant, avant l’augmentation, il achetait la tonne de sucre à 450 000 F CFA. Mais, il lui faut désormais débourser la somme de 600 000 F CFA pour la même quantité. Dans un contexte pareil, il est donc évident que le prix de revient de la tonne s’élèvera autour de 635 000 et 640 000 F CFA chez le grossiste. El Hadj Harouna Tamboura, accuse surtout la SODISUCRE d’être responsable de la situation. "Je n’ai jamais vu cela. S’il y a un problème sur le marché, cela incombe à la SODISUCRE, puisque c’est elle qui assure désormais la distribution du sucre au niveau national. Je ne comprends pas pourquoi la SODISUCRE a augmenté les prix ; il faut qu’elle nous explique ce qui se passe."

La SODISUCRE s’explique

La SODISUCRE, elle aussi, dit ne pas être responsable de la situation. Du reste, à en croire les explications de son directeur général, Jean Marie Soubéiga, l’augmentation du prix du sucre est liée au cours mondial du produit. Le prix du sucre a doublé. Il y a une pénurie de sucre sur le marché mondial, du fait que le Brésil et l’Inde, les deux premiers producteurs de sucre au plan mondial, ont baissé leurs importations. Le Brésil qui se trouve être le plus grand producteur mondial, utilise désormais près de 55% de son sucre pour la fabrication de biocarburant, notamment l’éthanol. Le reste est exclusivement réservé à sa consommation nationale. L’Inde également, depuis un certain temps, ne fait qu’importer, au lieu d’exporter.

Conséquence : les importateurs de sucre sont obligés de se bousculer pour pouvoir se procurer cette denrée, devenue rare. Toute chose qui explique la surenchère actuelle au niveau du sucre. En tout état de cause, le Burkina ne pouvait échapper à la situation, selon la SODISUCRE, dans la mesure où la SN SOSUCO ne produit que tout au plus 40 000 tonnes de sucre par an, soit 40 % de la consommation locale. Face à cette situation, la SODISUCRE est même obligée, selon son directeur général, pour éviter que le prix du sucre ne soit trop élevé pour le consommateur burkinabè, d’équilibrer ses tarifications. Selon le système de péréquation qu’elle a mis en place, la SODISUCRE est obligée de baisser le prix du sucre blanc, le sucre importé, de 630 000 à 600 000 F CFA la tonne ; par conséquent, le prix du sucre local, lui, monte légèrement, notamment à 550 000 F CFA au lieu de 450 000 F CFA la tonne.

Mais, explique le DG de la SODISUCRE, la faible quantité de sucre produite par la SN SOSUCO ne suffit même pas à satisfaire la consommation nationale, ne serait-ce que pendant la moitié de l’année. Elle finit totalement vers fin février-début mars. Dès lors, il ne reste plus que le sucre importé, trop cher, sur le marché burkinabè. Ce qui suppose donc que présentement, il n’y a plus que le sucre importé sur le marché burkinabè, le sucre produit par la SN SOSUCO étant épuisé. Alors, le seul prix qui vaille actuellement, s’élève à 600 000 F CFA la tonne de sucre.


JEAN-MARIE SOUBEIGA, DG DE LA SODISUCRE : "Le prix du sucre ne dépend pas de nous"

Dans l’interview qui suit, le directeur général de la société de distribution de sucre (SODISUCRE), Jean-Marie Soubéiga, explique que "le problème du sucre n’est pas un problème de la SODISUCRE, ni de la SN SOSUCO", mais plutôt un problème lié au cours mondial du sucre dont du reste le Burkina est tributaire. La production locale de sucre, par la SN SOSUCO, étant infime, comparée aux besoins de consommation des Burkinabè.

"Le Pays" : Comment expliquez-vous la montée soudaine du prix du sucre au Burkina ?

Jean-Marie Soubéiga : Le problème du sucre est lié au cours mondial du sucre. Ce n’est pas un problème au niveau de la SODISUCRE ni de la SN SOSUCO. Il faut noter que depuis 2008, le prix mondial du sucre a plus que doublé, depuis même le Brésil qui est le premier producteur mondial. Le Brésil aujourd’hui utilise plus de 55% de sa production pour faire l’éthanol, donc le biocarburant. Et le deuxième producteur qui est l’Inde a un problème de sécheresse. En plus de cela, l’Etat indien a décidé de privilégier les produits vivriers, si bien que les produits de rente comme le sucre ont baissé. Et l’Inde aujourd’hui importe le sucre. De même, l’Union européenne qui exportait également le sucre, n’en exporte plus, sauf que ces derniers temps, ayant constaté qu’il y a une crise du sucre, elle a décidé d’injecter près de 400 000 tonnes dans le circuit commercial mondial. Revenant au cas du Brésil, le premier producteur, ce pays a décidé de faire du biocarburant et finalement, ce qui reste de sa production ne suffit plus. Du fait donc de la pénurie, les prix du sucre sont déjà élevés, depuis même le départ et à l’arrivée.

Mais, il y a, néanmoins, le sucre local. Celui-ci a aussi augmenté de prix, alors que cela ne se devrait pas.

En réalité, le sucre importé, donc le sucre blanc, nous revient à près de 630 000 F CFA la tonne. Mais, nous au niveau de la SODISUCRE, nous le vendons aux grossistes à 600 000 F CFA. Si bien que, pour compenser un tant soit peu les pertes, nous vendons le sucre de la SOSUCO à 550 000 F CFA la tonne. Disons que nous avons fait un système de péréquation. Sinon, aujourd’hui, étant donné que nous achetons le sucre blanc à 630 000 F CFA nous aurions pu le vendre autour de 640 000 à 660 000 F CFA. Mais nous le faisons à 600 000 F CFA car c’est déjà très élevé. C’est vrai que nous ne maîtrisons pas non plus les grossistes. Concernant les prix, nous ne faisons que conseiller simplement des prix auxquels ils doivent vendre leur sucre. En fait, le problème qui se pose au Burkina, c’est que la production de la SN SOSUCO n’est pas du tout suffisante. L’usine produit entre 35 000 et 40 000 tonnes dans l’année, alors que la consommation locale tourne autour de 90 000 à 100 000 tonnes. C’est pourquoi, il y a plus d’import, comparativement à la production locale. Sachez que déjà, dès la période de février-mars, toute la production de la SN SOSUCO finit sur le marché. Actuellement, c’est le cas.

En ce moment, votre système de péréquation ne fonctionne pas alors, ce qui suppose que vous perdez aussi des recettes.

Justement, c’est cela aussi le problème. Mais, nous espérons que le cours mondial baissera pour que dans les prochaines commandes, tout le monde puisse en bénéficier. Par contre, si le cours monte, nous serons aussi obligés de nous y conformer. Cela ne dépend pas de nous. Nous sommes tributaires du cours mondial du sucre. Sinon, nous sommes tous sensibles à la situation. Espérons simplement que les 400 000 tonnes environ injectées par l’Union européenne pourront vraiment faire en sorte que les prix baissent. Cependant, nous ne savons pas à partir de quand, ni pour combien de temps.

Lassina Fabrice SANOU

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 16 mars 2010 à 17:39, par lilboudo En réponse à : AUGMENTAION DU PRIX DU SUCRE : Le Burkina victime du cours mondial

    J’avais cru savoir que la sn sosuco n’arrivait pas à écouler son sucre pour cause de concurrence ! Le mieux serait que l’Etat injecte beaucoup de fonds dans la société nationale, afin de la viabiliser et de lui permettre d’accroitre considérablement ses capacités de production, afin de profiter de la conjoncture mondiale favorable pour non seulement répondre au besoin national, mais aussi internationl

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