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Différend CELTEL- ONATEL : L’ARTEL a tranché

Publié le mercredi 11 août 2004 à 15h26min

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Mathurin Bako

L’Autorité nationale de régulation des télécommunications
(ARTEL) est apparue dans le secteur des télécommunications à
la faveur de la réforme du secteur entreprise par le
gouvernement depuis 1997.
L’ARTEL est un établissement public de l’Etat à caractère
administratif.

Elle a été créée par la loi n° 051/98/AN du 04
décembre 1998, portant réforme du secteur des
télécommunications au Burkina Faso. Avec cette réforme, de nouveaux opérateurs ont fait leur entrée sur la scène des télécommunications. Nous avons rencontré le Directeur général de cette autorité, M. Mathurin Bako, qui nous retrace ici ses missions, fait un bilan succinct de ses activités et parle surtout des problèmes de numérotation entre
des opérateurs de téléphonie mobile.

"Le Pays" : Aujourd’hui, l’ARTEL est un organe important dans le paysage des télécommunications au Burkina Faso. Quelles
sont exactement ses missions et quelles actions concrètes
mène-t-elle sur le terrain ?

Mathurin Bako :
Au terme de la loi, l’ARTEL a pour missions :

- de faire appliquer la réglementation en matière de
télécommunications,

- de veiller au respect des dispositions de l’acte de concession
et du cahier des charges entre concessionnaire des droits
exclusifs de l’Etat et l’Etat ;

- de délivrer les autorisations d’exploitation des services de
télécommunication et de veiller au respect de leurs dispositions
 ;
- d’accorder les agréments des équipements terminaux et de
veiller au respect de leurs dispositions ;
- d’assurer la gestion et le contrôle du spectre des fréquences
radioélectriques ;
- d’assurer avant tout recours arbitral ou juridictionnel, la
conciliation et l’arbitrage des litiges nés entre les exploitants des
télécommunications et entre ceux-ci et les consommateurs ;
- de contribuer à l’exercice des missions de l’Etat en matière de
télécommunications.

L’ARTEL a un Conseil d’administration composé de neuf
membres (dont huit représentent l’Etat et le neuvième le
personnel) et d’une Direction générale composée de trois
directions opérationnelles qui sont :
- La Direction de la Régulation,
- la Direction de la Gestion du Spectre,
- la Direction administrative et financière.
Pour remplir sa mission, l’ARTEL s’appuie sur un cadre
réglementaire qui est l’un des plus complets dans la
sous-région composé de 7 décrets d’applications.
L’ensemble de ces textes constitue les outils de la régulations.

Revenons sur le dernier communiqué de l’ARTEL dans la
presse qui révèle que des opérateurs de téléphonie se
livreraient à des pratiques peu recommandables. Y a-t-il eu un
trafic de puces ?

Suite à un certain nombre d’informations qui nous sont
parvenues et qui ont été vérifiées, nous avons dû porter à
l’attention du public et plus particulièrement des abonnés au
téléphone mobile que ces pratiques sont anticoncurrentielles.

Ces pratiques consistaient à retirer la "carte SIM" d’un client et à
la remplacer par une "carte SIM" offerte grâcieusement avec un
crédit de consommation d’environ 5000 FCFA.

L’opérateur qui s’adonne à ces pratiques sait pertinemment
que la carte SIM qu’il retire est la propriété de quelqu’un d’autre
et que, par conséquent, cela fait appel à un certain nombre de
textes qui condamnent cela. Par ailleurs, la "carte SIM" retirée
peut prendre diverses destinations si elle n’est pas détruite.

Avec le problème de l’insécurité qui est difficile à juguler, ces
pratiques sont de nature à engendrer des phénomènes
difficilement maîtrisables. Nous avons dû rappeler aux
opérateurs qu’ils sont tenus, aux termes de leurs cahiers des
charges, de contribuer à la lutte contre l’insécurité avec les
services chargés de la défense et de la sécurité.

Le 13 juillet
dernier, nous avons eu une réunion avec l’ensemble des
opérateurs, au cours de laquelle nous avons rappelé les
responsabilités et obligations qui sont les leurs. Nous avons
également attiré leur attention sur l’impérieuse nécessité
d’enregistrer l’identité de leurs clients auxquels ils vendent des
"kits" de connexion. Par conséquent la vente de kits de
connexion à la criée sans aucune disposition pour enregistrer
l’identité des clients est proscrite.
Les forces de sécurité seront en mesure de procéder au retrait
des kits de connexion vendus de cette manière et de verbaliser
les distributeurs concernés.

Les opérateurs sont donc
interpellés pour revoir l’organisation de leurs réseaux de
distribution. C’est même à leur avantage puisque cela leur
permet de disposer de statistiques fiables et d’indicateurs
précis.

Quelques mois après le lancement du nouveau plan de
numérotage à huit chiffres. Quel bilan peut-on faire ?

La mise en oeuvre du nouveau plan de numérotage à huit
chiffres conduite par l’ARTEL avec la collaboration très étroite
des trois opérateurs s’est déroulée sans grande difficulté le 30
avril à minuit comme prévu. A présent, nous pensons que
l’ensemble des usagers a assimilé les huit chiffres, au vu des
indicateurs que les opérateurs nous présentent.

Si l’opération a été un succès, il faut remercier en plus des
opérateurs, les professionnels de la communication qui nous
ont accompagné dans la mise en oeuvre de notre plan de
communication afin de toucher les publics cibles aussi bien au
plan national qu’international. La presse nationale a su porter
l’information à l’ensemble des citoyens et nous profitons de
cette occasion pour remercier l’ensemble des organes de
presse qu’ils soient privés ou publics. L’information a démontré
à cette occasion son rôle capital dans la réussite d’une
opération comme celle-ci.

L’utilisation de l’indicatif 73 par CELTEL poserait problème.
Qu’en est-il en réalité ?

L’ARTEL a autorisé Celtel Burkina, sur sa demande, à utiliser
les indicatifs de la forme 76 70 XX XX À 76 75 XX XX. L’ONATEL a
également été autorisé à utiliser des indicatifs de la forme 70 76 XX XX et 70 78 XX XX. Un mois après cette décision, l’ONATEL
nous a fait savoir que ses abonnés risquaient d’être dans la
confusion s’ils laissaient passer les appels vers Celtel et
surtout vers les abonnés ayant les numéros de la forme 76 73
XX XX.

A priori, de notre point de vue, il n’y avait aucune difficulté
qui entravait la mise en oeuvre de ces nouveaux indicatifs.
Nous avons entendu les deux parties et nous avons pris une
décision pour suspendre l’utilisation des numéros de la forme
76 70 XX XX à 76 75 XX XX pour Celtel et ceux de la forme 70 76
XX XX et 70 78 XX XX pour l’ONATEL, jusqu’au 31 octobre 2004.

Nous avons demandé à Celtel de procéder à une
dénumérotation des abonnés qui avaient les numéros de la
forme 76 73 XX XX et à l’ONATEL aussi de procéder à une
dénumérotation des abonnés qui avaient les numéros de la
forme 70 76 XX XX et 70 78 XX XX. C’est ce qui a été fait par les
deux opérateurs et tout est rentré dans l’ordre.

Comment se répartit la gestion des fréquences entre l’ARTEL, le
CSI et les autres acteurs des télécoms ?

L’article 32 de la loi précise que l’utilisation des fréquences
radioélectriques en vue d’assurer soit l’émission et la réception
de signaux est soumise à l’autorisation préalable délivrée par
l’autorité de régulation. L’article 33 dit que les fréquences
radioélectriques sont gérées selon le plan national d’attribution
des fréquences. Ce plan est établi par l’ARTEL en concordance
avec le plan international des bandes de fréquences de l’Union
Internationale des Télécommunications (UIT), et approuvé par
décret en conseil des ministres.

Ce plan adopté par le décret 2000-407/PRES/PM/MC du 13
septembre 2000 portant approbation de plan national
d’attribution des fréquences radioélectriques contient :
- la répartition des bandes de fréquences entre les besoins de
la défense nationale d’une part, et les besoins civils et
communs d’autre part.
- La répartition des bandes de fréquences attribuées aux
besoins civils sur les différentes utilisations en respectant en
particulier les besoins des opérateurs de télécommunications
qui sont de gros consommateurs de fréquences.

Il faut préciser que les bandes des fréquences réservées aux
besoins de la défense nationale et de la sécurité sont gérées
par les ministères concernés.
Les bandes de fréquences de la radiofiffusion et de la télévision
sont mises à la disposition du Conseil Supérieur de
l’Information.

Les fournisseurs de services internet piaffent d’impatience pour
l’utilisation du VSAT. Quelles sont les dispositions qui leur
permettront de le faire ?

Cela est dû à l’application de l’article 6 de la loi et son décret
d’application qui donne l’exclusivité de l’établissement des
liaisons internationales à l’ONATEL jusqu’au 31 décembre
2005. Au 1er janvier 2006, les fournisseurs de services Internet
pourront établir des liaisons internationales par satellite.

Le commun des Burkinabè a l’impression que l’ARTEL est plus
concentrée sur la téléphonie que l’internet.

Il est difficile de dissocier la téléphonie de l’Internet parce que
l’Internet utilise l’infrastructure téléphonique. Cette impression
est fausse car c’est sur la demande de l’ARTEL que l’ONATEL a
accepté de revoir le coût de la communication Internet qui était
au même niveau que le coût de la communication téléphonique
en local. L’ONATEL a donc fait un effort en abaissant le coût de
la communication Internet à 15 F la minute, alors que le coût de
la communication téléphonique locale est de 25 F la minute. Le
coût de la communication locale doit être relevé pour contribuer
à la recherche d’un équilibre financier.

Si vous regardez bien les tarifs de l’ONATEL, ils sont tous
orientés à la baisse sauf le tarif de la communication locale. Par
ailleurs, avec le nouveau plan de numérotage, une plage de
numéros est réservée aux fournisseurs de service Internet. Il
n’est donc pas juste de dire que l’ARTEL est plus tournée vers la
téléphonie que vers l’Internet.

Quel rôle joue l’ARTEL dans le projet d’infrastructures nationales
en matière de NTIC ?

La partition de l’ARTEL se joue au niveau de la mise en oeuvre
de la stratégie du service universel des télécommunications qui
a été adoptée par le Gouvernement en mars 2003. A l’heure
actuelle l’essentiel des nouvelles technologies utilise
l’infrastructure des télécommunications et plus précisément
l’infrastructure du téléphone. Le service universel a pour objectif
donner le téléphone à la majorité de la population.

Qu’est-ce que le service universel des télécommunications dont
on parle tant ?

Au terme de la loi n° 051/98/AN du 04 décembre 1998, le
service universel est défini au Burkina Faso comme étant une
offre minimale au public sur l’ensemble du territoire national,
des services de télécommunications à un prix abordable dans
le respect des principes d’égalité de continuité et d’universalité.
Les objectifs spécifiques poursuivis par le projet du service
universel sont :

*fournir à toute personne qui en fait la demande, un
raccordement à un réseau téléphonique ouvert au public dans la
zone de desserte à un prix raisonnable,

*offrir et disposer en zone urbaine d’au moins un point d’accès
public dans un rayon de deux kilomètres au plus à partir de toute
agglomération ;

* offrir dans chaque chef-lieu de commune rurale :
- un point d’accès public ;
- un accès pour la Mairie ;
- un accès pour chaque service de sécurité (police,
gendarmerie, pompiers) ;
- un accès pour les centres de santé.

* offrir dans chaque village un point d’accès public.

Naturellement tous ceux qui sont en mesure de se payer le
service pourront le faire au niveau des villages et des
communes rurales. La mise en oeuvre de la stratégie a débuté
par le recrutement d’un consultant qui appuiera le gouvernement
dans la mise en service d’une zone pilote et l’attribution de
licences à des opérateurs de téléphonie rurale. Ce consultant
travaillera avec l’ARTEL et le ministère des Postes et
Télécommunications et son séjour prendra fin avec l’élaboration
du dossier d’appel pour l’attribution des licences aux opérateurs
de téléphonie rurale.

L’importance de la stratégie du service universel n’est plus à
démontrer car avec le désengagement de l’Etat du secteur des
télécommunications, nous courrons le risque d’assister à un
abandon des zones rurales ou défavorisées par les opérateurs
de télécommunications, qui se tourneront naturellement vers les
zones urbaines qui sont plus rentables.

Par conséquent, le
gouvernement a la responsabilité de développer le réseau
public des télécommunications tout en veillant à l’extension du
service universel sur l’ensemble du territoire national. C’est une
mission qui échoit à l’ARTEL.

En application donc de la loi, le décret sur le service universel
fixe les obligations des opérateurs et détermine les modalités
de l’extension de la couverture du service universel.

L’ARTEL a
une mission très importante en matière de service universel,
sans lequel nous assisterons à un développement à deux
vitesses, une partie de la population bénéficiera des moyens de
communication modernes notamment au niveau des zones
urbaines, tandis que l’autre partie ignorera longtemps ces
moyens de communication.

N’importe qui peut-il saisir l’ARTEL pour une plainte relative aux
télécoms ?

Pour l’instant ce sont les opérateurs de télécommunications et
les fournisseurs de services Internet qui peuvent nous saisir
lorsqu’un problème apparaît entre deux acteurs du secteur. Le
décret 2000-087/PRES/PM/MC/MCIA portant définition des
conditions générales d’interconnexion des réseaux et services
précise les conditions et les moyens de saisine de l’ARTEL.
L’ARTEL peut également s’auto-saisir lorsqu’un problème
apparaît entre deux ou plusieurs acteurs du secteur. Nous
disposons d’une procédure de traitement des litiges qui figure
sur notre site Internet (www.artel.bf) qui est bien connue des
opérateurs.

L’ARTEL ne traite pas des problèmes commerciaux entre un
opérateur et sa clientèle ou entre un fournisseur et ses clients.
Par exemple, un client suspendu pour une facture impayée, ou
un opérateur qui facture une redevance d’abonnement alors que
la ligne est restée en panne 15 jours. D’autres instances
nationales existent pour ce genre de problèmes.

Les décisions de l’ARTEL sont-elles sans appel ?

La procédure du traitement des litiges a deux principales
phases qui sont la phase de conciliation et la phase d’arbitrage.
Lorsque nous aboutissons à une non-conciliation matérialisée
par un procès verbal, nous entamons la phase d’arbitrage. A
l’issue de cette phase, l’ARTEL prend une décision motivée
après examen des observations reçues des parties en
désaccord.

La décision est exécutoire dès lors qu’elle est notifiée aux
intéressés. l’exercice de recours contre une décision ne
suspend pas son exécution. Le recours contre une décision de
l’ARTEL se fait devant les tribunaux. Un organe de régulation doit
se caractériser par sa transparence et par sa légitimité.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO et Morin YAMONGBE


Les outils de la régulation

- décret sur les tarifs des services de télécommunications ;
- décret sur l’interconnexion des réseaux de
télécommunications,
- décret relatif au plan national d’attribution des fréquences ;
- décret sur les droits et redevances au profit de l’ARTEL,
- décret sur le service universel des télécommunications,
- arrêté-conjoint portant sur les tarifs d’usage des fréquences
radioélectriques,
- décret portant adoption des statuts de l’ARTEL.

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