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Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Le Burkina Faso est, aujourd’hui (cela n’a pas toujours été le cas), le pays d’Afrique tout à la fois le plus cool, le plus déterminé et le plus rigoureux que je connaisse. Il n’est pas sans me rappeler la façon d’être de la Tanzanie, au temps du président Julius K. Nyerere, quand j’y préparais mon mémoire de troisième cycle (sur la construction du socialisme dans ce pays !), en 1969-1971. Cette même capacité à ne se déterminer que par rapport à soi-même ; ce même souci de construire quelque chose de durable en prenant en compte les aspirations (pas toujours parfaitement exprimées par ailleurs) des populations.

Parce que la Révolution burkinabè a évolué de façon bien plus pragmatique que la révolution tanzanienne (qui fut, d’abord, une révolution nyereriste), tout laisse penser qu’elle portera bien plus de fruits que sa prestigieuse (mais désespérante) aînée (cf LDD Tanzanie 01 à 03/Vendredi 12, Lundi 15 et Mardi 16 avril 2002).

Je viens de passer une dizaine de jours à Ouaga. Je n’y étais pas retourné depuis février 2003. J’ai pu y constater un changement considérable. J’écrivais alors que le Burkina Faso "tente d’échapper à la prééminence de la question ivoirienne dans la vie politique du pays" (cf LDD Burkina Faso 09lLundi 17 février 2003). C’est chose faite. Ce qui ne signifie pas que la situation créée dans la sous-région par -la rébellion ivoirienne déclenchée en septembre 2002 soit apaisée mais, pour l’essentiel, ses effets collatéraux ne sont plus perceptibles. Ni au plan économique, ni au plan politique.

Laurent Gbagbo, qui se vantait de pouvoir asphyxier le Burkina Faso dès lors que la liaison ferroviaire entre Abidjan et Ouaga serait fermée, s’est lourdement trompé. Les Burkinabè ont été capables de gérer, aussi positivement que possible, tous les aspects de la crise ivoirienne.

Rapatriement d’une partie de la population burkinabè de Côte d’Ivoire, déconcentration des exportations et des importations burkinabè par les ports de Tema, Lomé et Cotonou, redéploiement des investissements des opérateurs économiques du Nord et de l’Extrême-Nord ivoirien au Burkina Faso, etc... Un trait (judiciaire) a été tiré sur la tentative de putsch organisée contre Compaoré (si tant est que pour cette affaire on puisse parler d’organisation). Et Ouaga se prépare à accueillir, d’ici la fin de l’année, quelques manifestations majeures : le Siao bien sûr, mais également le sommet de la Francophonie et, auparavant (8-9 septembre 2004) le sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté, une initiative du président Compaoré.

Ce qui caractérise la classe politique et la société civile burkinabè, c’est leur capacité à être opérationnelles. Ici il y a, comme partout ailleurs en Afrique, des institutions qui composent l’Etat de droit ; ici, par contre, elles fonctionnent et jouent aussi pleinement que possible le rôle qui leur est dévolu. Justice (eh oui, même en ce qui concerne l’affaire Zongo !), droits humains, Conseil supérieur de l’information, etc... ; l’opposition n’est pas une opposition de façade (même si elle a bien du mal, parfois, à trouver le chemin de l’unité) et ses leaders sont, pour l’essentiel, des hommes crédibles et responsables ; la presse et les médias (terre promise des ONG, le Burkina Faso devient également celle des radios et des télévisions privées) font preuve de vitalité sans jamais (durablement) dériver. Bref, comme me le disait Michel Roussin, vice-président du Groupe Bolloré et président du comité Afrique du Medef, brièvement croisé au Sofitel Silmandé : "Le Burkina Faso va plutôt bien".

Ce "va plutôt bien" prend en compte la situation nationale, sous-régionale et internationale du Burkina Faso. Pays enclavé, significativement peuplé, mais ne disposant pas de ressources naturelles exceptionnelles, le Burkina Faso se sort "plutôt bien" d’une situation économique et sociale qui n’est guère privilégiée. Et se trouve en pointe dans le débat sur la place des pays pauvres dans la mondialisation et la défense des intérêts des producteurs de matières premières tropicales (notamment pour le coton). Mais cette offensive sur le terrain d’une plus grande justice en matière de commerce international ne freine pas, pour autant, son ardeur dans l’accès à de meilleurs rendements. La preuve en a été donnée par l’organisation à Ouaga, du 21 au 23 juin 2004, de la conférence sur "l’exploitation de la science et de la technologie pour accroître la productivité en Afrique de l’Ouest".

Participaient à cette conférence les présidents du Ghana (John Kufuor), du Mali (Amadou Toumani Touré) et du Niger (Mamadou Tanja) ainsi que les sous-secrétaires d’Etat américains chargés de l’Agriculture (J.B. Penn) et des Affaires africaines. Cette rencontre a été l’occasion de nourrir le débat (auquel a largement participé l’opposition) sur l’utilisation des OGM et, plus encore, les relations diplomatiques et politiques entre Ouaga et Washington puisque cette conférence était parrainée par le département US de l’Agriculture.

Cette vitalité de l’économie burkinabè a été également affirmée à l’occasion de la XIIème assemblée générale des sociétés d’Etat dont le bilan global est non seulement excédentaire (12 des 15 sociétés ayant présenté leurs états financiers sont bénéficiaires) mais plus encore en progression (les dividendes versés à l’Etat ont augmenté de plus de 37 % de 2002 à 2003).

C’est une satisfaction majeure du président Compaoré. Il m’a reçu longuement (près de quatre heures) ce qui nous a permis de faire un tour complet de ses relations internationales. Mais il se flatte tout particulièrement de constater que son pays ne cesse de progresser, d’une République à l’autre, depuis son indépendance. Avec cette orgueilleuse humilité qui caractérise les Mossi, il entend ainsi affirmer la capacité de son pays à intégrer ses expériences passées pour consolider le présent et construire l’avenir. Il n’a pas tort ! L’histoire politique et culturelle du royaume mossi puis de la Haute-Volta a façonné la personnalité du Burkina Faso !

C’est ce qui explique, également, que le pays a su résister à toutes les actions de déstabilisation qui ont été menées contre lui depuis que son grand partenaire du Sud, la Côte d’Ivoire, est en crise. Une crise qui dure depuis plus de dix ans (il faut rappeler que si la dévaluation du franc CF A a été menée à bien pour le grand profit de la Côte d’Ivoire, il n’en a pas été de même pour le Burkina Faso), l’ivoirité ayant été un cheval de bataille qu’ont enfourché Bédié, Gueï et Gbagbo.

Assassinat de Balla Keïta (voici près de deux ans, ce qui était le signe avant-coureur de l’émergence de la sous-région dans la crise ivoirienne), tentative de putsch du capitaine Ouali, sans compter les mises en cause systématiques et répétées (mais jamais avérées) du Burkina Faso dans les événements de la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 septembre 2002, exclusion et liquidation des "burkinabè" de Côte d’Ivoire, destruction de l’ambassade, etc... sont autant de situations dramatiques qui pèsent sur la société burkinabè dans ses rapports avec Abidjan. Mais sans jamais parvenir à faire perdre la sérénité et la détermination des hommes de Ouaga.

La fermeté est de mise dans les relations sous-régionales (y compris avec Eyadéma qui joue un jeu trouble tant il est vrai que c’est à Lomé que profite la crise ivoirienne) mais il leur faut parfois beaucoup de sang-froid pour ne pas sortir de leurs gonds ! Dans ses relations avec la Côte d’Ivoire, il faut bien reconnaître que le comportement du Burkina (et, plus globalement, des Burkinabè) est exemplaire. Malgré les multiples provocations des séides de Gbagbo. Ce qui est la meilleure contribution à une solution pacifique de la crise.

Une crise qui pèse sur la situation du Burkina Faso. Mais à Ouaga, les responsables politiques n’en font pas un élément déterminant de leur stratégie. Attentifs et responsables vis-à-vis de la situation des Burkinabè de Côte d’Ivoire, ils considèrent que celle-ci est, actuellement, "out of Africa". Ils en ont depuis tiré les conséquences et s’adaptent à la donne qui leur est imposée. Avec plus de détermination et de rigueur que par le passé. Je vais y revenir !

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 29 mai 2005 à 22:51, par yao alexandre En réponse à : > Pour Ouaga, la Côte d’Ivoire est désormais <I>"out of Africa".</I>

    Plaisantéri d’article.Tu es sur que le peuple ivoire vous regarde ?Regarde la suite.

    • Le 6 septembre 2005 à 15:58 En réponse à : > Pour Ouaga, la Côte d’Ivoire est désormais <I>"out of Africa".</I>

      On a vraiment assez de cette histoire de( Ba-bo) le Burkina est un pays des courageux nous savons tous que l’Afrique est à la merci de la mauvaise politique des dirigeants pourris et corompus alors si ba-bo veut garder le pouvoir il faut qu’il soit capable d’unifier toute la cote d’ivoire ;ce là ne sere vraiment rien de rester bloquer dans la ville d’Abidjan pour faire son blabla , de toute façon Guei est parti dans les meme blabla, Vive Burkiina Faso le pays des hommes integre la cote d’ivoire est quelque part jalouse du succès de certains burkinabè sur son sol ,ces burkinabè doivent ce succès qu’ a leur bravour : le gros proleme ivoirien est que l’armée n’est meme pas capable de déloger les rébeles meme si on leur donne l’ordre un pays ou les rébeles tiennent déj à presque la moitié du territoire et son president veut encore faire malin ; Vive la paix en Afrique mais pas avec ba-bo :

  • Le 29 août 2005 à 15:31 En réponse à : > Pour Ouaga, la Côte d’Ivoire est désormais <I>"out of Africa".</I>

    ça c’est votre probléme.

    gardez le calme et observez juste.

    c’est l’arrivée qui compte, on verra comment cette affaire finira.

    Perdez rien pour attendre cers voisins d’en haut. portez vous bien.

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