LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Crise ivoirienne : Trop de médiateurs tuent la médiation

Publié le vendredi 23 juillet 2004 à 11h22min

PARTAGER :                          

Sommet de la dernière chance, sommet de la réconciliation,
sommet du retour vers la paix... La rencontre du 29 juillet
prochain à Accra(Ghana) sur la crise ivoirienne est censée
aplanir les profondes divisions que traverse le pays depuis le 19
septembre 2002.

Depuis une semaine, le président Laurent
Gbagbo et l’opposition réunie au sein du G7 ont entrepris,
chacun de son côté, une offensive diplomatique sur le continent
afin de rallier le maximum de dirigeants à leur cause.

Pendant
que le chef de l’Etat ivoirien se trouvait au Maroc pour amadouer
l’imprévisible Omar Odimba Bongo qui y passe ses vacances, le
G7 rencontrait à Ouagadougou Blaise Compaoré pour lui
expliquer et surtout tenter de le convaincre de la pertinence de
leur mémorandum de sortie de crise. A l’évidence, chaque camp
essaie d’obtenir les appuis nécessaires avant la rencontre
d’Accra que beaucoup considèrent comme décisive dans la
résolution du conflit qui perdure en Côte d’Ivoire.
Après le cafouillage sciemment entretenu sur la tenue ou non
du sommet à la date indiquée, les choses semblent être
rentrées dans l’ordre. Le sommet aura lieu le 29 juillet, même si
on peut toujours s’attendre à une volte-face dont Laurent
Gbagbo est désormais coutumier.

Le médiateur Bongo, après
avoir menacé de se retirer, en traitant au passage "d’imbéciles"
ceux qui cherchent à coller la gestion de la crise à la seule entité
de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique
de l’Ouest), est revenu à de meilleurs sentiments et tiendra son
rôle à Accra. Mais à côté du président gabonais, qui se prévaut
de la bénédiction de Paris, fourmillent une pléthore d’autres
médiateurs plus ou moins officiels, avec des objectifs parfois
éloignés de la résolution de la crise.

Le président Gnassingbé
Eyadéma du Togo, très proche du président ivoirien, et qui a
essayé sans succès de réconcilier les frères ennemis ivoiriens ,
n’entend pas rester les bras croisés. Engagé dans des
négociations avec l’Union européenne pour la reprise d’une
coopération rompue depuis 1993, le locataire de Lomé II (palais
présidentiel) y trouve là une occasion pour redorer son blason et
détourner les regards sur la crise larvée qui couve dans son
propre pays.
Son homologue ghanéen, hôte du sommet, et président en
exercice de la CEDEAO, obéit à une de ses attributions en
accueillant le sommet.

Toutefois, John Kufuor, dont le mandat
présidentiel est moins brillant, selon plusieurs observateurs,
que celui de son prédécesseur, Jerry Rawlings, entend tirer des
dividendes politiques du sommet, pas forcément en adéquation
avec le drame qui se joue sur les bords de la Lagune Ebrié. En
novembre prochain, Kufuor dont le bilan est jugé mitigé, se
présentera devant les électeurs pour le renouvellement de son
bail présidentiel. Et un succès à Accra pourrait changer quelque
chose. En attendant, il tire d’énormes profits financiers de la
perturbation du marché du café et du cacao.

Quant au médiateur attitré, Omar Bongo considéré comme
"l’homme" de la France, il risque d’abandonner le navire au
moindre soubresaut dans son propre pays ou en Afrique
centrale.
A côté de ces dirigeants, on retrouve l’Organisation des Nations
Unies (ONU) et de l’Union africaine (UA) dont on ne cerne pas
très bien le rôle.

Le représentant spécial du Secrétaire général
de l’ONU en Côte d’Ivoire, Albert Tevoejrè, semble dépassé par
les événements. Le guide de la révolution libyenne, très peu
sollicité, peut jouer à tout moment les trouble-fêtes. Si on ajoute
à ce jeu de cache-cache l’influence que des chefs d’Etat voisins
de la Côte d’Ivoire exercent sur certains protagonistes de la
crise, on comprend alors toute la complexité d’un problème qui,
en réalité, est très simple.

La solution du problème ivoirien ne
se trouve ni à Accra ni à Addis-Abeba encore moins à Libreville.
La résolution de la crise est à puiser dans l’application stricte
des accords de Marcoussis. Quitte à contraindre Gbagbo à le
faire en lui appliquant des sanctions comme le gel de ses
avoirs à l’étranger doublé d’une interdiction de voyage. Des
mesures qu’il serait souhaitable d’élargir à tous les membres
de son clan et surtout aux prétendus "jeunes patriotes" dont les
leaders se prélassent dans les rues de Paris et de Londres.
Sans ces mesures fermes à l’encontre d’un régime qui s’est
toujours montré sourd à tous les appels à la réconciliation, on
se demande bien ce que la rencontre d’Accra pourrait apporter
de nouveau.

L’Union africaine, dont la résolution de la crise lui est en
principe dévolue, est mise à l’écart. Peut-être que le syndicat
des chefs d’Etat craint la trop grande indépendance d’esprit du
président de l’institution, Alpha Omar Konaré. Quoi qu’il en soit,
les résolutions prises à Addis Abéba lors du dernier sommet
des Chefs d’Etat de l’UA n’ont pas été respectées.
Il fallait au parlement ivoirien, avant la rencontre d’Accra, adopter
dix huit textes de loi.

A ce jour, deux seulement l’ont été. Le
ministre de la Justice, excédé, a été obligé de retirer son texte
de loi sur la nationalité tant celui-ci a été vidé de son contenu par
les députés du Front populaire ivoirien (FPI) à la solde du
régime. Dans un contexte où le pouvoir ivoirien ne veut rien
céder, Accra III risque d’être le clone d’Accra I et II. C’est-à-dire
un échec.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique