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Grégoire Sankara, directeur général des Impôts : "Le taux de défaillance des entreprises en matière déclarative s’amenuise d’année en année"

Publié le vendredi 5 février 2010 à 01h35min

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Le directeur général des Impôts, Grégoire Sankara

Le civisme fiscal, c’est le respect des obligations fiscales par les contribuables. Les contribuables ont des obligations déclaratives et des obligations de payement. Au niveau des obligations déclaratives, ils doivent donc souscrire des déclarations périodiques, mensuelles ou trimestrielles, selon le régime d’imposition à l’aide d’imprimés fournis par l’administration. Il y a également des obligations de facturation de la TVA notamment, et des obligations de tenues de comptabilité ainsi que des obligations de paiement des impôts déclarés. Le civisme fiscal, c’est le thème de la campagne de sensibilisation qu’organise le ministère de l’Economie et des Finances, ce mois de février. Le directeur général des Impôts, Grégoire Sankara, explique dans cet entretien avec Sidwaya, l’opportunité de cette campagne.

Sidwaya (S.) : Donnez-nous des raisons qui puissent conduire le citoyen à venir payer l’impôt ?

Grégoire Sankara, DG des Impôts (G.S.) : Le paiement de l’impôt est consacré par la Constitution, notamment en son article 17, qui stipule que tout citoyen a le devoir de payer ses impôts. Ce qui est déjà une bonne raison.

La 2e raison est que l’impôt demeure un outil de politique économique. Il permet donc au gouvernement de réaliser des investissements. La 3e raison est que la stabilité d’un pays dépend également des ressources dont il dispose. D’où la nécessité pour chaque citoyen de s’acquitter de cette noble tâche.

S. : Durant tout ce mois de février, le ministère de l’Economie et des Finances va mener une campagne de sensibilisation sur le civisme fiscal. Cela signifie-t-il qu’il y a des problèmes pour percevoir l’impôt ?

G.S. : Non ! En réalité, cette campagne d’information se veut une campagne pour promouvoir et renforcer davantage le civisme fiscal. Sinon bon an mal an, nous arrivons tout de même à recouvrer des recettes substantielles même si le taux de pression fiscale n’est pas à la hauteur de nos attentes. En effet, il est de 13 % au Burkina Faso, pour une norme communautaire de 17 % dans la zone UEMOA.

S. : Est-ce que vous sentez au fil des ans, une amélioration au niveau de l’assiette fiscale ?

G.S. : Oui ! Nous avons des indicateurs en terme de taux de déclaration. Et nous mesurons chaque mois, le niveau des déclarations souscrites par les contribuables.

Ainsi, nous avons par exemple au niveau de la direction des grandes entreprises, un taux de défaillance de moins de 2 % et il est de 10 % au niveau des moyennes entreprises. Nous constatons également que d’année en année, le taux de défaillance en matière déclarative s’amenuise.

S. : Que faites-vous lorsqu’une entreprise refuse de s’acquitter de ses obligations fiscales ?

G.S. : Il y a des procédures fiscales qui sont prévues en la matière. Lorsque le contribuable ne souscrit pas volontairement sa déclaration ou déclare un non-payement, il y a des mesures qui sont prévues pour le recouvrement. Nous avons notamment des méthodes coercitives qui commencent par la notification d’un avis de mise en demeure et qui peuvent aller jusqu’à la saisie des comptes ou à la fermeture de l’entreprise.

S. : Avez-vous recours fréquemment à la méthode forte ?

G.S. : Parfois, il arrive que nous fassions des saisies de compte et des fermetures d’entreprise. Mais cela n’arrive qu’en des cas extrêmes, où le contribuable n’a pas respecté les échéances ou n’a pas respecté ses engagements.

S. : En 2008, vous avez effectué une campagne de sensibilisation sur la TVA. Quel bilan pouvez-vous tirer ?

G.S. : Suite à cette campagne de sensibilisation sur la TVA, nous avons remarqué que le niveau de recouvrement de la TVA a augmenté. Pour 2009, nous avons recouvré 108 milliards de F CFA au niveau de la TVA. Ce montant ne tient pas compte de la TVA recouvrée par la douane. Il s’agit uniquement de la TVA intérieure.

S. : Si les citoyens sont réticents à payer l’impôt, n’est-ce pas parce qu’ils ne voient pas où entre leur argent ?

G.S. : Cela peut s’expliquer par un manque d’information. C’est justement pour cette raison que cette campagne d’information a été lancée. Pour mieux expliquer aux uns et aux autres, ce qu’est l’impôt, quel est son rôle et quelle est son utilité. Tous les investissements réalisés par l’Etat en terme de dépenses de la santé, de l’éducation, de l’hydraulique, etc., proviennent des impôts. En somme, le but de cette campagne d’information est d’expliquer à tous que leur contribution sert à réaliser des investissements collectifs.

S. : Le Burkina Faso est un pays aux ressources limitées. La majorité de la population vit en milieu rural. Les quelques entreprises qui existent rencontrent des difficultés. Sur quoi comptez-vous pour mobiliser les ressources ?

G.S. : Il est évident que s’il n’y a pas beaucoup d’entreprises, l’assiette fiscale, la base, la matière imposable n’est pas importante. D’autant plus que le développement des entreprises est lié au développement de l’activité économique...

S. : Avec quel type de contribuables rencontrez-vous le plus de difficultés ?

G.S. : Nous rencontrons des difficultés essentiellement dans la gestion du secteur informel. Il en est de même avec les petites entreprises qui ont beaucoup de difficultés à cerner le système fiscal.

S. : Pendant que vous parlez d’élargissement de l’assiette fiscale, on constate que les exonérations d’impôts continuent en faveur de certains secteurs d’activité. N’y a-t-il pas de contradiction ?

G.S. : Non ! Il n’y pas de contradiction. L’Assemblée nationale vient d’adopter des projets de texte, notamment une loi sur le code des investissements qui permet donc de rationaliser les incitations fiscales. Le code des investissements a été revisité et nous avons tenté de limiter ou de réduire les exonérations qui sont accordées aux entreprises.

S. : Pourtant en 2009, un ministre allemand a taxé le Burkina Faso de paradis fiscal... Est-ce exact ?

G.S. : Il s’agissait d’une erreur d’appréciation et je crois savoir que des voix plus autorisées que la mienne ont déjà abordé la question et démentir le fait que le Burkina soit un paradis fiscal. Nous avons donc dans le cadre de l’harmonisation du système fiscal de la sous-région, les mêmes régimes fiscaux au niveau de l’UEMOA. Il n’y a donc pas de raison qu’on dise que le Burkina est un paradis fiscal.

S. : Le secteur minier est en plein essor dans notre pays. Dites-nous ce que cela apporte en terme d’impôts à l’Etat ?

G.S. : Pour l’instant, le secteur minier est en phase de recherche ou de travaux préparatoires à l’exploitation. Il n’y a que deux (2) ou trois (3) entreprises qui ont réellement commencé l’exploitation. Pour l’instant, les impôts recouvrés tournent autour de trois (3) à quatre (4) milliards de F CFA par an. Mais ce n’est qu’en phase d’exploitation que ces sociétés minières vont participer de façon significative aux impôts collectés par le budget de l’Etat.

S. : Avec la crise financière qui a secoué le monde en 2008 et 2009, on craint une baisse drastique de l’aide au développement. Doit-on s’attendre à ce que le citoyen soit sollicité davantage en terme d’impôts ?

G.S. : Non, je ne pense pas. Le budget de 2010 a anticipé cette question en réduisant la part de l’appui budgétaire. Les recettes de l’Etat en augmentation tiennent compte de nos recettes propres. Les ressources extérieures ont baissé de 3%. Le gouvernement anticipe ainsi sur la baisse des financements extérieurs.

S. : On formule souvent beaucoup de critiques à l’encontre de votre institution. Par exemple, que les agents ont trop d’avantages si bien que la moitié de ce qui est mobilisé comme ressources, leur revient en primes. Qu’en dites-vous ?

G.S. : Je ne vois pas en quoi la Direction générale des Impôts serait favorisée par rapport aux autres structures. Nous sommes une administration comme tout autre. Nous n’avons pas d’avantages particuliers au niveau de la Direction générale des Impôts, autres que ce que les autres ont.

S. : Vous êtes aussi régulièrement cité parmi les secteurs les plus corrompus. Quelle est la réalité des choses dans votre structure ?

G.S. : Je pense que dans l’aministration, on ne peut nier la présence de brebis galeuses. Mais globalement, nous pensons que les agents des impôts servent correctement leur pays. Et si d’aventure il y a des informations précises sur le comportement des uns et des autres, nous prenons des dispositions pour enrayer ces genres de situation.

S. : Vous est-il arrivé de prendre des sanctions contre des agents ?

G.S. : Nous avons déjà eu à sanctionner des agents.

S. : Comment cette campagne de sensibilisation va-t-elle se dérouler ?

G.S. : Tout le long du mois de février, cette campagne sur le civisme fiscal qui a été lancée par le ministre de l’Economie et des Finances va se dérouler. Elle va se traduire par des rencontres de concertation avec les groupes socioprofessionnels, des spots publicitaires, des sketchs, il y aura en plus des journées d’information où toutes les régies seront représentées. Nous attendons à ce que les organes de presse puissent nous appuyer en relayant le message que nous voulons faire passer dans le sens de la promotion du civisme fiscal.

S. : Pensez-vous que la presse aborde suffisamment la question ?

G.S. : Il y a toujours un début à tout. Il y a deux (2) ans, nous avons organisé une réunion d’information avec les journalistes traitant des questions économiques afin qu’ils puissent s’approprier les mesures fiscales.

Et chaque année, nous essayons avec la presse de communiquer davantage sur les nouvelles dispositions qui ont été prises dans la loi des finances.

Et nous pensons qu’à l’occasion de ces rencontres, la presse couvre suffisamment bien les informations que nous diffusons.

S. : Qu’est-ce que vous avez pu mobiliser comme ressources en 2009 ?

G.S. : En 2009, nous avons recouvré 266,5 milliards de F CFA, soit une progression de 17,5% par rapport au recouvrement de 2008 qui s’élevait à 226 milliards.

Entretien réalisé par Fatouma Sophie OUATTARA

Sidwaya

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