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Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

Publié le jeudi 17 septembre 2009 à 03h31min

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Géographe de formation, Fatoumata Bancé / Sawadogo est la première femme à occuper le poste de vice-président dans son parti, le Front des forces sociales (FFS). Fasozine.com a rencontré ce leader politique plein d’ambitions, qui est contre la loi instituant un quota de 30% sur les listes électorales en faveur des femmes et plaide pour que l’organisation des élections en Afrique soit confiée à des cabinets spécialisés.

Fasozine.com : Plusieurs partis se réclament de l’héritage du président Thomas Sankara. Qu’est-ce qui fait la particularité du Front des forces sociale (FFS) dont vous êtes la vice-présidente ?

Fatoumata Bancé : Nous avons tous le même but, c’est-à-dire prendre le pouvoir d’Etat et le gérer selon les idées novatrices qu’avait le président Thomas Sankara. Ce sont peut- être des problèmes d’individus qui créent une division au niveau des partis sankaristes. Mais personnellement, je pense que notre pluralité n’est pas forcement un handicap. Il y a beaucoup de religions d’obédience chrétienne, mais ce n’est pas pour autant que le Christ n’est pas unique. Nous prenons cela comme une richesse.

Nous sommes à un mois de la date anniversaire de la mort de Thomas Sankara. Comment le FFS entend commémorer cet anniversaire ?

Chaque année, il y a une cérémonie qui est organisée au niveau du cimetière. Le vingtième anniversaire avait été organisé de façon spécifique. Car nous avons voulu marquer les 20 ans d’une pierre blanche. Contrairement à ce que pensent les gens, tous les Sankaristes se retrouvent tous les 15 octobre et commémorent ensemble la mort tragique de notre héros, notre leader, Thomas Sankara. Nous n’allons pas déroger à la règle cette année.

Une femme vice-présidente d’un parti d’opposition c’est assez rare en Afrique…

Il n’est pas facile pour une femme d’occuper un poste de responsabilité dans un parti politique, en Afrique surtout s’il s’agit d’un parti d’opposition. Pour le moment, je n’ai pas rencontré de problèmes majeurs au niveau de mon travail ou de mon foyer. Je dirai que j’ai peut être eu la chance de rencontrer mon mari alors que j’étais déjà très engagée en politique. Il est plutôt fier de ce que je fais et m’encourage. Mon époux est tout le temps disponible et très compréhensif. Souvent, quand nos réunions tirent en longueur, il suffit juste de l’informer et cela ne pose pas de problème. Mais reconnaissons que ce n’est pas toujours facile. Lorsqu’on a des enfants en bas âge dont il faut s’occuper, même si personne ne vous empêche de sortir, vous allez vous-même estimer que votre présence à la maison est nécessaire. C’est pourquoi je dis que c’est difficile pour les femmes.

Une loi instituant un quota de 30% sur les listes électorales en faveur des femmes a été récemment votée par l’Assemblée nationale du Burkina. Cela contribuera t-il réellement à faire avancer le combat de la femme burkinabè ?

Ce n’est pas du tout un service que l’on a rendu aux femmes. Je ne suis pas d’accord qu’une femme soit élue ou soit nommée ministre, uniquement parce qu’elle est femme. Je préfère qu’elle soit choisie sur la base de sa compétence. Et des femmes compétentes, il y en a au Burkina. Si tout le monde est fier de Barack Obama, le président américain, c’est parce qu’il s’est battu pour être ce qu’il est aujourd’hui. Et c’est parce qu’il s’est battu, qu’il impressionne les gens. S’il avait été imposé par un quota en faveur des Noirs, personne ne parlerait de lui avec cette fierté. Je veux aussi que la femme burkinabè se batte pour acquérir ce qu’elle veut, au lieu d’attendre que tout lui soit donné. Les défenseurs de la loi du quota/genre ont leurs raisons que je respecte. Mais ce n’est pas ce qui va aider le Burkina à avancer. Cette loi a été votée pour plaire aux bailleurs de fonds.

Comment appréciez- vous la sortie médiatique de Salif Diallo et l’idée de la relecture de la Constitution qu’il propose ?

Tout texte régissant les hommes est perfectible. C’est dire que la Loi fondamentale dans tous les pays peut être révisée. Mais il faut que ce toilettage soit sain et organisé sur des bases saines, qu’il soit inspiré par le désir de contribuer au bonheur du peuple. Je me demande si Salif Diallo n’a pas effectué sa sortie à dessein. Jusqu’à présent, rien ne nous éclaire sur ce qui s’est réellement passé pour cette sortie de Salif Diallo. J’ai comme l’impression que c’est plus pour préparer l’opinion publique à une révision constitutionnelle.

Mais Salif Diallo a aussitôt été suspendu des instances dirigeantes de son parti…

Oui, mais il est toujours ambassadeur et représente le président du Burkina Faso à Vienne, en Autriche. Cela est très significatif. Comment comprendre que quelqu’un qui est suspendu de son parti, qui est celui du président, continue de le représenter à l’extérieur ? Vous conviendrez avec moi qu’il y a anguille sous roche. Je reste perplexe par rapport à cette sortie de Salif Diallo. Je pense que l’objectif était de préparer l’opinion publique à la relecture de la Constitution. Nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises. De toutes les façons, si le président Compaoré veut se représenter à la fin de ses deux mandats, il mettra tout en œuvre pour que cela se passe avec une apparence de légalité, parce qu’il dispose d’une majorité à l’hémicycle. Pour le moment, l’opposition ne peut que les laisser faire. Notre position sur la question les préoccupe peu. L’opposition est minoritaire à l’Assemblée. Il n’y a que dans les journaux ou lors des mouvements sociaux que nous pouvons nous faire entendre. Le problème, c’est que les partenaires financiers du Burkina se basent toujours sur les décisions de l’Assemblée nationale pour juger le niveau de démocratie dans les Etats. Mais comme le parti au pouvoir a la loi avec lui, que pouvons-nous faire ?

Des élections se sont tenues un peu partout sur le continent et chaque fois les résultats sont contestés. A votre avis, pourquoi les résultats des élections en Afrique sont systématiquement rejetés par l’opposition ?

Les partis d’opposition en Afrique sont habitués à se faire voler les suffrages exprimés en leur faveur sous les tropiques. S’ils contestent, ils le font malgré eux. En plus, il faut reconnaître effectivement que les urnes sont bourrées la plupart du temps. En la matière, les exemples foisonnent. Au Burkina, nous avons constaté lors des élections passées que des gens sont allés voter en famille et ont été surpris de ne pas retrouver une seule voix de leur parti au décompte final, c’est révoltant. Les gouvernants gagneraient à confier l’organisation des élections à des bureaux spécialisés, en lançant par exemple des appels d’offre. Cela réduira considérablement les cas de fraudes.

Le vote des Burkinabè de l’étranger est maintenant un acquis. Cela est-il techniquement possible dans les conditions actuelles ?

Le vote des Burkinabè de l’étranger est une revendication de l’opposition. C’est une bonne chose. Nos compatriotes pourront enfin prendre une part très active dans notre processus démocratique. Mais la structure chargée d’organiser les élections est-elle techniquement prête pour le faire dans les conditions actuelles ? C’est là la question. Il a été dit que c’est dans les ambassades et les consulats que les électeurs iront voter. Si l’on prend l’exemple de la Côte d’Ivoire, nous avons des compatriotes qui sont dans des villages situés à plus de 600 Km d’Abidjan et très loin de Bouaké. Quelles sont les dispositions prises pour que tous ces gens puissent prendre part au vote ? Comment la Commission électorale nationale indépendante va régler le problème ? Déjà qu’à l’intérieur du Burkina les insuffisances organisationnelles sont nombreuses… Il n’est pas exclu qu’on nous ramène des urnes bourrées de la diaspora, si toutes les mesures de transparence ne sont pas réunies.

En 2010, les Burkinabè seront appelés à élire leur président. La vice-présidente du FFS que vous êtes est-elle tentée de se positionner sur la ligne de départ ?

C’est au bureau politique national d’en décider. En temps opportun nous verrons avec d’autres partis comment nous y prendre. Je pense qu’il ne faut pas faire de la figuration. Je ne pense pas aussi que ce soit le moment de présenter la candidature d’une femme à l’élection présidentielle au niveau de notre parti. Il faut être réaliste…

Le Burkina Faso vient de connaître une grande inondation. L’Etat a même lancé un appel à la solidarité nationale et internationale. Vous y adhérez ?

Nous sommes sur le terrain depuis les premières heures de cette inondation. Individuellement, chaque militant a apporté ou reçu un soutien. Personne ne pouvait prévoir une telle catastrophe dans un pays sahélien comme le nôtre. Nous sommes tous des sinistrés et chacun fait ce qu’il peut. Ceux qui accusent le gouvernement actuellement se trompent. C’est vrai que d’habitude le gouvernement ne fait pas grand-chose mais cette fois, il ne pouvait rien faire. Les climatologues affirment que depuis l’époque coloniale, le Burkina n’a jamais connu de telles précipitations. Nous espérons qu’après cette pluie, les autorités seront plus regardantes sur les matériaux de construction. Je souhaite que tous les Burkinabè se donnent la main en cette période difficile. Il n’y a pas que l’argent ou le sac de riz pour cela. Des conseils, des vêtements et tout ce qui peut apporter du réconfort aux sinistrés sont les bienvenus. Car beaucoup ont perdu leur dignité suite à cette inondation.

Joël Zoundi (stagiaire)

Fasozine

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Vos commentaires

  • Le 17 septembre 2009 à 05:11, par bogan En réponse à : Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

    bonjour madame la presidente en devenir
    vous serez la deuxieme du genre apres celle du LIBERIA

  • Le 17 septembre 2009 à 14:38, par Pharo En réponse à : Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

    Un parti qui n’existe que l’ombre de lui-même avec comme pilier qui est d’ailleurs malade en la personne de Nobert TIENDREBEOGO. vous ferez mieux de rallier l’UNIR/PS avec arme et bagage, la seule force sankariste crédible.

  • Le 18 septembre 2009 à 22:20 En réponse à : Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

    Madame La Vice-Présidente,
    Je suis tellement fier de votre interview que les mots me manquent pour saluer une telle initiative. Au-delà des considérations de chapelle politique, je vous adresse mes vives félicitations pour cette brillante prestation. Vous êtes, incontestablement, une référence politique future au Burkina Faso. Je partage votre avis sur le quota/genre. Les femmes doivent se battre pour arracher leur place naturelle et non pas attendre que le mâl(e) leur taille une quelconque place. A défaut, elle attendront longtemps encore et vous l’avez déjà compris. Grand bravo aussi au mérite de ton mari qui te soutient sans faille. Ce n’est qu’à ce prix-là que vous réussirez à deux pour le grand bonheur du peuple burkinabé. Je vous enverrai un mail privé pour vous congratuler plus en avant. un burkinabè de France.

  • Le 19 septembre 2009 à 13:36, par scofield En réponse à : Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

    Je suis un peu surpris par les propos de cette politiciennne sur les quotas ;on n’a l’impression d’écouter une personne qui ignore les réalités du pays.Combien de filles sont scolarisées au burkina ? combien parviennent à faire des études supérieures ? combien ?
    Les fléaux traditionnels de notre société bloquent la réussite des filles et c’est la raison qui explique le niveau moyen de celles qui réusiissent.
    Il faut le système des quotas,il faut l’imposer pour faire évoluer les mentalités ;il faut que tt le monde trouve que c’est normal qu’une fille occupe des positions et des postes élévés.Il faut que ce ratio 30% evolue au cours de année avenir.
    Lorsqu’il y aura un équilibre entre les filles et les garçons,nous chercherons à accroitre le niveau de filles en meme temps que celui des garçons !
    Concernant les partis sankaristes,je trouve que cette diversité est un frein à l’emergence du sankarisme ;en étant divisé,vous ne gagnerez rien.en plus les électeurs doutent car ,aujourd’hui,je ne sais pas qui est le faux sankariste et qui est le vrai ?
    Obama a été elu pour son travail et son courage,nous en sommes fières et nous saluons cette victoire qui inspirera les générations avenirs ;
    Mais est ce que vous connaissez l’histoire de la race noire au USA ? ce sont des personnes qui se sont battu pour obtenir d’abord ce sysytème de quota puis de travailler sur la qualité des hommes.on n’est pas étonné de voir un amercain noir chef d’entreprise aujourd’hui ;ce qui est totalement différent sur les années 70 et 50.
    Alors notre pays evoluera mais il faut des femmes et hommes politiques refléchis ,murs en terme d’analyse pour accroitre notre democratie

  • Le 21 septembre 2009 à 21:10, par Soutong nooma En réponse à : Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

    Tout d’abord feleicitation Mme la vice-presidente. on voit que pouvez etre un model pour nos cheres soeurs et femmes au BF.
    mais concernant le quota vous auriez pu dire tout simplement que "c’est bien mais c’est pas arrive" au lieu de dire que vous etre contre. quant on connait les realites socio-politique du pays , on doit se rejoiur de voir une femme ministre, depute ou directrice.
    pour terminer sachez que si il n’y avait pas eut de loi favorisant les noirs aux USA pour les fortifier dans leur lutte pour l’egalite raciale les noirs seraient toujours brimes et lynche comme il se faisait au texas. et c’est pas un Obama qui en serait le president.
    pour vous dire qu’il faut considerer que ces 30% constitue deja une victoire et s’en servir comme un tremplin pour en arracher d’autres.
    Best regards

  • Le 21 septembre 2009 à 23:01 En réponse à : Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

    madane vous avez dit haut ce que les femmes disent bas !!! c’est juste y’a 100ans en france la femme n’avait pas le droit de vote !le monde évolue un jour on verra une femme prémier ministre,president de l’assemblé peut etre au burkina mais ça sera parce qu’elle le merite mais c’est une hstoire de quotas qui fera avancer les choses au burkina !!il nous faut des femmes mature politiquement comme vous !!ça manque !!

  • Le 19 février 2015 à 11:49, par Romuald En réponse à : Fatoumata Bancé : « Je suis contre le quota des 30% en faveur des femmes »

    l’amazone des temps modernes. je salue votre courage et engagement

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