LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

Publié le vendredi 29 janvier 2010 à 00h48min

PARTAGER :                          

Son monde est une boisson aux mille goûts et sa vie se résume à une seule obsession : innovation. Elevé dans une famille d’innovateurs, cet homme que rien ne distingue à priori du citoyen lambda dans les rues de Banfora, a été conduit devant les alambics par sa passion. C’est ainsi qu’il a pu stabiliser le “bandji”, permettant ainsi la mise en bouteille de cette boisson afin de la conserver durablement. En plus, le vin mousseux burkinabé, c’est lui. La liqueur de petit mil, c’est lui. La couveuse rurale, c’est encore lui. Nul autre que cet autodidacte de Soungalo Koné ne peut se prévaloir du privilège de se glisser dans l’intimité des chercheurs burkinabé qui trouvent.

C’est « The développement Market Place » qui a fait la renommée internationale de celui qui était jusque-là connu au Burkina Faso comme le père du "bandji" (sève de rônier) stabilisé.

Au cours de cette foire initiée par la Banque mondiale pour stimuler l’innovation en Afrique, cet autodidacte passionné de recherche, a décroché le quatrième prix d’une valeur de 7 millions de F CFA, en présentant une couveuse rurale originale fonctionnant sans électricité, sans gaz, sans plaques solaires.

Venant d’un autodidacte, une telle innovation ne pouvait que susciter des débats au sein de la communauté scientifique. « C’est l’inverse de la théorie de la relativité. Je change la matière (une substance dite d’une capacité maximale d’absorption de chaleur) et je lui demande de me restituer l’énergie », c’est ainsi que Soungalo Koné explique le principe de sa couveuse.

A priori, rien ne distingue ce cinquantenaire toujours lunetté, à la chevelure grisonnante, d’un autre Banforalais. Mais à peu de chose près, M. Koné, fait partie de ceux qui ont bien vu et qui en sont revenus. Sa vie se résume à une obsession : l’innovation. Il est le fils de son père Bomba, le premier réparateur de vélo et de fusil, de la « cité du Paysan noir ».

C’est de lui qu’il tient sa passion, mais aussi de ce credo qu’il n’a pas perdu de vue tout au long de sa vie estudiantine et professionnelle : « Là où il y a des difficultés, c’est là qu’il y a le bonheur ». Il le paiera très cher ce bonheur. Des difficultés de bourse n’ont pas permis à Soungalo Koné d’aller jusqu’au bout de ses études de dessin industriel et de construction mécanique en France.

Ce qui va le conduire à travailler une quinzaine d’années durant, dans des chantiers navals à Nantes et à Saint-Nazaire, et aussi dans des centrales atomiques, la charcuterie, les vendanges et la photographie. « Même si je n’ai pas eu de gros diplômes, j’ai souffert et cela est très intéressant ». Voilà comment ce touche-à-tout résume cette épisode de sa vie. Mais ce ne sont pas les difficultés qui ont poussé Soungalo Koné à rentrer au bercail.

Un passionné de recherche doublé d’un amoureux de sa région natale

Il a renoncé à la nationalité française et à plusieurs offres, une fois rentré à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. C’est son patelin ou rien, et pour cause : « j’ai pris l’engagement auprès de ma mère décédée de ne pas quitter la région », confie-t-il. C’est ainsi qu’il s’installe à Banfora où il contribue, avec son expérience en construction métallique, à l’installation de l’usine de la Société de production d’alcool par les Autrichiens.

L’innovateur a fait les beaux jours de cette unité en tant qu’agent de maîtrise en fermentation et distillation jusqu’à la retraite. Au lieu d’aller se reposer sous les manguiers ombrageux de Banfora, celui qu’on appelle « doyen » à la Société de production d’alcool (SOPAL) s’est replongé dans ses archives et l’une de ses trouvailles qu’il ne se lasse pas d’évoquer est la stabilisation du "bandji".

C’est une boisson très prisée, mais qu’on ne pouvait pas transporter d’une ville à l’autre à cause de sa fermentation rapide. « Bomba Techno », la petite unité qu’il a mis en place est une façon pour lui de rendre hommage à son père Bomba, et au métier de technologie qu’il a exercé. C’est aussi une manière de participer au développement de la région car beaucoup vivent de l’exploitation du "bandji". Avec la stabilisation, le "bandji" peut être conservé avec toutes ses qualités pendant trois mois.

La conservation ? Soungalo Koné a le triomphe modeste. « Je n’ai pas inventé la roue » se refuse-t-il. Assurément, l’innovateur séduit, jusqu’au milieu scientifique au point que ceux-ci veulent lui envoyer des étudiants stagiaires. Que nenni ! Le maître des lieux est réticent : « je n’ai pas le matériel requis ». Je souffre de ne pouvoir exploiter tous les résultats de mes recherches.

Ce qui ne l’empêche pourtant pas de flirter avec les milieux scientifiques : il a notamment cosigné plusieurs ouvrages sous la direction du Centre d’analyses des politiques économiques et sociales (CAPES), dont « Connaissances, innovations et entrepreneuriat » et « Des savoirs à l’innovation et à la création d’entreprises ». Afro optimiste convaincu, l’Afrique, selon lui, après avoir été le berceau de l’humanité en est son avenir.

L’innovateur « souffre » de ne pas pouvoir exploiter tous ces résultats aussi importants les uns que les autres. Des soutiens, Soungalo n’en parle que des prémisses et seule la Banque régionale de solidarité (BRS) a cru en lui. Du reste, cette question lui semble politique, et de politique, Soungalo Koné ne s’en mêle pas. Désespéré ?

Loin s’en faut. L’innovateur de Banfora appelle seulement de ses vœux, l’érection du CNRST en une institution déconnectée de l’université à l’effet d’encourager les chercheurs à y déposer leurs résultats comme « patrimoine sûr ».

Son seul souci est de pérenniser son exploitation et mieux exporter les produits aux quatre coins du monde. M. Koné n’a manifestement pas à s’en faire car son fils, informaticien sur les traces du père en France, lui a emboîté le pas. Il compte aussi orienter sa fille étudiante en nutrition pour en faire ce que l’on peut aisément imaginer.

Mamadi TIEGNA


Un innovateur « noyé » dans le bandji

Qu’est-ce qui prédestinait, cet innovateur né, technicien de construction, à la fabrication de boissons, des pylônes, des ponts métalliques et autres ossatures de bâtiments à la fabrication de "bandji" ? Soungalo Koné ne voit pas de glissement. Le "bandji" selon lui est une innovation et c’est en cela qu’il s’y est intéressé.

Peu enclin à donner la nature de ses travaux, le doyen lève un coin de voile sur la fabrication du "bandji" stabilisé. Selon lui, c’est une boisson locale très prisée, intéressant au stade doux mais qui pouvait poser des problèmes de santé publique, au stade de la fermentation. Il a donc identifié les causes de la fermentation rapide (présence de levures sauvages et forte chaleur du climat d’apparition d’alcool supérieur) et est parvenu à stabiliser, sans produits climatiques, le bandji au stade doux avec toutes ses qualités.

Du reste, plus de 62 boissons sont formulées dans les ”laboratoires” de Koné. L’innovation majeure dans le "bandji" c’est le refus d’utilisation des produits chimiques et M. Koné a de bonnes raisons. « Nous avons suffisamment ingurgité des produits frelatés, il y a des effets secondaires, à toute substance de synthèse, il faut travailler naturel maintenant », explique-t-il.

Résolument sur les traces de son modèle de père, il s’investit également dans les recherches en pisciculture et en phytothérapie avec un autre passionné de la recherche, notamment dans la pharmacopée, le Dr Zéphirin Dakuyo, bien connu dans le domaine. « Mais c’est le bandji qui m’a noyé », affirme le fabricant de boissons.

M.T.

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 29 janvier 2010 à 10:11, par El Hadji En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    Jeune ressortissant de la région, j’avoue être très fier de vous Tonton KONE et vous souhaite beaucoup de reussite dans vos différents projets. Dilogou kayan niè tchérè.

  • Le 29 janvier 2010 à 11:10, par Tchineka En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    Bravo M. Koné, un chercheur modeste mais qui montre qu’avec une certaine volonté en s’ancrant dans son milieu, on peut être très utile à sa communauté, et à son pays. Je soutiens fortement son idée de déconnecter le CNRST de l’Université, car on se rend compte que de nombreuses découvertes au Burkina Faso sont faites par des autodidactes sans ces gros parchemins qui sont considérés comme seul sésame à l’accès à la recherche.

  • Le 29 janvier 2010 à 13:05, par Toto En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    "L’innovateur de Banfora appelle seulement de ses vœux, l’érection du CNRST en une institution déconnectée de l’université à l’effet d’encourager les chercheurs à y déposer leurs résultats comme « patrimoine sûr »." De deux choses l’une, ou le journaliste a mal transcrit ce que le Mr Koné a dit ou je me dis que lui-même ne sait pas trop de quoi il parle. En quoi le statut actuel du CNRST ne lui permet pas de déposer les résultats de ses recherches si recherche il y a et si résultats il y a. Est ce que le CNRST est connecté à l’Université comme il le dit, je ne le crois pas. Et puis, les résultats de recherche, ca se publie dans des journaux à caractère scientifique et ca on n’a pas besoin de relever du CNRST ni même d’être chercheur pour le faire si ces résultats sont pertinents.
    Moi je suis plutôt choqué que dans un pays aussi pauvre que le notre, on continue d’entretenir deux structures qui se disent distinctes et qui font le même travail. Au CNRST on ne fait que de la recherche et à l’Université on enseigne et on fait la recherche. C’est un luxe parce qu’on manque d’enseignants dans nos université et nos chercheurs (ceux reconnus comme tels)sont de potentiels enseignants du supérieur. Je demande plutôt aux autorités de réfléchir dans ce sens à fusionner l’Université et les institutions de recherche afin que l’Université puisse disposer de plus d’enseignants et que les étudiants aient un bon encadrement pour la recherche. Déconnecter le CNRST de l’enseignement supérieur, je suppose que c’est ce que Mr Koné voulait dire serait une vraie bêtise.

    • Le 29 janvier 2010 à 18:19, par duguba En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

      Il faut parler de ce qu’on sait. Le CNRST n’est pas déconnecté de l’enseignement supérieur dont il fait partie au même titre que les Universités publics. Ce qu’il faut retenir en revanche, c’est que l’on ne peut pas être déclaré chercheur parce qu’on a découvert une technique. Cela relève de ce qu’on appelle l’invention et cela est mené par les inventeurs. Il n’y a pas à dire qui est en haut de qui est qui est plus utile que qui, tous servent à la communauté à différentes échelles. Le rôle du chercheur, c’est assurer la vielle scientifique dans son domaine en repoussant les frontières de l’ignorance. S’il créé quelque chose qui doit être en rapport avec les besoins immédiats de sa communauté, cela s’appelle le service à la communauté. Mais s’il fait des avancées dans son domaine pour la science, il fait de la recherche fondamentale. Les deux cas sont nécessaires et le second est plus important pour le chercheur tandis que la communauté le juge à partir du second. Prenez un mathématicien, qu’il pleuve ou qu’il neige, il va vous dire que le théorème qu’il a développé lui permettra d’approfondir ses connaissances et de pousser la réflexion sur un sujet précis. N’allez pas lui demander l’utilité, il s’en tape et avec juste raison. Pour accéder au statut de chercheur, le doctorat ne suffit pas dans notre cas, il faut doctorat plus au moins 3 ans de publications dans des revues à comité scientifiques au moins (pour ce celui qui fait CP1 à doctorat) je veux dire et se soumettre aux conditions d’évaluation du CAMES. Chercheur, c’est pas un titre qu’on distribue mais c’est une catégorie, c’est un ordre ayant ses règles de fonctionnement.
      Maintenant. Faut-il fusionner CNRST et université, la question est mal posée. Le statut de chercheur est en réalité (chercheur enseignant) et celui d’enseignant est (enseignant chercheur). C’est-à-dire, que dans le premier cas, l’activité principale est la recherche tandis que dans le second, elle est l’enseignement. Dans notre pays et tous ceux qui sont dans l’enseignement sup et la recherche, on sait bien que les chercheurs enseignent et les enseignants cherchent. Aucune fac, aucun laboratoire ne s’est adressé à un enseignant ou à un chercheur sans suite dans son domaine de compétence. S’il vous manque un enseignant dans un domaine, c’est qu’il n’y en pas au Burkina Faso sinon, il ne peut pas se cacher au CNRST et refuser d’enseigner. Il suffit de voir le rapport des deux établissement pour se rendre compte combien de chercheurs dispensent quel volume horaire à l’université de Ouagadougou, à Bobo et même dans des universités étrangères en Afrique et même en Europe.

      • Le 30 janvier 2010 à 15:12 En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

        Il faut éviter de prendre sa limite de vue comme la limite de la réalité. C’est stupide de croire que n’est chercheur que ceux qui ont le titre. Pasteur avait eu les mêmes problèmes avec les obscurantistes de votre genre. Aujourd’hui, tout le monde reconnait sa grandeur de recherche.

  • Le 29 janvier 2010 à 16:28 En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    bon vent mon parent
    c’est de loin mieux que ce que nos esclaves lobis-dagari n’auraient jamais pu inventer. eux qui passent leur temps a agrandir les surfaces arables pour pouvoir boire le dolo.
    un autre kone

    • Le 29 janvier 2010 à 17:28 En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

      AH BON MON PETIT SOI FRANC DANS TES PROPOS PARCE QUE TON PARENT N’EST Q’UN PETIT,TOUT PETIT CHERCHEUR QUI PERFORE LES ARBRES POUR EXTRAIRE LA SEVE.JE CROIS PLUTOT QU’ON DOIT METTRE UN FORESTIER DERIERE CHACUN DE VOUS ;PARTISANTS DE LA DEFORESTATION.NOUS LES DARAS ET LES LOBIES CONTRIBIONS A ATTEINDRE L’AUTOSUFFISANCE ALIMENTAIRE AU BURKINA. MAIS TOUT DE MEME BRAVO A CE PETIT GARD DE KONE.

  • Le 29 janvier 2010 à 19:05, par k f En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    bravo et bravo
    je suis très ravie d’apprendre qu’il existe dans notre pays des innovateurs tels que vous.
    tous mes encouragements.

  • Le 30 janvier 2010 à 14:32, par nono1983 En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    Bonjour,

    Je parle à Dougouba ! très belle précision ! Mais je pense humblement q’on ne peut pas inventer sans chercher, sans penser ! Donc un inventeur est un chercheur,(surtout quand ce dernier invente beaucoup), mais un chercheur n’est pas forcement un inventeur.
    Beaucoup de courage Monsieur Koné !

  • Le 30 janvier 2010 à 22:30 En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    Pourquoi avons nous toujours cette peur de sortir des sentiers batis ? du classique ?

  • Le 31 janvier 2010 à 20:22, par Wendlaboumb En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    Un inventeur qui a au moins trois inventions confirmées n’a pas besoin du CAMES pour attester sa qualité de chercheur avec des publications dans des revues scientifiques. Un inventeur est un chercheur qui a trouvé. Un chercheur est un projet d’inventeur. Quelle règle de fonctionnement peut mieux garantir la qualité de chercheur que le nombres de réponses inédites qu’il offre à sa communauté ? Les règles ont été établies pour gérer ce qui ont du mal à trouver. Brisons les murs du formel et du réglé pour contempler la beauté du résultat concrèt et la légitimité qu’il confère à l’acteur hors cadre. Bravo Tonton Chercheur.

  • Le 31 janvier 2010 à 23:47, par Patricia En réponse à : Soungalo Koné : L’homme qui stabilisa le “bandji”

    Monsieur Soungalo Koné, que dire sinon que la jeunesse (dont je fais partie) a tant à apprendre de vous, de votre chemin, de votre combat, de vos initiatives ???

    Merci !!!!

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)
Burkina/Finance : L’ACEP fait des heureux gagnants