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Répression à Conakry : Les premiers cadavres de Dadis Camara

Publié le mercredi 30 septembre 2009 à 03h12min

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Les démocrates guinéens semblent les damnés de la sous-région ouest africaine. Le régime de Moussa Dadis Camara, précipitamment présenté comme un sauveur, vient de montrer son vrai visage à une opposition qui a voulu le défier sur le plan de la mobilisation : quatre-vingt-sept morts. Un autre pouvoir s’installe dans le sang à l’instar de ceux de Ahmed Sékou Touré et de Lansana Conté. Les larmes de la trahison et du désespoir coulent. Les Guinéens ne sont pas encore sortis de l’auberge.

Quatre-vingt-sept morts, des dizaines de blessés, des leaders politiques arrêtés. Des tirs à bout portant, des viols … Conakry a encore basculé dans la terreur. La manifestation contre une éventuelle candidature du chef de la junte s’est heurtée à un piège savamment mis en place par les “bérets rouges”, la garde prétorienne de Dadis. La méthode ressemble fort bien à celle utilisée contre le Mahamat Gandhi et sa bande en Inde dans les années 1940 par l’armée coloniale britannique. L’homme fort de Conakry vient d’offrir un sinistre cadeau d’anniversaire d’indépendance à ses compatriotes : un bain de sang et son lot de morts. En sacrifiant quatre-vingt-sept d’entre eux, il s’inscrit dans la logique de la gestion du pouvoir d’Etat dans son pays.
Choisir entre le choléra et la peste. C’est le dilemme qui sied bien au calvaire actuel du peuple guinéen. Pour avoir vite applaudi la fin d’une époque, celui-ci est brusquement revenu sur terre en comptant ses morts tombés sous les balles assassines du successeur du général Lansana Conté. L’homme du 23 décembre 2008 en a ajouté au joug de son peuple.

La répression de la première manifestation d’envergure de l’opposition, lundi 28 septembre dernier, sonne comme un signal fort du régime de Moussa Dadis Camara aux “ assoiffés ” de la démocratie.
A quelques trois mois du premier anniversaire de la disparition du deuxième chef de l’Etat du pays, il n’y a pas meilleure commémoration de son souvenir. Quelle que soit l’illégalité du rassemblement de l’opposition, l’usage disproportionné de la force relate le climat de délinquance militaire qui s’est brusquement installé dans une continuité aux lendemains de la disparition de Lansana Conté. Des “hors-la loi” se sont emparés des rênes du pouvoir pour semer et perpétuer le désordre. Au fil du temps, les Guinéens découvrent la face cachée du tonitruant officier venu les éloigner “de la division et du chaos”. Le gérant du carburant de l’armée n’a pas tardé à charmer des compatriotes apeurés et pliés sous une dictature de plus de cinquante ans.

Entre belles paroles, démagogie et gesticulations, le capitaine a conquis de sitôt une bande de naïfs qui a pris fait et cause pour lui jusqu’à ce lundi noir. Sans le savoir, les Guinéens ont fabriqué un monstre qui ne pense aujourd’hui qu’à s’accaparer du pouvoir d’Etat par une astuce bien en vogue en Afrique : “Acheter les consciences et instrumentaliser des populations aux prises à la pauvreté et à la misère pour réclamer sa candidature et son maintien à la tête du pays”. Après le premier test de sa popularité à Labé, la deuxième ville du pays, le chef de la junte a sans doute perçu la réplique de l’opposition comme un affront surtout au moment où l’Union africaine et même la France commencent à donner de la voix pour dénoncer sa probable candidature à la présidentielle. “Hier, ce sont des assaillants postés aux frontières qui veulent envahir le pays.

Aujourd’hui, ce sont des manifestants à l’intérieur qui ont dévalisé les armes des commissariats pour attaquer le régime en place”.
Les subterfuges ne manquent pas pour tourner l’opinion publique et la communauté internationale à la dérision. Moussa Dadis Camara a bien appris la leçon de ses prédécesseurs. Ahmed Sékou Touré a été applaudi un 28 septembre 1958 avant d’être vilipendé pour avoir embastillé son peuple et envoyé une bonne partie croupir à mort au très tristement célèbre camp “Boiro”. Le Général Lansana Conté a été présenté en libérateur en 1984 et pourtant, il n’a pas hésité à réprimer ses compatriotes dans le sang. La fusillade des syndicalistes en juin 2008 à Conakry a donc une similarité avec celle du mouvement de protestation au stade du 28-Septembre. Cette date rappelant le “Non” historique contre la servitude, l’oppression et l’exploitation se voulaient cinquante et un ans après être celles contre Daddis Camara et sa bande. Mais cela a tourné au cauchemar. Le capitaine a pris un mauvais départ pour forger son avenir politique.

Les lauriers d’une autre dictature

Pendant que le Liberia, la Sierra Léone et la Guinée-Bissau voisins se sont inscrits dans la voie de la raison, les premiers martyrs guinéens tombés sous les velléités de leur troisième chef d’Etat riment bien avec les cinquante-et-une longues années abusées dans la quête du bien-être, du progrès et démontrent à plus d’un titre que les Guinéens ne se rassassieront pas aussi vite de leur soif de liberté et de démocratie.
Les promesses d’assainir les finances publiques et les engagements tapageurs pour mettre l’économie du pays sur les rails font partie du scénario à dessein de Moussa Dadis Camara. Les contradictions dans sa parole, ses faits et gestes invitent à une réflexion de la part des Guinéens eux-mêmes mais aussi des Africains.

“Il n’y a pas une personnalité qui ne se révèle pas sous l’emprise du pouvoir”, avertissent les psychologues. Nombre de ses collaborateurs se sentent déjà humiliés et trahis seulement après neuf mois d’exercice du pouvoir. Devant le drame condamné des quatre coins du monde, l’homme fort de Conakry, pour tout regret, n’a exprimé qu’une "désolation" lapidaire clamant du coup son impuissance face à un système qu’il a lui-même créé en neuf mois. Le “Château d’eau d’Afrique” éprouve des difficultés réelles plus d’un demi-siècle après à satisfaire le désir de satiété et d’opulence de ses filles et fils. Dans sa logique d’errance, le Conseil national de la démocratie et le développement (CNDD) se convainc que pour tenir les rênes du pouvoir aussi longtemps en Afrique, il faut envoyer des rafales effrayant longtemps le peuple afin de mieux nourrir ses ambitions et asseoir un règne sans fin. Les larmes ne font que couler. Le régime cherche à s’imposer et ne lâchera pas du lest.

Il sait que la communauté internationale manquera de l’unanimité tant attendue pour prendre des sanctions radicales à son encontre. Auréolés par le double jeu de certains dirigeants africains, ses membres jouent aujourd’hui leur destin en se frayant une voie, fut-elle ensanglantée, vers la conservation du pouvoir. La répression du 28 septembre vise à rendre aphones une opposition politique et une société civile s’illustrant singulièrement en Afrique par son dynamisme.
Il faut craindre que la descente des forces de l’ordre contre des individus aux mains nues n’entraine la dispersion des forces démocratiques. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine doivent aujourd’hui s’en vouloir des résultats tragiques de leurs compromissions avec les hérauts de Conakry.

Le double jeu envers le général Mohamed Ould Abdel Aziz qui a délibérément mis fin à un régime démocratique et parvenu à se faire enfin élire à la tête de l’Etat est une faiblesse aussi raisonnablement exploitable en Guinée. Les immenses richesses de ce pays sont encore loin de profiter aux populations.
Scandale géologique, tragédie démocratique ! Le chemin du développement en Guinée s’allongera vers une destinée incertaine tant que toutes les forces vives du pays ne trouveront pas le compromis idéal pour leur exploitation dans la transparence et l’équité. Les coups d’éclats du successeur de Ahmed Sékou Touré (1958-1984) et Lansana Conté (1984-2008) n’ont pas jusque-là inscrit cette nécessité en condition sine qua non dans la construction du bonheur.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 30 septembre 2009 à 20:34, par Sebgo En réponse à : Répression à Conakry : Les premiers cadavres de Dadis Camara

    Mes sinceres condoleances a toutes ces victimes, la tolerence et l’inpunite dont ont joui la pluparts des leadeurs africains ne pouvaient que reproduire des prototypes ailleurs dans d’autre pays.

  • Le 1er octobre 2009 à 10:05, par plus jamais ca En réponse à : Répression à Conakry : Les premiers cadavres de Dadis Camara

    moi je dirais que dadis fait une honte pour tout militaire dans le monde ce qui est sur et certien qu’il reste au pouvoir ou pas un jour viendras un cortaige va l’accompagné dans son sou terrain meme hytler a ete plus fort que lui mais presentemennt il est ou l’armée continue son reigne dadis doit moirire

  • Le 1er octobre 2009 à 15:33, par WOBG-ZANDSANEM En réponse à : Répression à Conakry : Les premiers cadavres de Dadis Camara

    DADIS ne fait pas la honte mais c’est toi qui n’est pas à mesure de comprendre les choses. pourquoi les opposants ont enfreint à la loi pour tenir leur rencontre le 28 septembre au stade du 28 ? c’est une analyse d’intellectuels mais des ecoeureux.

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