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Mine de Taparko : Les jeunes exigent du boulot

Publié le mercredi 3 mars 2010 à 02h18min

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Le 15 janvier dernier, les jeunes du village de Taparko ont organisé un meeting pour protester contre la société minière installée dans leur localité, la Société des mines de Taparko (SOMITA). Le rassemblement a eu lieu non loin de la place où stationnent les bus de la société qui transportent les ouvriers du village au site de la mine.

L’objectif des manifestants dans un premier temps était de bloquer le départ des bus. D’autres jeunes voulaient aller plus loin en suggérant d’ériger des barricades sur la Nationale n° 4 qui mène à Dori. Cela aurait aboutit au blocage de tout le trafic sur cette voie. Finalement, sur intervention de personnes plus âgées, le rassemblement des jeunes s’est mué en un meeting dans l’enceinte d’une grande cour.

A la fin, une délégation composée d’une dizaine de personnes est allée à Yalgo, chef-lieu de la commune, rencontrer le maire et le préfet pour leur dire de transmettre aux responsables de Somita l’indignation des jeunes de Taparko. En effet, la veille de ce mouvement d’humeur, une rumeur avait circulé dans le village que 24 personnes venues par les cars en provenance de Ouagadougou auraient été embauchées par la société minière. La rumeur a pris de l’ampleur quand le soir, à la descente, des ouvriers de la société ont confirmé la venue de nouvelles personnes à la mine. Mieux parmi ces personnes, il y en a qui logent dans le village et qui ont confirmé avoir été embauchées. Elles auraient déposé leurs demandes d’embauche il y a quelques jours par l’entremise de leurs parents qui travaillent dans la société. De renseignement en renseignement, il s’est avéré que ce sont des emplois de basse qualification à la portée donc de nombreux jeunes de la localité.

Depuis l’inauguration officielle de la mine le 8 octobre 2007, c’est la première fois qu’une telle manifestation a lieu à Taparko. Cependant, d’autres tentatives ont eu lieu, mais très vite étouffées dans l’œuf soit par les autorités coutumières et religieuses du village soit par les gendarmes de la brigade installée dans le village, depuis que le premier lingot d’or a coulé de l’usine. Les rapports des autorités locales faisant état de la situation de tension entre le village et la société sur la question de l’emploi des jeunes auraient été transmis aux niveaux supérieurs, notamment au gouverneur de la région du Centre-Nord et au haut commissaire du Namantenga.

En 2008 et en 2009, le haut commissaire est venu de lui-même rencontrer les responsables de la société minière. Cette fois-ci également, il a laissé entendre qu’il allait faire le déplacement le 17 janvier, deux jours après la manifestation des jeunes. Les populations l’ont attendu le 17, puis le 18 janvier, mais point de déplacement de haut commissaire ni d’aucune autre autorité. Près de deux mois après, aucune autorité n’a été vue dans le village. Du reste, les jeunes ne croient plus à la capacité des autorités communales et provinciales de faire aboutir leurs revendications. "Ce n’est pas notre première fois d’interpeller nos autorités sur cette question d’emploi des jeunes de la localité. A chaque fois, elles nous ont promis de transmettre nos doléances aux responsables de Somita. Mais jusqu’aujourd’hui, on est toujours à la case départ. Nous avons décidé de prendre nos responsabilités désormais. Nous allons nous faire entendre par nos propres moyens.", affirme Abdoulaye Sondé, un des porte-parole des jeunes.

Des formations pour rien ?

Au démarrage de la mine en 2007, l’ex-directeur général de Somita, Roger Lacert, aurait dit de faire des formations. L’actuel DG, Marco Kelly n’a pas dit le contraire. La raison avancée généralement pour expliquer la non embauche des jeunes de la localité réside dans le fait qu’ils sont sans qualification. Ils ne sont pas allés loin à l’école, entend-t-on dire. Pour démentir ce propos, de nombreux jeunes du village ont vendu leurs animaux pour se former : auto-école, mécanique et d’autres formations en métiers. La promesse est qu’au bout, la société minière aurait besoin de ces différentes qualifications. "Nous avons suivi ces conseils, mais malgré tout, c’est d’autres personnes venues d’ailleurs que la société embauche. ", lâche Oumarou Sondé, l’un des animateurs du groupe des jeunes. Las d’attendre, ils ont décidé d’aller chaque matin devant la porte de la société dans l’espoir de faire partie des journaliers que l’usine recrute temporairement.

Mais au bout de quelques semaines, les responsables de la mine auraient ordonné aux vigiles de ne plus les admettre devant les guérites de la société pour des raisons de sécurité. Une autre explication est venue s’ajouter, c’est la délocalisation du lieu de recrutement des journaliers. Désormais, tous les candidats doivent attendre au village sous le baobab. Pour les jeunes, cette décision est la bienvenue parce qu’elle leur évite de faire 3 km chaque matin pour rejoindre le site de la mine. Si désormais, c’est pratiquement devant leurs concessions que le recrutement va se faire, c’est un soulagement. "Mais nous avons constaté que cette décision visait à nous éloigner davantage de ce que nous recherchons. Chaque matin, nous sommes des dizaines qui attendions, mais absolument rien. Pourtant, nous savons qu’ils prennent des journaliers. Ceux qui travaillent déjà à la mine hébergent leurs frères et cousins et quand la société a besoin de contractuels, ils inscrivent leurs parents. Nous perdions donc du temps à attendre sous le baobab", confie Ahmed, un jeune qui a le niveau secondaire.

Du népotisme dans les recrutements

Les jeunes sont persuadés que les cadres et autres travailleurs de la société privilégient leurs parents dans les recrutements, cela quel que soit le boulot : conduite, nettoyage, gardiennage, restauration etc. Du côté des responsables de la société, la ligne de défense reste que les jeunes du village sont sans qualification. "Nous évoluons dans un métier qui demande une certaine qualification que l’on ne retrouve pas dans le village", soutient la responsable des ressources humaines de Somita, Mme Zizien. Son directeur général, Marco Kelly, affirme, lui, que la société fait de son mieux pour donner du boulot aux jeunes des localités voisines de la mine dans certains domaines. Pour preuve, en fin janvier, sur 24 journaliers, 16 seraient originaires des localités de la commune.

A l’échelle de la région du Centre-Nord, les travailleurs issus de la région sont 120 sur 498, soit 24% de l’effectif total de la société. Mais il n’y a aucune statistique sur le nombre de travailleurs venant de la localité de Taparko ou de Yalgo, les deux localités les plus proches de la mine où la majorité de ses ouvriers sont hébergés. Aujourd’hui, selon un conseiller municipal de Taparko, Torodo Makido, il n’y a que 20 jeunes de la localité qui travaillent dans la société dont 14 contractuels. "Nous avons déposé des demandes, mais rien. Elles sont jetées à la poubelle. Pendant ce temps, nous voyons des gens qui n’ont pas une grande qualification comme nous, être embauchés.", renchérit Abdoulaye Sondé. "Ils disent que nous sommes sans qualification, voilà pourquoi ils ne peuvent pas nous embaucher, mais il y a des boulots qui ne demandent pas beaucoup de qualification.

On voit des gens descendre des cars en provenance de Ouaga pour aller occuper ces boulots. Pourquoi ne nous font-ils pas appel ? C’est nous les jeunes du village qui avons fait le montage de l’usine, la construction du site du barrage avec la société Secrete. Quand c’est fini, ils nous ont laissé tomber pour recruter sous nos yeux des gens à qui nous avons appris à travailler.", note Abdoulaye Sondé. Selon lui, il y a au moins 80 jeunes dans le village qui peuvent faire les boulots que certains font dans la société. "D’ailleurs parmi ces derniers, il y en a que nous avons appris à faire ce qu’ils font actuellement, c’est nous qui les avons formés quand on travaillait à la construction de la mine. Quand le travail était dur, c’est à nous qu’on faisait appel, maintenant que c’est devenu moins difficile et mieux payé, leurs grands frères qui sont des cadres nous ont vidés pour les mettre à nos places.", souligne-t-il.

Les jeunes pensent par ailleurs que le DG de la société ignore les pratiques de ses collaborateurs burkinabè. " Le Blanc ne sait pas que les jeunes du village ne sont pas nombreux à travailler dans la société. Les responsables burkinabè ne lui disent pas la vérité. ", affirme un jeune. Un autre nous dit qu’il a bourlingué sur d’autres sites miniers avant de revenir dans son village. Pour lui, le sort qu’il aurait subi ailleurs lui donne davantage de motivation pour continuer la lutte : "J’étais ouvrier à Perkoa. A la fin de mon contrat, la société n’a pas renouvelé parce que les jeunes de là-bas ont dit que la priorité, c’est d’abord les ressortissants de la localité. Je suis allé à Bellahouro dans le Soum. Là-bas aussi, c’est la même chose. Je reviens chez moi, je ne gagne pas non plus de travail parce que ici, la priorité, c’est d’abord les autres, avant ceux du village. Nous avons décidé de faire comme les autres, on ne va plus s’assoir regarder faire. Nous exigeons également du travail pour les jeunes de la commune d’abord.".

Le plan social se fait attendre

Le village est durement touché par la présence de la mine. Une bonne partie des champs des paysans ont fait l’objet de retrait moyennant une indemnisation jugée très dérisoire par leurs propriétaires. L’orpaillage, la principale activité qui faisait vivre les familles, est interdite depuis la concession par l’Etat des permis de recherche aux sociétés d’exploration. Cette interdiction s’est davantage renforcée avec le début de l’exploitation par Somita en 2007. Des vigiles recrutés par la société surveillent les " collines " de jour comme de nuit. Les orpailleurs qui s’y aventurent tard la nuit sont souvent appréhendés par ces vigiles qui retirent leurs matériels et les convoquent à la gendarmerie installée dans le village avec l’arrivée de la mine. L’eau est devenue une denrée rare avec l’arrivée des ouvriers dans le village, le coût de la vie a également augmenté. L’école a vu ses effectifs augmenter, le petit personnel du CSPS a vu sa charge de travail passer du simple au double.

Les mœurs sociales sont en train de changer avec le brassage occasionné par l’arrivée des centaines d’étrangers dans le village. Avec ce tableau, c’est peu dire que tout le monde nourrit beaucoup d’attentes auprès de la société minière. Son plan social a du retard dans son opérationnalisation. Le DG de la société met cela sur le compte des difficultés financières consécutives à la crise financière de 2008. Mais qu’à cela ne tienne, la société compte honorer ses promesses faites lors de son installation officielle, à savoir doter le village d’une fontaine d’eau, augmenter la capacité d’accueil du CSPS, aider les élèves avec des manuels scolaires, (ce qui se fait déjà), appuyer les associations dans la sensibilisation sur les IST/Sida, etc. La 1ère adjointe au maire de Yalgo, Mme Lankouandé, elle, en appelle au gouvernement pour qu’une partie des revenus tirés de l’exploitation minière soient reversée à la commune.

Idrissa Barry

L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 3 mars 2010 à 18:53, par lilboudo En réponse à : Mine de Taparko : Les jeunes exigent du boulot

    AVEC TOUT CA, NOS RESPONSABLES POLITIQUES NOUS CHANTENT A L’OREILLE TOUT TEMPS QU’IL N’Y PAS DE CHOMAGE AU BURKINA (3% DE LA POPULATION ACTIVE). SUBSTITUER LE MOT CHOMAGE PAR SOUS EMPLOI NE CHANGE RIEN : PLEIN DE JEUNES N’ONT PAS DE PERSPECTIVES, PAS D’AVENIR.

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