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Téléphonie Mobile : le business des cartes prépayées

Publié le samedi 15 novembre 2003 à 13h02min

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Téléphonie Mobile : le business des cartes prépayées

La téléphonie mobile a explosé au Faso. Les Burkinabè privilégient davantage les prépayés parce que, comme ça, il n’y a ni facture ni redevance en fin de mois. Donc pas de surprises désagréables.

Les vendeurs de cartes téléphoniques ont envahi nos rues pour un business florissant qui enrichit surtout ceux qui peuvent " acheter en gros ".

Ils sont des centaines à Ouagadougou à gagner leur pain grâce au boom de la téléphonie mobile. A chaque carrefour, du matin au soir, ils agitent leurs panneaux, courant chaque fois qu’un véhicule s’arrête, chacun espérant conclure la vente.
Il est 7 h 30 et Issouf est au travail depuis une heure. " Pour l’instant, confie-t-il, je n’ai vendu que deux cartes à 2500 l’unité ". Sur ces 2500 fr. cfa, Issouf ne gagnera que 75 francs. Le jeune Moumouni, qui chasse le client au même feu a plus de chance. Indépendant, il gardera tout son bénéfice pour lui. " Je suis à mon compte depuis trois semaines " lâche ce dernier avant de courir vers un homme en mobylette qui fait de grands gestes. Le gain touché par les vendeurs de cartes dépend avant tout de celui qui leur confie les cartes. Des cartes qui passent entre les mains d’intermédiaires avant d’aboutir revendeur, dernier maillon de la chaîne avant le client.
Tout commence aux sièges des grandes compagnies de téléphonie mobile. Les trois grands opérateurs qui se partagent le marché burkinabè ont chacune mis au point un système de distribution et de vente de cartes. Bien sûr le client peut se rendre dans les grandes agences de ces entreprises. Mais, comme le souligne un responsable d’une de ces compagnies, les Burkinabè sont très mobiles, ils préfèrent toujours acheter sur le bord de la route sans descendre de leur moto. "Pas de parking à payer… Pas de temps perdu… "

Des grossistes accrédités

Chez les trois opérateurs de téléphonie mobile, le circuit de vente de cartes de téléphone est le suivant. Un grossiste achète pour plusieurs millions de francs de cartes qui sont ensuite réparties vers les points de ventes où s’approvisionnent les clients. Le nombre de grossistes dépend des opérateurs, mais tous exigent des garanties. Les responsables commerciaux parlent alors de grossistes accrédités. C’est-à-dire présentant des garanties financières suffisantes (des cautions s’élevant à plusieurs millions de francs), inscrits au registre du commerce et disposant de locaux commerciaux. Des grossistes qui font leurs bénéfices, non pas sur un achat en dessous du prix, mais sur un pourcentage négocié avec l’opérateur (entre 6 et 10%).

Nichée au fond du jardin Ouaga-Loudun, à quelques encablures du rond-point des Nations Unies, le kiosque d’un grossiste. Ils sont une dizaine de revendeurs, comptant et recomptant leur argent en attendant qu’on leur délivre leur précieuse marchandise.
Un des employés révèle : " Nous sommes simplement les intermédiaires entre les compagnies de téléphonie et les petits vendeurs. Notre clientèle, ce sont des gens qui achètent pour quelques dizaines de milliers de francs de cartes, après libres à eux de gérer leur réseau comme ils l’entendent ".

Thierry est un de ceux-là, aujourd’hui, il achètera pour 50 000 francs de cartes qu’il distribuera à ses revendeurs. " Sur une carte de 5000, mon vendeur en garde 100 et moi 200, explique-t-il, si ça marche bien, je peux me faire entre 3000 et 5000 francs de bénéfice par jour, mais gare aux voleurs ". Car, rien n’est plus facile pour un revendeur de cacher une partie de ses bénéfices à son patron. Puis de racheter un lot de cartes, dont il empochera la totalité des gains, rendant les invendus à son patron… Si cette pratique malhonnête existe, les petits vendeurs craignent surtout le vol à l’arraché de leurs panneaux. Certains comme Badiou ont trouvé la parade, ils attachent à leur poignet leur précieuse marchandise…

Des situations disparates

Car pour lui comme pour tous ses " collègues ", la marchandise est précieuse. En effet, les vendeurs au détail font leur marge prix d’achat inférieur à celui indiqué sur la carte. "Par exemple une carte de 5000 me coûte en réalité 4700 francs, donc je gagne 300 francs", explique Jean. Installé le long de l’avenue de l’aéroport. Jean travaille de 8 heures à 20 heures, " les bons jours, je peux vendre 30 000 francs de cartes ". 30 000 qui lui rapporteront 1 500 francs à la fin de la journée. Sambo, lui, a 16 ans. Les cartes lui sont confiées par son grand frère qui partage avec lui les bénéfices. Des bénéfices qui lui permettent de suivre les cours du soir…

La situation des petits vendeurs de cartes est, pour le moins, disparate, si certains réussissent à tirer des bénéfices substantiels de ce commerce, les plus faibles et les plus jeunes courent toujours le risque de tomber entre les mains d’un exploiteur.

Vendre des recharges pour construire son avenir

Ahmed Sondé a quinze ans. Posté le long du bitume, il chasse le client de 7 h 30 à 18 h 30. Espérant vendre ses recharges. Cela fait trois mois qu’il arpente son bout de route près de Charles de Gaulle. Ahmed travaille pour un étudiant qui, chaque jour, lui confie pour quelques milliers de francs de cartes. " Je peux vendre pour 15 000 francs de cartes les bons jours et pour 7 500 les mauvais. " Ahmed trime toute la journée, tout le mois pour un salaire de 300 francs par jour. Ce jeune " galérien " envoie plus de la moitié de son maigre butin au village. Un village où il ne rentrera que dans trois ans. " Je suis là depuis un an. Je suis venu récolter de l’argent pour mon avenir. Quand je rentrerai au village je pourrais m’installer et me marier… " Ahmed ne craint qu’une seule chose, que les autres vendeurs lui volent ses cartes : " ça m’est déjà arrivé ", se souvient-il.

Par Simon Makhno
L’Evénement

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