Une période de latence interprétée, dans le meilleur des cas, comme annonciatrice d’un chamboulement au sein de l’équipe gouvernementale, et, dans le pire, comme un signe de dilettantisme au sommet de l’Etat. Les deux têtes de l’Exécutif, à savoir le président de la République, Blaise Compaoré, et le Premier ministre, Tertius Zongo, se seraient-ils donné du temps, montrant ainsi qu’ils ne sont pas hommes à travailler sous la pression conjuguée des médias et de Dame Rumeur ?

Qu’à cela ne tienne, plus que le remplacement de Jérôme Bougouma, c’est l’ampleur du remaniement prévu qui aiguisait la curiosité des Burkinabé. Tertius allait-il prendre prétexte de la suppléance d’un de ses hommes pour nettoyer les écuries d’Augias ? Ou plutôt allait-il concocter un gouvernement de campagne, vu que nous sommes à quelques mois de la prochaine présidentielle ?

Depuis la nuit du vendredi 12 mars 2010, fin du suspense : en lieu et place de l’ouragan, ce fut une légère brise qui a soufflé sur le gouvernement. Bilan : deux victimes ; il s’agit de Mamadou Sanou du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat, et de Marie Thérèse Drabo, ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargée du Budget. Les deux sont respectivement remplacés par Léonce Koné, ancien directeur de la BACB, aujourd’hui à la retraite, et François Marie Didier Zoundi, cadre de banque.

Autre nouvel impétrant et en remplacement du démissionnaire, Jérôme Bougouma : Adrien Koné, précédemment secrétaire général du gouvernement, lequel cède sa charge à Yacouba Barry. Comme on le constate, on n’avait vraiment pas besoin de tout ce long temps pour opérer pareil réajustement.

Comme d’habitude, à chaque remaniement son accueil du public. Car il y a ceux, et ce sont les plus nombreux, que beaucoup voudrait voir quitter la table du conseil des ministres pour une raison ou une autre, et les ministrables que l’on désire voir obtenir effectivement des maroquins. Autant dire que les uns et les autres marchent avec leur shadow cabinet. Malheureusement pour eux, un ministre, ça n’a pas besoin de suffrage pour diriger un département.

Mais revenons au nouvel attelage pour nous interroger sur les raisons du limogeage des deux ministres, que sont, rappelons-le, Mamadou Sanou et Marie Thérèse Drabo. Ont-ils été remerciés pour insuffisance de résultats ? Sont-ils victimes d’une main vengeresse tapie à l’ombre du pouvoir ? Ou est-ce pour convenances personnelles, même si cette dernière hypothèse est la moins plausible ? Quels seront leurs prochains point de chute ?

Ensuite, parmi les personnalités à qui le chef du gouvernement a renouvelé sa confiance, il y en a dont la prorogation de la charge fera sans doute jaspiner. Cela, parce que depuis l’affaire Bougouma, d’autres mandarins de la République étaient également au centre de rumeurs portant, elles aussi, sur des affaires de fesses. Même Internet s’en était fait l’écho.

Sans pour autant verser dans l’incrimination facile, malveillante et abusive, il y a lieu de se demander si, en décidant de garder les « boucs lubriques » dans le pâturage, Blaise et Tertius n’ont pas pris la sage option de ne rien céder à la dénonciation calomnieuse. Car lorsque Dame Rumeur se met à gouverner les gouvernants, c’est le début de l’ère de la terreur et de l’anarchie.

Enfin, ce réajustement ministériel vient confirmer la percée fulgurante d’un homme naguère loin des feux de la rampe : vous l’aurez sans doute deviné, il s’agit de Yacouba Barry, nommé secrétaire général du gouvernement et du conseil des ministres.

Depuis les tribulations de Salif Diallo, tous les vents semblent favorables à l’ancien directeur de la Maîtrise d’ouvrage de Bagré : récemment nommé commissaire politique CDP de la région du Nord, le voilà aujourd’hui installé dans l’antichambre du gouvernement. Faut-il voir dans cette ascension quelques relations de cause à effet avec la descente aux enfers de Gorba, dont la suspension des instances du parti au pouvoir vient d’être levée ?

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga