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RETROUVAILLES WADE-SECK : Petits calculs politiques entre vieux copains

Publié le vendredi 6 novembre 2009 à 01h50min

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Désormais, entre Wade et Idy, c’est le parfait amour. Finies, les brouilles, enterrée, la hache de guerre. On oublie les procès d’intention, les investigations de la DIC, l’embastillement à Rebeuss, les petites phrases assassines émises de part et d’autre. On fait table rase de tout cela, et on repart à neuf. Le père au grand coeur reçoit en grande pompe le fils prodigue et pour faire la fête, décide de tuer le veau gras. Ce n’est pas beau, ça ? Et on se laisserait volontiers étreindre par l’émotion si on n’était pas en politique.

Mais on est justement en politique, un domaine où tous les coups tordus sont permis, et toutes les roublardises, de bon ton. Et c’est bien pour cela qu’il convient de se poser de légitimes questions sur la sincérité de ces retrouvailles entre père et fils, célébrées en grande pompe dans une ambiance de pré-campagne avérée, et au cours de laquelle tout était mis en oeuvre pour faire comprendre que tout devait désormais aller pour le mieux dans le meilleur des mondes du méga-parti PDS. Déjà dans la forme, la célébration pose problème. La célébration des retrouvailles se déroule à Thiès et a pour prétexte l’inauguration d’une usine de montage de véhicules. Fallait-il le transformer en meeting politique au profit d’un parti politique, fût-il appelé PDS ? Rien de moins sûr. Et on dirait que quelque part on a sans doute opéré un amalgame qui a eu pour effet, un mélange de genres.

Quant au fond de la chose, Wade et ses amis se mettent quasiment en période de campagne électorale avant l’heure et le chef du PDS s’arroge même le titre de candidat unique, affichant au passage sa conviction qu’il ne peut pas ne pas gagner. Si ce n’est pas de l’optimisme à toute épreuve, cela y ressemble fort.

Et alors, on ne peut manquer de penser à un "deal" entre le père et le fils. Pour plusieurs raisons, d’ailleurs. Se peut-il que Idy ait vraiment tout oublié de ce qu’il a subi en humiliations, en accusations supposées ou avérées, dans un passé relativement récent ? A-t-il vraiment décidé d’effacer de sa mémoire les accusations de dépassement de 26 milliards dans l’affaire des chantiers de Thiès, les enquêtes de l’Inspection générale d’Etat, son attrait devant la Haute Cour de Justice, le séjour de 7 mois dans l’univers carcéral de Rebeuss ?

Et maître Wade ? A-t-il lui aussi fait table rase des révélations diffusées par les fameux cd de Idy alors que ce dernier se trouvait embastillé, révélations qui auront, au bas mot, tout dit et tout fait dire à Dakar et dans les provinces du pays de la Téranga ?

Peut-être pas, et cela, en dépit des assurances des uns et des autres qui ne manqueront sans doute pas d’afficher des alliances de circonstance. Idrissa a, en fin de compte, beau jeu, en rejoignant la famille libérale. Et pour cause. Son chemin de croix est fini, bien fini. D’éventuels adversaires (ennemis ?) politiques tapis au PDS n’auront qu’à bien se tenir. Cerise sur le gâteau, la carte Karim brandie par Wade n’a pas fait l’unanimité, loin s’en faut. Et Gorgui a dû en tirer de sages résolutions. Idy, dans ce contexte, sent qu’il a tout à gagner dans cette réconciliation-spectacle, et ce d’autant qu’elle se passe dans son fief de Thiès, qui avait été d’ailleurs la cause de son long chemin de croix. Aujourd’hui, il peut y ressentir légitimement de la gloire. Et attendre patiemment 2012. Il peut gagner et battre tout le monde à l’usure, le premier étant sans doute son père spirituel. Wade à plus de 80 ans avoués, Idy sait qu’il n’a plus des décennies à attendre. Wade lui aussi se retrouve sans doute dans ce retour au bercail du fils prodigue. Ce retour sonne comme un début de rassemblement d’un PDS déchiré, jadis prenant l’eau de toutes parts pour avoir été fragilisé par le départ ou les dissidences de certains de ses ténors politiques. Le voeu du maître est sans doute de voir réunis à nouveau dans son parti tous ces acteurs qui ont fait son faste d’antan.

Cela a son importance. Les uns et les autres se rappellent la raclée subie par les libéraux aux municipales passées au cours desquelles même la capitale sénégalaise est tombée dans l’escarcelle de l’opposition. Macky Sall et Jean Paul Dias, hors de la famille libérale, constituent à ce jour autant de motifs de fragilisation d’un système qu’ils connaissent excellemment. Qui plus est, 2012 n’est plus guère loin, et le PS de Tanor Dieng affûte lui aussi ses armes. Et certainement aussi l’ADF de Moustapha Niasse. Tout compte fait, cela vaut bien quelques entorses à l’amour propre de Wade. Et puis, après tout, on est en politique.

Reste à savoir qui, des uns et des autres, remportera la cagnotte à venir. Ce décor planté de réconciliation factice, s’apparente plus à une partie d’échec très calculée qu’à une vraie séance de contrition qui débouche sur une absolution. Les enjeux en sont sans doute les élections de 2012. A ce jeu, nul doute que le plus rusé vaincra. Wade et Idy le savent très bien, mais tous se gardent de le dire. Et on se range sagement derrière le chef de file du PDS. En temps opportun, on avisera. Car, pour le moment, il faudra parer au plus pressé. Reconstruire la maison que de multiples tempêtes ont fortement ravagée. C’est cela le plus important, du moins pour l’instant.

"Le Pays"

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