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Surcharge des véhicules sur les routes burkinabè : La lutte s’annonce plus ferme

Publié le mardi 2 mars 2010 à 00h30min

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Les véhicules lourdement chargés "labourent" par tronçons entiers les plus importantes voies d’accès du pays au commerce international, nécessitant des milliards de FCFA pour leurs réparations. Ces mastodontes de la route ont même mis hors d’usage les pèse-essieux mobiles installés sur les axes Ouaga-Bobo et Ouaga-Pô-frontière du Ghana. Peine perdue, d’autres équipements arrivent.

Le ministre des Transports, Gilbert Ouédraogo a procédé au lancement d’une campagne de contrôle de la charge à l’essieu sur tous les axes routiers du Burkina, hier lundi 01 mars 2010 à Dakola, village frontalier du Ghana, à 165 km au sud de Ouagadougou.

En présence de son collègue des Infrastructures et du Désenclavement Seydou Kaboré et d’un beau monde d’autorités locales dont le gouverneur de la région du Centre Sud Raymond Edouard Ouédraogo, de ses proches collaborateurs et de partenaires au développement, le ministre a marqué clairement son refus catégorique de « supporter » les surcharges des véhicules.

S’il s’est levé à 5 heures du matin pour se rendre à Dakola, c’est pour « dire non à la pratique de la surcharge et dire non à la dégradation de nos routes qui nous ferait immanquablement demeurer dans une situation de léthargie économique ».

L’axe Ouaga-Pô-frontière du Ghana est le plus malmené par la surcharge. Selon une étude menée en 2008, plus de 60% des véhicules poids lourds contrôlés sur cette voie sont en surcharge, contre une moyenne nationale, non moins élevée, de 40% des véhicules fautifs.

Sur place, parmi cinq véhicules contrôlés, un seul était dans les normes acceptables. L’un d’eux pesait 99 tonnes pour un poids réglementaire de 51 tonnes maximales mais tolérable jusqu’à 60 tonnes. Le ministre cite pour l’histoire, le cas de ce véhicule contrôlé à 142 tonnes au lieu d’un Poids total autorisé en charge (PTAC) de seulement 51 tonnes. Un « record mondial » qui ne réjouit pas le gouverneur Raymond Ouédraogo.

Les conséquences immédiates de cette situation, c’est d’abord la dégradation accélérée des routes. 70% des voies bitumées accueillant régulièrement les poids lourds ont une durée de vie de trois ans, pour une prévision initiale de 15 ans.

Mais c’est surtout la multiplication d’accidents, à la base de morts d’hommes et d’importantes pertes matérielles. C’est aussi une véritable hémorragie financière pour l’Etat maintes fois interpellé via la presse pour combler tel nid de poule où colmater tel tronçon.

Ainsi, sur 1450 km de routes étudiées, la dégradation accélérée des chaussées due à la surcharge, représenterait un surcoût économique d’environ 30 milliards FCFA. Soit dit en passant, le gouvernement avec à sa tête le Premier ministre Tertius Zongo s’est vu obligé de procéder depuis mars 2009 au renforcement de l’axe Ouaga-Pô-frontière du Ghana, l’axe sur lequel on s’est retrouvé. Le coût de l’opération est d’environ 40 milliards FCFA.

D’où l’appel du ministre : « Il faut que tous ici présents, nous acceptions de prendre l’engagement ferme de ce grand défi d’endiguer la surcharge et que nous décidions pour ce faire, de ne ménager aucun effort en vue de l’atteinte effective de nos objectifs communs, pour une route sûre et durable ».

Cet appel est soutenu par des contraintes dirigées contre les fautifs. Le règlement de l’UEMOA prévoit une pénalité de 60 mille FCFA sur la tonne de surcharge. Les sanctions vont jusqu’à l’interdiction de circuler sur le réseau routier du pays.

Mais des dispositions transitoires qui tiennent compte des « réalités économiques des transporteurs » ainsi que le rappelle le ministre Gilbert Ouédraogo, réduisent de 80% ( à 12 mille francs par tonne), le montant des amendes et ce jusqu’en juin 2010. Cette réduction concerne les surcharges ne dépassant pas le seuil de tolérance. Car au-delà, les contrôleurs font descendre les marchandises de trop.

A cette date de juin, le gouvernement pense pouvoir assurer un contrôle sur tous les axes routiers du pays. Dans ce cas, dès juillet, la réduction devrait descendre à 40% pour tendre ensuite vers son annulation. « Nous allons passer progressivement à 24 mille francs la tonne et après à 60 mille francs », a prévenu le ministre Ouédraogo.

Les transporteurs acceptent le principe et négocient le reste

Le gouvernement est aussi en train de renforcer les capacités opérationnelles de l’Office national de sécurité routière (ONASER) pour lui permettre d’avoir le personnel qualifié. L’ONASER compte en son sein des gendarmes, des policiers, des fonctionnaires du transport, des infrastructures de la santé.

Pour pallier les insuffisances techniques, le gouvernement envisage aussi la commande de six pèse-essieux mobiles, avec l’appui de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et de l’Union européenne représentée à l’occasion.

En écoutant l’intervention des transporteurs, pourtant responsables de cette surcharge, on a la juste impression d’être égaré. « Nous nous félicitons que nos autorités comprennent l’urgence sur la nécessité de règlementer le poids de la charge à l’essieu », a affirmé Ismaël Cissé, secrétaire permettent de l’Organisation des transporteurs routiers du Burkina (OTRAF).

C’est que « les transporteurs dans leur ensemble adhèrent à cette disposition » de contrôle de la surcharge qu’eux-mêmes pratiquent. Ils vont jusqu’à saluer l’opérationnalité de l’Office national de la sécurité routière commis au contrôle. « L’application de cette mesure nous convient », a confié M. Cissé.

Interrogé à l’écart, le représentant des transporteurs explique que le contrôle du surpoids va leur permettre de garder plus longtemps la vie des camions. Mais aussi, cela va aider à entretenir les routes sans lesquelles leurs business tombent à l’eau et enfin à éviter les accidents qui leur causent d’énormes dégâts matériels, et souvent la mort de leur personnel. « Là au moins, on sera à l’abri de ces accidents », a-t-il reconnu.

Aussi les routiers se sont-ils engagés officiellement à lutter contre les surcharges, à préserver les ouvrages d’art et à limiter les vitesses. Mais le respect des normes pondérales des véhicules ne sera pas sans conséquences pour le consommateur. Une fois appliquée, il faudrait deux voyages pour transporter des marchandises pouvant être jusque-là embarquées en un seul. Et cela se ressentira par le consommateur, à travers le réajustement annoncé du prix des marchandises.

Les routiers attendent également des mesures d’accompagnement. Ils souhaitent des facilités d’accès au crédit bancaire et éventuellement des exonérations fiscales ou douanières. Très habiles, les transporteurs ont essayé de ramener leurs problèmes à la hauteur d’une question d’intérêt national « Imaginer un peu la flotte du Burkina, elle est un peu vieillissante. Il nous faut des mesures d’accompagnement pour nous permettre de renouveler la flotte afin que nos véhicules s’adaptent aux nouvelles données en ce moment. Sinon, nous ne pouvons pas faire face à la concurrence », a-t-il dit.

La campagne de la lutte contre la surcharge des véhicules est bien lancée, avec un gouvernement engagé et des transporteurs visiblement acquis à la cause même s’ils espèrent des mesures d’accompagnement. Il reste un paramètre non maîtrisé, l’engagement des chauffeurs. Certains conducteurs n’hésitent pas à surcharger pour leurs propres comptes. Mais sur ça, le représentant des transporteurs ne veut pas en parler. Il rassure cependant que des opérations de sensibilisation sur la charge à essieu seront organisées, c’est l’un des engagements des transporteurs.

Aimé Mouor KAMBIRE (aimekambire@yahoo.fr)

Sidwaya

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