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CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE AU MALI : Comment faire passer la pilule ?

Publié le mardi 25 août 2009 à 01h27min

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En adoptant, le 3 août dernier, le nouveau Code des personnes et de la famille, les députés maliens mesuraient-ils l’ampleur de l’électrochoc qu’allait créer leur onction ? Toujours est-il que Bamako, la capitale malienne, ainsi que d’autres villes de l’intérieur du Mali, ont connu une ambiance des plus survoltées, le week-end dernier. Solidaires du Haut conseil islamique (HCI) du Mali, l’instance suprême des organisations islamiques du Mali, de nombreux manifestants ont exprimé leur rejet de ce nouveau code que certains leaders religieux ont vite qualifié de code le plus "satanique" du Mali indépendant !

En fait, la horde de mécontents ne pardonne pas aux députés d’avoir adopté ce Code qu’ils jugent en total déphasage avec les valeurs sociétales et les préceptes de l’islam, à travers certaines de ses dispositions. Plus de droits aux femmes, c’est là l’une des nouvelles dispositions du Code, aux allures de pilule amère qu’ils ne voudraient, pour rien au monde, avaler. Reste que l’adoption du nouveau Code des personnes et de la famille est le couronnement d’un processus qui ne date pas d’aujourd’hui. Mieux, son adoption aurait été précédée de larges concertations nationales, de sorte qu’elle puisse refléter toutes les sensibilités religieuses, culturelles, sociales et économiques du Mali.

Si tel est donc le cas, la carte de la communication a-t-elle été jouée à fond, et ce, jusqu’au terme du processus ? Ou faut-il croire que les députés maliens n’ont pas réussi à adopter une méthodologie adéquate qui les mette à l’abri d’une si grande réaction négative ? C’est possible. Tout comme il est possible que certaines dispositions de ce nouveau Code donnent lieu à de mauvaises interprétations qui ne peuvent que susciter cette attitude de consternation et de rejet de la réforme. Pour ce qui est de la disposition relative au "devoir d’obéissance à l’égard de son époux", par exemple, sa suppression et son remplacement par " le respect mutuel que se doivent époux" , doit-elle annoncer la défiance de la femme à l’égard de son époux ? Par ailleurs, "ce devoir d’obéissance" ne sonne-t-il pas comme un anachronisme suggérant une certaine forme d’esclavage ? Et puis, le respect mutuel entre les époux n’englobe-t-il pas tout, pour autant que la femme sache respecter son époux ?

Toujours est-il que si, avec le nouveau Code, l’épouse n’est plus astreinte à une obéissance aveugle à son mari, ce dernier reste malgré tout le chef de famille à qui elle doit respect et vice-versa. Et cela est bon à savoir. En tout état de cause, si ce projet de loi a été adopté, c’est qu’il répondait, quelque part, à un besoin de rénovation et d’adaptation des textes aux réalités du moment. Le monde ainsi qu’il allait hier, n’est certainement pas celui d’aujourd’hui. Soit dit en passant, l’ancien Code des personnes et de la famille du Mali, écrit sous l’impulsion de Modibo Kéïta, date de 1962. Il faut bien convenir qu’il ne cadre pas toujours avec les réalités et les exigences du siècle actuel. Le Mali d’aujourd’hui doit donc accepter d’épouser son temps, même si, bien sûr, cela ne signifie pas balayer d’un revers de main ses valeurs culturelles et traditionnelles. Il faut, pour ce pays, aller de l’avant, comme l’ont, du reste, fait des pays à aussi forte composante musulmane comme le Sénégal !

En tout état de cause, aussi respectueuse des préceptes musulmans soit-elle, la société malienne ne vit pas en vase clos. Comme tel, elle subit l’influence du monde extérieur qui a ses bons et ses mauvais côtés. Elle a donc le devoir de s’adapter. Par ailleurs, le Mali a signé des conventions internationales, ce qui ne l’autorise pas à rester en retrait des avancées sur le plan du respect des droits des personnes, en particulier ceux de la femme et de l’enfant. En outre, même si ce pays est à prédominance musulmane, il reste avant tout un Etat laïc et il apparaît clairement que c’est au nom de ce principe que ce Code a été adopté.

En tous les cas, l’adoption de la nouvelle réforme a été certainement sous-tendue par le besoin d’enrayer des injustices sociales générées par un monde nouveau, et de soigner les nouveaux maux d’une société aujourd’hui en perte de repères. C’est, hélas, la dure réalité dont les contempteurs de la réforme doivent se rendre à l’évidence. Bien sûr, les réformes de ce genre font peur parce que synonymes d’incertitudes. On peut croire cependant que cette réforme a été adoptée de bonne foi par les députés qui n’étaient nullement guidés par le désir de faire "mal".

Que fera, à présent, le président ATT qui voit le sort de la réforme reposer maintenant entre ses mains ? Optera-t-il pour le statut quo ante en maintenant en l’état l’ancien Code plus conforme aux prédictions de l’Islam ? Ou bien promulguera-t-il le nouveau Code quitte à s’attirer davantage les foudres des contempteurs d’une réforme pourtant portée vers plus de démocratie, l’Etat de droit et le progrès de la société malienne ? Le sachant adepte du dialogue et de la concertation, ATT qui sait que les changements de mentalités prennent toujours du temps, écoutera certainement beaucoup avant d’agir. En tout cas, une solution consensuelle s’impose. Elle pourrait passer par une phase de pédagogie autour de cette réforme, et, pourquoi pas, par l’extirpation de quelques articles de ce nouveau Code, pour que la paix sociale soit préservée.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 25 août 2009 à 14:01 En réponse à : CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE AU MALI : Comment faire passer la pilule ?

    Quand on dit en Afrique qu’on ne vit pas en vase clos c’est de l’hyppocrisie. Qu’est-ce que les autres prennent de nous ? Que les Maliens defendent leurs valeurs ce n’est pas parce que les Senegalais ou autre l’ont fait qu’ils doivent le faire.

  • Le 25 août 2009 à 16:42, par Machiavel En réponse à : CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE AU MALI : Comment faire passer la pilule ?

    C’est qui peut faire rire dans ce cas, c’est que ceux qui manifestent sont bien ceux qui n’ont même pas vu le document en question. En réalité, la cause des femmes n’est pas aussi avancée que cela. Mais, ce qui est bon, c’est que ce code respecte des engagements que le Mali a ratifiés et c’est bien sur ce plan que les gens devaient réagir. Quant les députés ont donné mandat au pays de ratifier une convention, il va de soit que vous ne puissiez pas ne pas la respecter lorsque vous faites voter des lois dans votre pays. C’est bien le cas sur l’élimination de toute forme de discriminations envers les femmes. Là où il faut bien faire attention, c’est bien la réaction de nos frères dit musulmans qui, en réalité, se fondent sur des dispositions contraire à la loi musulmane. Quand nous entendons dire que « les enfants naturels » ne peuvent pas hériter au même titre que les enfants nés dans le mariage… c’est à faire rire les Mollâs. Il n’est pas question d’enfant naturel en islam, ce sont les enfants de l’adultère. Par conséquent, ils sont des victimes et les déshériter, comme le veut ces marabouts qui ont célébré leur baptême, c’est bien s’attaquer à des personnes qui réclament justice. Quant au divorce, il ne faut pas aller par quatre chemins, on ne peut pas se marier par consentement mutuel et ne pas se séparer de la même manière. Pourquoi n’ont-ils pas demandé à être marié sans le consentement de la femme ?

  • Le 27 août 2009 à 19:44, par la star En réponse à : CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE AU MALI : Comment faire passer la pilule ?

    le constat est amère !! plus de la moitié des hommes maliens (musulmans de surcroît) ont des enfants nés hors mariage ! cela ne les empêche pas d’aller à la Mecque en toute tranquillité ! ils sont tous mener par le bout du nez par les femmes lorsqu’il s’agit "d’amour", qu’ils arrêtent de nous pomper l’air ! Entre 1962 et 2009 es-ce qu’ils vivent de la même façon ? l’expérience à montrer qu’il est plus facile de divorcer aujourd’hui dans la religion musulmane au mali que partout ailleurs ! la mariage musulman est tellement facile à rompre au mali que les femmes bafouées dans leurs droits sont obligées de se remarier pour avoir le respect de la société comme il se doit. au mali il y a des femmes qui font 07 ou plus de mariages musulmans successivement aujourd’hui ! l’hypocrisie de l’islam quand tu nous tient.
    il faudra une sensibilisation pour leur faire comprendre que le Code des personnes et de la famille ne fait que gonfler leur honneur "orgueilleux" en légalisant tous les péchés commis en cachette qu’ils vont chercher à se faire pardonner à la Mecque !!!
    le Mali d’aujourd’hui vit en 2009, les maliens commettent aujourd’hui tellement de chose interdites par la religion qu’ils n’auraient pas faites en 1962 !!
    Dieu n’est pas là pour tout racheter, il leur faudra un jour ou l’autre voir les choses en face et marcher dans le droit !
    Bravo à ATT en tout cas !!

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