LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Grève à Air Burkina : Dans le secret des négociations

Publié le mardi 27 juillet 2004 à 12h23min

PARTAGER :                          

Les travailleurs de Air Burkina avaient entamé une grève qui
devait aller du vendredi 23 au dimanche 25 juillet. Mais le ciel
s’est vite dégagé car les "grévistes" et l’administration se sont
retrouvés sur les mêmes longueurs d’ondes.

Chaque partie a
certainement trouvé son compte après la rencontre du 23 juillet.
Dans quelle ambiance se sont déroulées les négociations ?
C’est l’une des questions auxquelles répond Damata Ganou, la
secrétaire adjointe à la formation et à l’éducation du Syndicat
unique de la météorologie et de l’Aviation civile (SUMAC).

"Le Pays" : Quelle a été la part du SUMAC dans les négociations
qui ont abouti à la levée de la grève de protestation et
d’avertissement des travailleurs de Air Burkina ?

Damata Ganou (SUMAC) : Les travailleurs avaient déposé un
préavis de grève de 72 h parce que cela fait environ 6 mois que
le conflit entre la direction de Air Burkina et les travailleurs était
latent. Ce conflit est né du fait que depuis la privatisation de Air
Burkina, nos salaires n’ont pas connu d’amélioration alors que
le chiffre d’affaires a été multiplié par 3 et que le volume de
travail a considérablement augmenté. Depuis lors, nous n’avons
pas cessé d’essayer de nous faire entendre et auprès de la
direction générale et auprès du Conseil d’administration pour
qu’une solution soit trouvée à nos problèmes.

Du reste, depuis
la privatisation de Air Burkina, les clauses qui ont été élaborées
entre l’Etat et les privatiseurs n’ont pas été respectées par les
repreneurs de la compagnie. Nous pouvons citer comme
exemple de clause non respectée, l’acquisition d’outils de travail
plus performants tels les avions.

C’était l’aspect qui aurait
motivé l’Etat à céder Air Burkina qui en sus d’être un outil de
développement économique est un instrument de souveraineté
nationale. Certes, avec la globalisation, nous nous sommes
résignés pour l’option économique, mais il faut au moins que
tous les Burkinabè, notamment les travailleurs, tirent profit de
cet outil. Cela n’est pas du tout le cas. La situation n’a pas
évolué depuis lors. Les avions n’ont pas été achetés, les
salaires n’ont pas bougé d’un iota, la formation est balbutiante et
l’ouverture de nouvelles lignes n’a pas suivi, etc... C’est tout ça
qui pousse les travailleurs à mener des actions d’envergure
dont cette grève du 23 juillet dernier.


Comment en êtes-vous arrivés à vous entendre avec
l’administration ?

Nous avons entamé les négociations dans la matinée pour les
terminer dans la nuit, avec des arrêts de quelques heures,
selon que la tension monte. Le point sur les salaires constituait
un véritable achoppement entre les travailleurs et le PCA qui ne
voulait pas entendre parler des 45% au bout de 3 ans que nous
réclamions. En effet, nous avions demandé 15% cette année,
15% pour début 2005 et les 15 autres % pour 2006. Selon les
dires du PCA, la société ne se porte pas bien.

Nous lui avons
répondu que cela n’était pas du tout du fait des travailleurs,
parce qu’à plusieurs reprises nous avions attiré l’attention du
Conseil d’administration et du directeur sur la gestion et la
manière dont est mené le marketing. A l’époque, nous avions
suggéré de diminuer les charges et même les tarifs. Les
usagers allaient ainsi voyager plus, et nous ferions plus de
rentrées d’argent, ce qui nous amènerait à des économies
d’échelle.

Nous leur avons également fait savoir qu’en matière
de marketing, nous n’étions pas assez agressifs. Contrairement
à d’autres compagnies, Air Burkina n’a pas pu mettre en place
un bon arsenal de marketing pour pouvoir remplir nos avions.
Du reste, les locations d’appareils prolongées ont fait que nous
avions commencé à entrer dans des déficits.

A la faveur de la
disparition d’Air Afrique, que nous avons regrettée vivement bien
qu’étant des concurrents, nous étions pratiquement les leaders
et étions dans une situation de concurrence monopolistique qui
nous permettait de fixer les prix que nous voulions. A ce titre,
nous avions pu remplir nos caisses. Maintenant que le ciel a été
ouvert à toutes les compagnies à la faveur des textes
supra-nationaux comme ceux de la CEDEAO (Communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, ndlr), pour faire
face à la concurrence, la compagnie doit pouvoir trouver d’autres
stratégies de marketing, sinon le déficit était prévisible.

Les négociations se sont donc déroulées dans une bonne
ambiance...

Oui, d’autant plus que le second point de revendication
concernait les sanctions de nos collègues pilotes. Ce problème
n’était pas du tout à négliger. Nous en avions discuté lors de
rencontres avec les différents directeurs, le président du Conseil
d’administration et les pilotes. Je peux dire que nous avons
discuté entre frères parce que la plupart des employés de Air
Burkina ont entre 20 et 30 ans de service. Et comme nous
passons plus de temps au travail, ce sont de véritables liens de
fraternité qui nous rassemblent.

Du reste un avion, c’est comme
une maison dans les airs. Le problème étant interne entre les
pilotes, nous avions trouvé une solution pour convaincre la
direction de lever les sanctions contre les pilotes.

Quelles fautes ont commis pour écoper de ces sanctions ?

Ils ont simplement trouvé qu’un des leurs avait été envoyé pour
être formé en qualité d’instructeur alors qu’il n’aurait pas les
compétences requises pour cela. Ils ont donc envoyé une lettre
signée à quelques pilotes au directeur général. Cet acte n’a pas
été du goût de ce dernier qui l’a considéré comme un manque
de respect à son égard. Il a trouvé que les pilotes ne pouvaient
pas faire fi de la direction des pilotes pour s’adresser
directement à lui.

En 4 ans de privatisation Air Burkina en est à son troisième
directeur général. Selon vous, qu’est-ce qui crée cette instabilité
 ?

Ce qui crée l’instabilité des directeurs à Air Burkina, pourrait
être d’une part leur méconnaissance du milieu, culturellement
parlant. Ces directeurs ne connaissent pas la culture
d’entreprise de Air Burkina. D’autre part, ils proviennent d’autres
horizons.

Tout cela constitue pour eux un double handicap et
crée des problèmes tant au niveau des responsables de la
coordination de IPS que de celui des travailleurs. C’est vrai que
la compagnie a été privatisée et que l’Etat ne peut plus rien
imposer à l’acheteur, mais il doit tout de même avoir un oeil sur
les choses. Il y a une question de souveraineté nationale qui se
pose tout de même. Il faut que chaque partie fasse de son
mieux pour sauver cet outil de travail commun qu’est Air Burkina.

L’expertise locale est-elle à même de diriger Air Burkina ?

Il y a bel et bien des compétences locales pour diriger cette
compagnie. Le fond du problème est que l’Etat ayant cédé cette
société n’a plus le maximum de la part du capital qui lui permet
d’imposer un directeur. C’est à l’Etat de faire le choix entre
prioriser l’aspect économique et imposer l’élément souveraineté
nationale. Mais, même si les sociétés sont privatisées et ont
d’autres actionnaires majoritaires, elles sont dans un Etat et ce
dernier doit avoir un droit de regard sur leur marche.

Peut-on dire que le ciel est dégagé pour de bon pour Air Burkina
 ?

Absolument. Nous avons suspendu la grève parce que nous
avons le souci de faire marcher notre compagnie à tous. Du
reste, il y a de nombreux clients qui doivent faire des
correspondances avec d’autres vols, ceux qui doivent aller en
vacance, et ceux qui voyagent pour leurs affaires. Avec ces
heures de grève, la situation des usagers n’était pas des plus
plaisantes. D’autant plus qu’une partie de nos revendications a
été acceptée par le PCA nous avons levé la grève en attendant
de revenir sur d’autres aspects. J’espère que cela ne va pas
encore nous mener vers une autre grève. Nous en appelons à la
compréhension de la direction générale et du Conseil
d’administration afin que tout se déroule dans un esprit
d’ouverture partagé.

Propos recueillis par Morin YAMONGBE
Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)