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RENTREE JUDICIAIRE 2009- 2010 : Sous le signe de la protection de l’administré

Publié le vendredi 2 octobre 2009 à 03h36min

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Il est 9h04, ce 1er octobre 2009 lorsque le président du Faso, président du Conseil supérieur de la magistrature, fait son entrée dans la salle d’audience du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, où a lieu l’audience solennelle de la rentrée judiciaire 2009/2010 placée sous sa présidence. Quelques instants après, la cour, conduite par Haridiatou Dakouré, premier président du Conseil d’Etat fait son entrée. A ses côtés, ses homologues de la Cour de cassation et de la Cour des comptes.

Après la lecture de l’article 45 du statut de la magistrature et l’arrêté conjoint des trois Cours qui organisent la rentrée judiciaire, le juge René Bagoro, président du tribunal administratif est appelé au prétoire pour livrer la rapport de synthèse sur le thème « le juge administratif et la protection de l’administré ». Le rapport a fait ressortir l’évolution de cette juridiction administrative qui se trouve au centre du contentieux entre l’administré et la puissance publique. Sous l’angle de la protection de l’administré, le rapport estime que le système est perfectible. Le pouvoir de contrainte et l’astreinte à l’exécution y ont été évoqués parmi les mesures de renforcement de cette protection. Parmi les mesures d’urgence préconisées, le rapporteur a cité entre autres moyens le référé administratif, le référé suspensif le référé liberté.

Il n’a pas manqué non plus d’évoquer les besoins de renforcement des capacités de l’administration judiciaire pour dire le droit. La formation et le recyclage des magistrats et la création d’un corps de juges administratifs ont été soulignés. La lecture du rapport se termine sur l’indépendance du juge , indépendance qui doit être d’abord une conquête personnelle et permanente, toute chose qui devrait transparaître dans la qualité de la motivation des décisions rendues qui doivent être convaincantes d’un point de vue du droit. Entre l’administration et l’administré, le juge devrait être un « régulateur ». Une présentation dont la longueur a été éclipsée par une lecture fluide et un contenu riche en enseignements. Le rapport a posé la problématique de la juridiction administrative au Burkina, relevé certaines difficultés et fait quelques suggestions de réformes. A la fin de la présentation du rapport, l’auditoire se surprend à applaudir. La présidente le rappelle à l’ordre "On n’applaudit pas dans une salle d’audience".

L’intervention du garde des Sceaux qui s’en est suivi, ne fut pas une réplique en soi. Sauf sur les réformes où le ministre Zakalia Koté a préconisé d’y aller lentement mais sûrement : "La justice la moins critiquée n’est pas celle qui s’efforce d’avancer patiemment vers la perfection, mais bien celle qui s’est hissée au sommet de l’arbitraire ».

Sur le choix du thème, le ministre de la justice l’a trouvé audacieux et judicieux. Pour lui, la Justice et l’administration sont des cousins germains, des frères. Et ce n’est pas toujours évident dans notre contexte de faire savoir à l’administré qu’il peut attaquer l’administration en justice et qu’il peut obtenir la condamnation de l’administration devant la justice. L’administration et la justice sont souvent perçues comme un couple incestueux pour certains, dira-t-il. Pour le commissaire du gouvernement, le juge administratif a une mission de paix, il joue à "l’équilibriste" entre l’intérêt général et l’intérêt privé ou particulier, celui de l’administré. Pour cela, la pointe de sa balance doit être toujours "droite" pour ne balancer ni à droite ni à gauche, concluant ainsi ses réquisitions.

La présidente de l’audience solennelle, Haridiatou Dakouré, dans son allocution, tout comme le ministre de la Justice, a remercié le président du Faso pour sa régularité à présider cette audience solennelle. Elle a mis l’accent sur l’éducation des acteurs (tout détenteur de la puissance publique et l’administré), complément indispensable à l’effectivité de la jouissance du droit de l’autorité de la chose jugée.


ILS ONT DIT

Blaise Compaoré, président du Faso : Je suis venu encourager les magistrats qui vont commencer une nouvelle année judiciaire, mais aussi pour dire que dans un Etat de droit, la saine protection des droits des administrés est un indicateur essentiel. Donc, je me réjouis que cette question ait été abordée à une occasion aussi solennelle pour rappeler aux juges du Burkina son importance. Je crois qu’à partir de là, les magistrats, les juridictions et toutes les institutions républicaines vont œuvrer à faire en sorte que les citoyens comprennent mieux la place fondamentale de ces juges administratifs afin que les relations entre les administrés et l’administration soient plus confiante et que l’effectivité de cette protection soit évidente. Je crois que c’est une question essentielle de notre système judiciaire, comme l’ont rappelé les intervenants.

Zakalia Koté, ministre de la Justice, garde des Sceaux : Jusque-là, nous avons deux tribunaux administratifs (Bobo et Ouaga) totalement autonomes. Ils ne font que du contentieux administratif. Notre ambition est, au vu de l’évolution de la situation, d’autonomiser d’autres juridictions administratives pour éviter l’engorgement. Dans les autres juridictions, ce sont les présidents des Tribunaux de grande instance qui font office de président du tribunal administratif. Il n’a donc pas une personnalité propre, de locaux ni de personnel propre. Notre ambition est de créer des juridictions autonomes là où le besoin existe parce qu’il ne faut pas en créer non plus pour que les gens aillent s’y tourner les pouces. Sur la spécialisation des juges, par principe, je ne suis pas contre . Maintenant, je dis qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne. Vous connaissez nos moyens réels. Allons à notre rythme pour ne pas aller droit dans le mur, c’est-à-dire à l’échec. C’est une idée qui est à creuser. Mais l’un dans l’autre, c’est la manière dont le magistrat va juger ses affaires qui va permettre de rendre justice aux justiciables. Dans d’autres systèmes juridiques, la spécialisation n’existe même pas.

Issouf Baadhio, bâtonnier de l’ordre des avocats : L’audience s’est bien déroulée. La fonction du juge administratif est relativement nouvelle dans notre dispositif judiciaire. Nous espérons que c’est une fonction qui va prendre pied progressivement et que le peuple burkinabè ira de plus en plus vers les juridictions administratives. C’est un équilibre nécessaire lorsqu’on a une administration qui croît et qui a des justiciables et administrés qui peuvent faire valoir leurs droits devant une juridiction spécialisée. Sur le profil des juges, je pense que c’est moins une question de formation qu’un déficit de spécialisation. Tous les juges judiciaires ont une formation de base. Mais là, il s’agit d’un contentieux relativement spécifique, sinon, les armes habituelles du droit, tous les magistrats les ont. C’est plus une question de spécialisation.

Chrisogone Zougmoré, président du MBDHP : La formation des juges administratifs évoquée dans le rapport est très nécessaire notamment, en ce qui concerne les droits humains, parce que quelque part, les droits des administrés, ce sont aussi des droits qui font partie des droits humains. Sur le terrain, les conflits avec l’administration tournent autour des abus d’autorité. Vous avez par exemple, le phénomène des affectations arbitraires. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, le lycée provincial de Bogandé a été vidé de l’ensemble de ses enseignants. Ce sont des phénomènes qu’il faut de plus en plus dénoncer. On ne doit pas utiliser l’administration à des fins de règlement de comptes. Notre attente principale, c’est que l’administration soit vraiment une administration républicaine. Voyez le problème de la couverture médiatique des Organisations non gouvernementales que nous sommes. Nous sommes des personnes morales et il n’est pas normal que l’on fasse la différence entre les administrés qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas. Pour obtenir une couverture médiatique d’une organisation, il faut payer. Ce sont des aspects de la protection des droits des administrés qu’il faut prendre en compte pour faire en sorte qu’on ait une justice en rapport avec les engagements de l’Etat de droit.

Par Abdoulaye TAO

Le Pays

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