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Centres de relogement : Les sinistrés pendent la crémaillère

Publié le jeudi 24 septembre 2009 à 04h01min

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L’emménagement des sinistrés sous les tentes des centres de relogement a effectivement débuté comme prévu mercredi 23 septembre 2009 à Ouagadougou.

Si certains n’ont pas encore quitté les sites d’hébergement, d’autres, par contre, ont pu pendre la crémaillère (Ndlr : fêter son installation dans un nouveau logement), achevant leur déménagement. Ces derniers apprécient la qualité de leurs abris qu’ils surnomment eux-mêmes appartements. Pour eux, c’est une nouvelle vie qui commence à l’ombre des tentes.

Ce mercredi 23 septembre 2009 aux environs de 11 h, rien qu’au pas alerte du bourgmestre de la capitale, Simon Compaoré, franchissant le pont de fortune fabriqué à l’aide de planches et d’un coffre en bois de tente à l’entrée du terrain de l’INJEPS, on se doutait bien que la situation devait être pressante. Son empressement s’explique par l’emménagement de sinistrés qui s’y déroulait.

En effet, à l’intérieur de la cour, 3 cars aux porte-bagages chargés de vélos et 2 camions militaires pleins de bagages sont stationnés. Ceux qui ont été transportés là par ces véhicules vont et viennent entre les tentes dressées. Le maire s’empresse d’aller au maquis de l’Espace Challenge sis dans l’enceinte du campement pour vérifier si l’ordre d’ôter les liqueurs de leurs boissons a été respecté.

"Non, pas encore !" lui répond le gérant. Aussitôt, Simon Compaoré donne l’injonction aux policiers municipaux qui le suivent de procéder à la saisie des liqueurs. Ensuite, le bourgmestre s’enquiert de l’évolution des emménagements des sinistrés auprès de ses agents qui en sont chargés.

On lui fait remarquer que le nombre des membres de certaines familles a changé. "Mon ami Désiré Nonguerma, si c’est 7 personnes qui ont été recensées, on classe les 7 ; on ne peut pas venir subitement dire que c’est devenu 12. Y a quelqu’un qui a accouché en cours de route ou quoi ?" martèle l’édile de la capitale à l’un d’eux avant de poursuivre :"On gonfle les chiffres après pour bénéficier encore plus de nattes et autres, mais nous serons vigilants" .

Pendant qu’un petit groupe se forme autour de Simon, deux fillettes comparent leurs nouveaux abris : "La fermeture de votre tente est extérieure ; la nôtre, elle, est interne et plus grande", remarque Rabiatou Ouédraogo, 7 ans, drapée de sa robe rose. "Oui, mais la nôtre est plus jolie et même doublée à l’intérieur", lui répond sa copine, un pagne multicolore noué autour de la taille.

Chez les adultes également, l’heure est à la découverte et à l’appréciation de leurs gîtes. "C’est une maison de Blancs que vous avez là ! Vous êtes mêmes des Italiens maintenant !" observe une trentenaire venue aider ses parents à emménager, maintenant de la main droite le blason de la Coopération italienne sur leur tente. "Comme tu vois, c’est notre nouvel appartement comme ça", lui répond une femme, avant d’écarter la toile d’entrée pour l’inviter à entrer.

Salif Ouédraogo, lui, vient de s’apercevoir que son logis est mitoyen de celui de ses voisins de quartier. Bien qu’on lui ait promis de tapisser l’intérieur de sa nouvelle demeure : "Emménager ici nous nourrit de beaucoup d’espoir car c’est une nouvelle vie qui commence pour nous. Maintenant, nous allons nous atteler à trouver les frais de scolarité de nos enfants avant la rentrée", souligne-t-il.

A propos de la rentrée prochaine des classes, justement, une équipe du ministère de l’Enseignement de base prospectait sur le terrain pour installer des tentes-écoles d’une capacité variant entre 70 et 80 âmes. Au dire du chef de la circonscription Ouaga I, Lucas Dabiré, il s’agit d’y absorber les élèves qui ne pourront pas être reçus dans les écoles avoisinantes.

Le nombre d’écoliers déterminera celui des tentes-écoles à installer car s’y retrouveront les enfants sinistrés relevant des CEB Ouaga I, II et une partie de Boulmiougou. Foi de l’inspecteur technique des sinistrés, Karim Kamba, les tentes-écoles effectueront également leur rentrée le 1er octobre prochain.

Des latrines mobiles de couleur rouge entreposées à l’angle droit du campement donnent une idée de son assainissement. De l’autre côté, des ouvriers creusent les murs des fosses septiques pour les faire communiquer.

A quelques mètres, un camion stationné entre des dizaines de dalles, de HLC en béton les charge à l’arrière à l’aide d’une grue. Au nombre des gens à pied d’œuvre, Ali Kassamba de COGER international, qui nous confie être venu soutenir les techniciens qui s’affairent à installer les toilettes, qui doivent être disponibles dès ce mercredi.

Sur le coup de midi débute le déchargement, sous la surveillance des forces de l’ordre, du véhicule. Chacun, y compris Simon, met la main à la pâte dans le transport des effets. "Tu es où ?" demande en mooré ce dernier à une dame qui peine à soulever son baluchon. "Là-bas, au fond", répond -elle en pointant du doigt les gîtes.

"Laisse, on va t’aider", ajoute le bourgmestre avant de s’emparer d’une partie de ses effets pour les amener à sa "maison". Là, le train-train de l’emménagement continue et l’on se rend compte que les gens veulent toujours être ensemble mais que ce désir se heurte à la nécessité de l’utilisation judicieuse des espaces pour occuper le maximum de places.

Et pendant que nous prenons des notes, Abzèta Ilboudo s’approche de nous, pensant avoir affaire à des agents du recensement : "Sil vous plaît ! Nous avons un problème : nous, nous sommes au nombre de 17 mais nous n’avons pas eu de numéro d’attribution ; alors on est venu se faire recenser". Se rendant compte de sa méprise, elle poursuit son chemin sans demander son reste, à la recherche des vrais agents.

En ce qui concerne l’organisation pratique du site, elle reste la même que sur les anciens emplacements, nous assure le responsable Edgar Compaoré, par ailleurs conseiller municipal et président de la commission affaires générales, sociales et culturelles de l’arrondissement de Baskuy : "Nous allons accueillir 905 personnes réparties, avant, dans 5 sites d’accueil, comprenant le lycée John-Kennedy ; les écoles Sacré-Cœur ; Paspanga A, B, E ; l’institut islamique du secteur 10 et le lycée Dim Dolobson.

Vu la grandeur du site, nous l’avons divisé en 8 quartiers pour permettre aux sinistrés de rester toujours ensemble comme dans leurs anciens sites d’hébergement. Si une seule famille peut se retrouver dans une même tente, on le fait, autrement, on associe les familles", nous explique-t-il.
Pour Simon Compaoré, ce 23 septembre était consacré à l’installation des victimes du déluge au niveau de l’hippodrome et de l’INJEPS : "Cette première tranche concerne les arrondissements de Baskuy et de Boulmiougou. C’est un peu comme des sites-tests pour nous, car ils vont nous permettre d’améliorer les déménagements en fonction des enseignements tirés afin de parfaire l’organisation des autres sites, dont l’occupation va se faire progressivement les jours à venir".

Toutefois, l’attente de l’emménagement est de plus en plus difficile chez les sinistrés demeurant sur les sites d’hébergement, comme nous le fait remarquer Aly Sawadogo, qui a la responsabilité de ceux installés au Groupe scolaire Le Messager : "Pour l’instant, on n’est pas situé sur le jour ni le lieu de notre relocalisation mais ayant eu vent de l’opération d’emménagement à travers les médias, les sinistrés nous demandent chaque fois à quand leur tour. Ils craignent même d’avoir été oubliés".

A l’en croire, hormis l’impatience de certains qui veulent tout, ici et maintenant, une seule ambiance familiale règne sur son site ; toutefois il a relevé la seule fausse note : "Il y a un homme qui, désespéré, a tenté de se suicider en avalant de l’insecticide qu’il a lui-même acheté au marché. Grâce à la vigilance d’un autre, il a pu être amené dans une formation sanitaire, et fort heureusement, ses jours ne sont pas en danger".

Le tumulte au niveau de l’INJEPS tranche singulièrement avec la relative quiétude à l’hippodrome. Aux environs de 13 h en tout cas, en attendant l’arrivée des futurs "locataires" des lieux, ce sont des ouvriers qui se reposaient à l’ombre des toiles dressées, pendant que leur adressage était poursuivi par une poignée d’hommes.

Abdou Karim Sawadogo & Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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