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La responsabilité collective dans les résultats scolaires

Publié le vendredi 30 juillet 2004 à 13h21min

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La fin de cette année scolaire et universitaire est marquée presque sur tout le territoire national par le bilan des activités pédagogiques : fête de fin d’année, remise des prix, fête de l’excellence, etc.

Ces manifestations qui impliquent tous les partenaires du système éducatif (élèves, parents, enseignants, parrains et autres mécènes) sont le témoignage que l’école, comprise comme structure de formation de l’homme, intéresse toute la société au plus haut degré : en effet, la radiodiffusion et la télévision nous donnent à entendre et voir des personnalités de tous genres (ministres, députés, opérateurs économiques, personnes ressources " haut placées ", mécènes, etc.) apportant chacune à sa manière son soutien aux élèves et aux enseignants pour les efforts fournis au cours de l’année et dont les fruits sont présentés à travers les résultats aux examens.

Tous ces chassés-croisés autour de l’école burkinabè exigeraient nos acclamations s’ils n’étaient pas souvent motivés par des intentions politiciennes, voire électoralistes. En effet, nous avons l’impression que l’école est subitement devenue une préoccupation réelle et sincère pour la société burkinabè dans toutes ses composantes, notamment celles sui détiennent une ou des parcelles de pouvoir. Or, que constatons - nous en réalité ?

Au niveau des pouvoirs politiques, nous n’avons pas le sentiment que l’école constitue une priorité si l’on prend en compte les problèmes récurrents d’une année à l’autre et depuis plusieurs années : manque et/ou insuffisance des infrastructures et équipements (salles de cours, tables-bancs, fournitures scolaires), insuffisance du personnel enseignant et administratif, mauvaise répartition des infrastructures dans l’espace, etc. Certes, des mesures législatives et réglementaires ont été prises mais leur mise en œuvre ou leur application ne semble pas résoudre les problèmes fondamentaux du système scolaire burkinabè.

L’Etat n’étant pas le seul acteur en la matière, les parents d’élèves et d’étudiants doivent aussi jouer leur partition. Cependant, on constate des manquements graves au niveau des Associations des parents d’élèves (APE). En effet si beaucoup de parents remuent souvent ciel et terre pour obtenir une place pour leurs progénitures dans les écoles, collèges et lycées, ils ne sont plus nombreux ceux qui suivent la vie scolaire de leurs enfants (aucun contact avec l’administration ni l’encadrement pédagogique, non-paiement parfois des frais scolaires, aucun contrôle ou vérification des notes de élèves, etc.). Les APE, dans beaucoup de cas, sont devenues des fonds de commerce pour certains responsables adultes qui ne se rappellent même plus de quand date le séjour de leur dernier enfant dans l’établissement dont ils président aux destinées de l’A.P.E. C’est le lieu ici d’interpeler avec la dernière énergie l’autorité politique pour que ces partenaires du système éducatif burbinabè puissent jouer le rôle attendu d’eux au lieu que ces structures soient transformées en sources de revenus pour leurs seuls gestionnaires. La démission de l’Etat en tant que pouvoir public dans l’absence ou la non application d’un cahier de charges relatif aux A.P.E. mérite d’être stigmatisée afin que, au-delà de toutes considérations généralement politiciennes ou partisanes, les A.P.E. soient véritablement des partenaires de l’Etat dans la mise en œuvre de sa politique éducative.

Les fondateurs ou gestionnaires des établissements scolaires privés sont un des maillons les plus essentiels du système scolaire burkinabè. A leur niveau aussi on pourrait dresser tout un livre quant à leurs manquements ou leurs insuffisances : locaux inadaptés, effectifs pléthoriques motivés par des soucis de gains financiers, mauvais traitement du corps professoral, non respect des cahiers de charges, etc. La situation de l’enseignement privé mérite une attention particulière de la part de l’autorité publique compte tenu de sa place et de son rôle indispensable dans la politique scolaire. Mais, tant que l’Etat ne prendra pas à bras-le-corps ce problème, le système éducatif continuera à souffrir de maux qui ne lui permettent pas d’atteindre les objectifs que l’on est en droit d’en attendre légitimement. Je voudrais ici soumettre une réflexion à l’attention de tous ceux qui s’intéressent au système éducatif, donc à la société burkinabè toute entière : il n’y a que dans l’enseignement où l’on voit des travailleurs quitter le privé pour rejoindre la Fonction publique.

Les enseignants, pris individuellement ou à travers leurs syndicats (l’enseignement est le domaine où l’on compte le plus d’organisations syndicales), constituent un maillon indispensable (le plus important) du système éducatif. Cependant, l’on constate de plus en plus une absence de morale et de conscience professionnelle : combien sont-ils les enseignants (au secondaire) qui accumulent les heures de vacation au détriment d’une bonne préparation de leurs cours ? C’est vrai que leurs conditions de vie et de travail sont des plus déplorables au regard de leur place et de leur rôle dans la société. Cependant, cette situation ne doit pas constituer un prétexte pour tomber dans la facilité car, ils sont nombreux, ceux de ma génération et plus à se rappeler le poids et l’influence morale du Karsamba ! Aujourd’hui, l’enseignant passe pour le dernier de la société car ne pouvant monnayer son savoir que par des broutilles (notamment à la rentrée par la vente de places et pendant les examens par la vente ou l’achat des numéros d’anonymat chaque fois que cela est possible) ou par une partie de jambes en l’air avec les élèves du sexe féminin. A preuve, les articles de presse y relatifs chaque année à l’approche des examens scolaires : si ces écrits sont souvent des vues de l’esprit, il n’en demeure pas moins qu’ils expriment un état d’esprit général de la société burkinabè vis-à-vis de ses enseignants. La solution repose en partie sur l’amélioration des conditions de vie et de travail de l’enseignant collectivement acceptée par la société et qui l’autorisera à un jugement sévère en cas de manquemant à ses devoirs.

Quant aux élèves, premiers acteurs en tant que bénéficiaires du système éducatif, si beaucoup parmi eux sont soucieux de leur avenir, certains semblent n’accorder aucun intérêt à l’école si ce n’est en fin d’année, à l’occasion des résultats finaux. En effet, c’est à cette période que beaucoup d’élèves donnent l’impression de se rappeler que leurs efforts pendant toute l’année seront sanctionnés positivement ou négativement. Et l’on surprend des élèves, nuls en classe, paresseux et totalement insouciants s’étonner de leur échec aux examens. C’est l’occasion de rappeler que les résultats aux examens sont surtout fonction de la manière dont on les prépare : en effet, lorsque les élèves restent éveillés jusqu’à des heures tardives (3 h ou 4 h du matin) à coût de café noir et autres excitants, ils préparent plus leur échec que leur succès car ils arrivent à l’examen complètement exténués et par conséquent improductifs intellectuellement, malgré par ailleurs leurs performances en cours d’année.

Ainsi, comme on peut le constater, l’école est l’affaire de toute la société : c’est une institution de partenariat qui implique plusieurs structures à la fois ; elle nécessite la participation et la contribution de tout un chacun et nécessite des efforts de part et d’autre. Sans vouloir donner des leçons à qui que ce soit, j’ai la prétention d’attirer l’attention de tous ces partenaires sur leurs responsabilités respectives vis-à-vis de l’école. Tout en appréciant l’attention dont celle-ci est l’objet en cette fin d’année, je pense que le meilleur apport des différents partenaires de l’école devrait consister à en faire une préoccupation quotidienne et de tous les instants. N’attendons pas la fin de l’année scolaire pour nous y intéresser : nous sommes tous comptables des succès et des échecs scolaires, car ils comportent une part de notre responsabilité collective et individuelle. Nous devrions éviter de chercher les boucs émissaires des échecs car, c’est connu, le succès a toujours beaucoup de parrains.

En accomplissant nos devoirs vis-à-vis de l’école et en assumant notre responsabilité collective nous contribuerons à alléger les tâches de l’encadrement pédagogique et à mieux assurer le succès de nos enfants.

Dr SANOU Salaka
Habilité à diriger les recherches
Maître-Assistant à l’UFR-LAC
Université de Ouagadougou

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