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CHINE-AFRIQUE : Sous le signe du dragon

Publié le lundi 9 novembre 2009 à 02h46min

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La tenue cette semaine, du sommet du Caire, montre bien que la coopération entre la Chine de Pékin et les pays africains est au beau fixe. Elle tend même à se renforcer en dépit d’un environnement manifestement hostile. Mais que peut-on face à un dragon qui pénètre, imperturbable et sans bruits, des contrées que des siècles d’occupation coloniale et néo-coloniale ont contenues dans la misère et réduit à une mendicité chronique ? Un euphémisme que de dire que l’avancée du dragon sur le continent inquiète les Occidentaux. Beaucoup sentent leurs intérêts menacés. Mais faut-il s’en étonner ?

Les amis traditionnels de l’Afrique ont manqué de réussite dans l’accompagnement de nos Etats assoiffés de souveraineté et soucieux de répondre aux aspirations populaires. Tout n’a pas échoué dans ces échanges avec l’Occident. Mais le tableau est peu reluisant : injustices criardes au lendemain des grandes guerres, notamment le traitement discriminatoire des anciens combattants et victimes des guerres ; refus d’assister les peuples en danger face à des dictatures fascisantes ; appauvrissement de la majorité des populations alors que s’ouvrent les portes des banques et des châteaux à des dirigeants véreux bénéficiant de certaines complicités.

En lieu et place de la démocratie, l’on continue de soutenir des régimes liberticides et des prédateurs au col blanc d’une économie en déroute. Mais, comble de l’ironie, les alliés d’une telle forme de coopération, se laissent aujourd’hui courtiser pour un rien. Voilà où peut conduire la fameuse loi des intérêts Parmi les arguments régulièrement avancés pour contrer l’avancée de la coopération avec la Chine continentale, on a le plus souvent invoqué le non- respect des droits humains par ce partenaire de type nouveau qui dérange. Après avoir vainement tenté de dénigrer la Chine populaire, les dirigeants occidentaux ont, tour à tour, fini par reprendre langue avec le diable. Dans un élan commercial sans précédent, certains ont fini par rivaliser d’ardeur avec les autres. Des dollars américains ou des yens chinois avant tout, ainsi marche le monde des affaires.

Comme les autres puissances, la Chine populaire sait aussi user de son droit de veto pour défendre ses intérêts et ceux de ses amis. Cas du Soudan dans le dossier du Darfour. L’expérience montre qu’à la longue, dans les échanges entre Pékin et nombre de pays occidentaux, de tels arguments finissent par peser moins dans la balance. Chacun joue son propre jeu. Par ailleurs, devant la naïveté de quelques dirigeants africains et l’ignorance d’une partie de l’opinion, l’on tente parfois de semer le doute dans les esprits à propos de la qualité de l’expertise chinoise et même des matériaux. Quelques pions sur le continent aident alors à verser dans le dilatoire. On n’hésite pas à nous servir les recettes de l’extrême droite : « ils vous prendront vos emplois et décimerons vos industries naissantes. » Il est vrai que du côté chinois, on se préoccupe peu de réagir. Rarement, on enregistre des plaintes. Les preuves sont pourtant là, les Chinois ne sont pas aussi médiocres que les autres. Bien au contraire, ils font partout preuve d’ingéniosité et d’efficacité. Leur ardeur au travail, leur modestie, leur sens du sacrifice et leur sens des responsabilités séduisent. Pourquoi les craindre ou les dénigrer au lieu de prendre exemple sur eux ?

Leurs références sont solides : nombreux édifices dont les routes, les hôpitaux, les stades de football construits un peu partout au nom de l’amitié. La Chine a peu de ressources et ne fait pas dans le détail dans son commerce avec l’Afrique. Une sorte de troc dans ces échanges Sud-Sud s’est installée qui profite à tous. Aux artisans et commerçants du fer à recycler du Burkina et du Ghana par exemple. Sans doute, le passé révolutionnaire maoïste, les barrières linguistiques et culturelles constituent-ils aux yeux de certains des handicaps majeurs dans les échanges avec nos pays ? La Chine d’aujourd’hui montre cependant qu’elle n’a aucun complexe. Elle assume son passé tout en s’ouvrant aux autres. Aux pays du continent de tirer profit de son expérience.

L’industrie chinoise devient chaque jour plus performante. En cela, elle constitue potentiellement une rivale de taille dans une économie libérale mondialisée. Mais les Chinois constituent aussi un véritable marché de milliards de consommateurs. Et les besoins en ressources, notamment en énergie, ne rassurent pas beaucoup ces Occidentaux qui tiennent à garder la haute main sur leurs chasses gardées du continent africain. On l’a vu récemment avec la signature de contrats à Conakry entre la junte et des partenaires chinois. Au comble de l’irritation, certains partenaires n’avaient pas hésité à inviter leurs concitoyens à plier bagages puis à œuvrer souterrainement pour accélérer le départ de l’équipe du jeune Dadis Camara. De même, une campagne hostile a scellé de telles signatures de contrats en RD Congo, au Soudan, au Tchad, entre autres. La France n’a pas hésité à signer avec le régime décrié du président Tandja du Niger, des accords qui profitent à AREVA dans l’exploitation de l’uranium. Pourquoi la Chine ne donnera-t-elle pas sa caution à d’autres contre des ressources ? Tel peut s’expliquer l’appui au Soudan acculé par l’Occident.

C’est la conséquence de nombreuses années de frustration d’une coopération nébuleuse, faite d’intrigues et qui n’a pas toujours été à l’avantage des peuples africains. Cela, de nombreux partenaires occidentaux ne semblent pas l’avoir compris. Ou du moins, certains d’entre eux, refusent d’admettre que l’Afrique a mûri et que la demande sociale se fait pressante. La pauvreté et le problème de la démocratie accablent. Après avoir trop longtemps attendu, les Africains veulent du concret. Les nouvelles générations de citoyens sont en quête de plus de liberté et d’affirmation de soi. Par ricochet, ils en demandent à leurs dirigeants dont nombre sont dépassés par les événements.

Comme l’avait dit Alain Peyrefitte : « Quand la Chine s’éveillera… ». Aujourd’hui, la Chine mène l’offensive. Aucunement embarrassée, elle est partout présente dans les débats. Les Occidentaux craignent la concurrence chinoise et ont intérêt à la diaboliser. La Chine, qui a fait de sérieux bonds en avant doit inspirer l’Afrique. Il faudra faire désormais avec elle car la Chine s’engouffre ouvertement dans tous les secteurs : en affaires aussi bien qu’en diplomatie.

Certes, l’aide liée existe partout. Aussi l’Afrique se doit-elle d’adopter non pas un profil bas, mais bien une posture qui l’aide à s’affranchir de toute tutelle. Les Chinois eux, sont avertis : les peuples africains rejettent les tutelles encombrantes. De plus en plus, ils exigent davantage de transparence et de concurrence loyale pour mieux célébrer l’excellence. Mais surtout, ils attendent plus d’engagement dans la lutte contre l’impunité, pour la justice sociale et le respect mutuel. Ne pas le comprendre et persister à le nier, serait préjudiciable à toute forme de coopération. Au Caire, Pékin semble l’avoir compris, qui s’engage à apporter au continent 10 milliards de dollars dans les domaines économique, politique, social et culturel. Sous cet angle, c’est un nouveau pas que la coopération chinoise semble vouloir franchir.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 9 novembre 2009 à 10:22, par citoyen nigérien En réponse à : CHINE-AFRIQUE : Sous le signe du dragon

    Très bonne analyse, Qu’attend le Burkina Faso pour rompre avec Taïwan afin de bénéficier de l’investissement chinois ?

    J’ai constaté au vu du chiffre de l’investissement direct étranger qui fait moins de 1% du PIB le Burkina a opté pour une mobilisation des fonds hier lors d’un forum avec les investisseurs.
    Osez sortir des griffes des Français et dire non a Taïwan vous aurez des difficultés certes avec la France, mais vous aurez pu bénéficier mieux.

    Mais vous n’avez pas remarqué que la France elle même est obligée de composer avec les chinois ? ils sont incontournables de nos jours, et au vu des performances du Burkina, avec les investissements chinois, ce pays pourrait faire mieux.
    Si Sankara était vivant, il aurait déjà opté sans faiblesse Que son âme repose en paix. Ceux qui ont tué Sankara ont causé du tord à toute l’humanité c’était un chef d’état qui était en avance par rapport à son temps et qui a compris les maux qui minent l’Afrique. Pourquoi la CPI ne s’intéresse pas à ce dossier et préfère poursuivre Omar Elbechir ? ah la justice internationale sait choisir ses cibles !!!, mais heureusement que des états comme la chine sont là, et El bechir était présent au sommet Chine Afrique qui se tient présentement en EGYPTE.

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