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Fiscalité : La Direction générale des impôts sort de sa réserve

Publié le vendredi 16 juillet 2004 à 11h20min

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Paténéma Kalmogo

"Prélèvement effectué d’autorité sur les ressources ou les biens des individus ou des collectivités et payé en argent pour subvenir aux dépenses d’intérêt général de l’Etat ou des collectivités locales", voilà comment le dictionnaire définit le mot impôt, du latin impositium, c’est-à-dire "placé sur".

Mais quand bien même on connaîtrait l’importance de l’imposition sur la vie de la cité, tout le monde renâcle à s’en acquitter et tous les moyens sont bons pour passer à travers les mailles du filet fiscal.

Qui plus est dans un pays comme le Burkina "où tout le monde veut être exonéré". Une fois n’est pas coutume, la Direction générale des impôts (DGI), qui n’est pas toujours très communicative, contrairement à la Douane ou au Trésor, sort de sa réserve pour parler, avec une certaine franchise, d’un sujet qui fâche tout le monde : les salariés, les entreprises, les employeurs, les opérateurs économiques et autres investisseurs étrangers.

- L’incivisme fiscal ? "Il est dans notre culture".
- La corruption dans le secteur des impôts ? "Elle est amplifiée".
- Rood Woko ? "C’était un vrai village africain".
- Les syndicats ? "Ils trouvent toujours qu’on n’en fait pas assez". Grand entretien avec le DGI, M. Paténéma Kalmogo, qui nous a reçu une heure durant à son bureau le vendredi 2 juillet dernier.

Comment devient-on DGI ?

• Je voudrais d’abord vous remercier de l’occasion que vous nous donnez de nous exprimer, car ce n’est pas tous les jours que nous recevons des journalistes dans notre maison. Cela dit, on devient DGI par la volonté des autorités. Il n’y a pas de concours pour l’être...

C’est donc un poste politique avant d’être technique ?

• Je ne peux pas dire cela dans la mesure où on ne m’a pas demandé mon appartenance politique quand on me proposait à ce poste. Si c’était plus un poste politique comme vous dites, peut-être même qu’on m’aurait envoyé diriger l’hôpital Yalgado par exemple, car pour les postes politiques le profil n’est pas toujours pris en compte. Moi je suis avant tout inspecteur des impôts.

Qui a cheminé comment avant d’être là où il est aujourd’hui ?

• J’ai fait le concours des contrôleurs des impôts et je suis sorti du centre de formation professionnelle du ministère des Finances en 1980. En 1983, j’ai été admis au concours de recrutement des inspecteurs des impôts, organisé par la DGI de France. J’ai ensuite fait un stage à Clermont-Ferrand à l’issue duquel j’ai obtenu le diplôme d’inspecteur des impôts, et je fais partie de ce corps, où j’ai été intégré quand je suis rentré.

Quelle marque personnelle avez-vous imprimée à la maison depuis votre nomination à sa tête en décembre 2000 ?

• Depuis que je suis arrivé, j’ai essayé de mettre l’accent sur le contrôle parce qu’il m’a semblé que nous avions quelques lacunes à combler de ce côté. Vous aurez d’ailleurs remarqué ces deux ou trois dernières années que beaucoup d’opérateurs économiques se plaignent des contrôles, qu’ils estiment intempestifs.

Contrairement à d’autres services des régies financières, la DGI semble ne pas communiquer beaucoup. Vous avez peur de vous mettre sous la lumière ?

• C’est en effet le reproche qu’on nous fait souvent, mais cette situation a une histoire. Vous savez, mes prédécesseurs ont tenté maintes fois d’établir le contact avec les opérateurs économiques, avec les contribuables. Malheureusement, il est souvent arrivé que les personnes à qui nous voulions nous adresser ne soient pas présentes au moment où on le souhaitait. Il s’est même trouvé des fois où on a dû annuler des rencontres parce qu’on s’est retrouvé seulement entre agents des impôts. Il y a sans doute des explications à cette désaffection des destinataires de nos messages. Ce qui nous revient, c’est que le contribuable ne peut plus avoir l’excuse de l’ignorance dès qu’il vient à ce genre de rencontres. Alors autant être aux abonnés absents. C’est peut-être aussi l’approche qui a manqué et nous sommes en train d’étudier la situation. La semaine de la Direction générale des impôts nous permettra d’ailleurs de diagnostiquer les difficultés de communication.

Grosso modo, quelle est la politique fiscale en vigueur au Burkina ?

• C’est de baisser au maximum la pression fiscale. Ça peut d’ailleurs paraître paradoxal, car dans le même temps les bailleurs de fonds trouvent qu’au Burkina la pression fiscale est faible. Il faut donc qu’on se comprenne. Par rapport à la moyenne de la sous-région, cette pression est faible d’un point de vue macroéconomique, quand on rapporte les recettes fiscales au PIB. Mais pour ce qui est des individus, des opérateurs économiques, elle pèse sur une poignée de contribuables. Nous travaillons de ce fait à alléger le fardeau de cette poignée d’individus, mais à relever cette pression sur l’ensemble des contribuables.

Vous êtes en train de dire qu’on doit s’attendre à une augmentation des impôts ?

• Non. Il s’agit d’abord d’élargir l’assiette en faisant entrer dans le champ d’application de beaucoup d’impôts déjà existants des contribuables qui y échappaient pour diverses raisons. Et en la matière nous avons nos méthodes, qui sont les recensements ou les recoupements des informations fiscales chez ceux qui sont déjà fiscalement déclarés. Il s’agit ensuite de s’intéresser à des secteurs qui ne sont pas encore suffisamment fiscalisés comme l’agriculture, l’élevage, mais qui, pourtant, contribuent pour beaucoup à la formation du PIB.

Vous voulez aller angoisser les paysans dans leurs champs ?

• Non, il ne faudrait pas penser qu’on ira jusqu’aux producteurs. En fait nous voulons fiscaliser les intermédiaires, comme les industries de transformation. Autrement nous n’irons pas jusqu’au bord du champ pour prélever l’impôt.

Vous parliez tantôt d’une poignée de contribuables qui subissent la pression fiscale. De qui s’agit-il ?

• Il s’agit des grosses sociétés. Il y a en effet une centaine d’entreprises qui contribuent pour 80% des recettes fiscales.

Si le taux de l’IUTS a un peu baissé, il représenterait encore pour le travailleur l’équivalent de deux mois de salaire par an. C’est quand même un peu trop non ?

• Je crois que sur ce sujet, des efforts ont été faits ces dernières années par les autorités, dans la mesure où depuis octobre 2002, l’impôt a connu une baisse parce qu’on a admis un rabattement du revenu avant de l’imposer pour tenir compte des charges exposées. Bien sûr, on dira toujours que c’est insignifiant, mais traduit en termes de pertes de recettes fiscales, ça se chiffre à des milliards de francs CFA par an. Il faut d’ailleurs éviter de baisser d’un seul coup un impôt, car si on n’a pas la solution quelque part pour boucher le trou, ça déséquilibre les finances publiques.

Dans le cas d’espèce, où est-ce que l’Etat a repris de la main droite ce qu’il a donné de la gauche ?

• Ça été compensé par les contrôles que nous sommes en train de faire au niveau de la TVA, surtout que, en plus de l’IUTS, dont vous vous préoccupez, l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières a vu son taux passer de 25% à 15%. Nous sommes effectivement en train de remonter en puissance pour ce qui est des recouvrements de cette taxe (la TVA, Ndlr). De 2 milliards avant, nous tournons actuellement autour de 4 milliards par mois.

L’IUTS, semble-t-il, est plus élevé chez les hommes que chez les femmes ?

• Je ne pense pas que les hommes paient plus que les femmes. La loi dit que c’est le couple qui détermine qui des deux conjoints supporte les charges de famille. Si c’est l’homme, il paiera moins l’IUTS ; si c’est la femme, elle paiera moins également. Mais les charges ne seront pas supportées par les deux, car à ce moment l’Etat va perdre. Cela dit, nous avons effectivement des associations féminines qui veulent que ce soient les femmes qui bénéficient des charges de famille.

Mais nous, dans l’administration fiscale, nous n’allons pas nous immiscer dans les affaires intérieures des foyers. D’ailleurs le débat ne va pas souvent jusqu’au bout, car combien de celles qui travaillent participent effectivement aux charges du foyer, acceptent de prélever une partie de leur salaire pour aider le mari ? Ici on parle toujours d’égalité, mais on ne va jamais jusqu’au bout de cette logique égalitaire. On sait comment ça se passe chez ceux que nous imitons. C’est à peine d’ailleurs si certaines femmes, toutes salariées qu’elles sont, ne disent pas à leur mari : "Si tu m’as épousée, c’est que tu es capable ; alors débrouille-toi".

Un autre exemple, c’est l’impôt sur le Bénéfice industriel et commercial (BIC), qui demeure insupportable pour les entreprises même si son taux est passé de 45% à 35% ?

• C’est déjà ça de gagné. Du reste, nous sommes dans la moyenne des pays membres de l’UEMOA et il y a des Etats où c’est 41%. Nous, nous aimerions toujours baisser les impôts, mais il faut que les contribuables jouent leur partition. Qu’est-ce à dire ? Que si tout le monde déclarait, l’assiette s’élargirait et quand bien même on baisserait le taux, on obtiendrait toujours le résultat qu’on veut. Mais si beaucoup de gens ne veulent pas payer... Nous travaillons donc à élargir l’assiette et à la maîtriser par un système moderne d’information. C’est après cela qu’on pourra encore baisser tel ou tel impôt si c’est possible.

Visiblement le secteur informel passe à travers les mailles du filet fiscal ?

• Ici il faut distinguer deux situations. Il y a ce que nous appelons le secteur informel de subsistance, comme nos braves mamans qui vendent des arachides, des mangues au bord de la route. A côté de cela, il y a le secteur informel frauduleux. Pour le premier cas, nous sommes en train de voir dans quelle mesure nous pouvons aider ce secteur à se formaliser au fur et à mesure qu’il prend de l’importance. Mais pour le second cas, il s’agit de le traquer, et des dispositions législatives sont en train d’être prises dans ce sens. En outre, il y a les contrôles que nous effectuons, souvent sur la base de différents recoupements, et qui vont aider à lutter efficacement contre les fraudeurs.

Au fait, quelle est la différence entre un impôt et une taxe ?

• L’impôt, c’est un prélèvement obligatoire qui est exigé des citoyens pour couvrir les charges publiques sans contrepartie apparente. Je dis bien apparente, car chacun sait que quand il n’y a pas d’Etat, il n’y a plus rien, il n’y a plus d’économie, il n’y a plus d’activité et ce ne sont pas les exemples qui manquent hélas ! en Afrique. Dans la taxe par contre, il y a une contrepartie directe. Prenons l’exemple de la taxe routière (remplacée aujourd’hui par le péage) qui existait avant. Quand vous la payiez, c’était la contrepartie pour utiliser le bitume.

Pendant longtemps, c’est la Taxe sur le chiffre d’affaires (TCA) qui était appliquée. Qu’est-ce qu’on a gagné en passant à la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA ) ?

• La différence entre les deux, c’est que la TVA est neutre dans la mesure où elle ne joue pas sur vos prix. Admettons que vous achetiez quelque chose à 1000 francs pour le revendre. Vous payez la TVA, soit 1000 F x 18% = 180. Vous mettez votre marge à 500 F ; vous revendez, vous collectez la TVA sur les 500 F également, soit 500 F x 18% = 90. Si donc vous vendez à 1500 F, vous collectez 180 F +90 F = 270 F CFA de TVA ; vous défalquez les 1000 F que vous payez plus les 180 de TVA que vous avez réglée de l’autre côté. Au finish, vous avez vos 500 francs de bénéfice sur lesquels vous reversez les 90 F qui correspondent à la taxe sur ces 500 francs. C’est donc le consommateur final qui paie la taxe. C’est pourquoi on dit que la TVA joue un rôle neutre dans la structure des prix.

Au-delà de ces calculs alambiqués pour le profane, qu’est-ce que l’Etat a gagné en passant d’un système à l’autre ?

• Comme c’est un impôt de consommation, la TVA rapporte beaucoup plus que la TCA. Sans oublier que c’est un impôt indolore puisque vous le payer sans savoir.

Jusqu’au début des années 90, il y avait d’un côté la Direction des domaines, de l’enregistrement et du timbre, et de l’autre la Direction générale des impôts. Une décennie après la fusion, quel bilan peut-on faire en termes de rendement et d’efficacité ?

• Pour compléter ce que vous venez de dire, il y avait même en plus la Direction du cadastre, et l’actuelle DGI résulte de la fusion des 3 structures. Nous avons gagné en efficacité parce que la mise en commun de moyens modestes fait que nous parvenons à conjuguer nos efforts beaucoup plus efficacement. De même, nous avons affaire aux mêmes contribuables et ça les aide parce qu’ils s’adressent désormais à une seule administration.

On entend souvent parler d’incivisme fiscal. Quelle formes prend-il et quelles en sont les causes ?

• Vous savez, le système fiscal burkinabè est un système déclaratif, c’est-à-dire que c’est le contribuable qui s’adresse à la DGI ou à ses structures décentralisées pour déclarer les opérations qu’il a faites. On calcule alors en fonction des taux et il règle ou il demande un différé de règlement s’il n’a pas immédiatement les moyens. L’incivisme fiscal se manifeste déjà à ce niveau, car si les gens ne viennent pas déclarer, c’est qu’il ne veulent pas payer. Nous avons à ce niveau des taux de défaillance dans les déclarations, qu’elles soient mensuelles, trimestrielles ou annuelles...

De l’ordre de combien ?

• On était souvent arrivé jusqu’à 40%, mais avec nos contrôles et les sanctions, ce taux a fortement baissé. Premier niveau d’incivisme donc : on ne vient pas déclarer. Deuxième niveau : quand bien même on viendrait, on ne déclare pas toujours la réalité des chiffres et on assiste à des dissimulations d’affaires.

Quels sont les secteurs d’activités les plus inciviques ?

• Tous les secteurs d’activités sont en fait concernés par le phénomène et aucun n’y échappe.

Peut-on chiffrer les pertes annuelles dues à l’incivisme fiscal ?

• Aucun pays, à ce jour, n’a jamais pu chiffrer ces pertes. Il y a eu des tentatives, mais y parvenir suppose qu’on connaisse déjà ceux qui devaient déclarer et qui ne l’ont pas fait. Ensuite, quand ceux qui ont déclaré ont dissimulé, il faut faire des contrôles pour savoir ce qui a été dissimulé. De sorte qu’on ne saura jamais le montant des pertes dues à l’incivisme.

Parlons néanmoins du cas particulier de Rood Woko, qui était, semble-t-il, un haut lieu de l’évasion fiscale ?

• Là non plus on ne dispose pas de données chiffrées. Nous avons fait plusieurs tentatives pour recenser les commerçants qui y étaient sans jamais y parvenir.

Pourquoi ?

• Vous savez bien que nous n’étions pas les seules structures à ne pas pouvoir entrer au marché. D’autres personnes qui ont même tenté d’y mettre de l’ordre, parce qu’il y avait une vraie anarchie, n’ont pas réussi. Les allées étaient occupées, on pilait, on faisait la cuisine... C’était un vrai village africain. Il y a eu plusieurs rencontres auxquelles nous avons été associés avec la mairie, la Chambre de commerce, les sapeurs-pompiers, les assureurs, on a tout fait pour sensibiliser les gens ; on n’a pas pu.

En tant que DGI, si on vous demandait de faire des propositions pour vous faciliter la tâche dans la perspective de la réouverture de Rood Woko...

• En fait nous venons d’être invité par le ministre du Commerce, à travers notre ministère, à participer à la commission qui sera chargée de réinstaller les commerçants à Rood Woko. Et nous aurons des propositions concrètes pour que tous ceux qui y seront installés soient sur nos fichiers. Ce sera déjà ça de gagné, car si dès le départ tous sont fichés, le suivi sera facile et nous éviterons ainsi de nous retrouver dans la situation qui prévalait avant l’incendie.

D’une manière générale, quels sont les problèmes que vous rencontrez avec les opérateurs économiques ?

• Nous avons souvent avec eux un dialogue de sourds. On le sait, il n’est agréable à personne de payer l’impôt, car c’est comme si on essayait de vous arracher les poils du nez. Ça fait mal. Mais il faut bien s’y résoudre. Imaginez par exemple que pour l’IUTS, dont vous parliez tantôt, la liberté soit laissée au travailleur de venir se faire imposer après avoir touché son salaire. Combien de personnes, pensez-vous, viendraient poser cet acte de civisme fiscal ? L’incivisme fiscal, en fait, n’est pas lié à la nature de l’activité. C’est une culture de notre société. Je veux bien comprendre les réticences des contribuables, notamment des opérateurs économiques, et il nous appartient de sensibiliser, d’expliquer, de montrer quelle est l’importance de l’impôt et la nécessité de le payer.

Les opérateurs économiques ne sont-ils pas souvent victimes de l’ignorance plutôt que coupables d’un incivisme conscient ?

• Certains oui, mais beaucoup comprennent de plus en plus qu’il faut payer l’impôt, mais ils ne veulent pas le faire. L’ignorance à elle seule ne saurait expliquer cette situation. Il est vrai qu’il y a le poids de l’histoire, l’impôt de capitation sous la colonisation ayant traumatisé les populations et laissé des souvenirs amers ; mais nous sommes maintenant indépendants.

Au-delà de l’impôt, c’est la notion de nation, de collectivité même qui est posée. Regardez dans nos familles, que ce soit en ville ou en campagne. Quand il y a un événement familial, heureux ou malheureux, ou un problème quelconque à résoudre, chacun apporte sa contribution en fonction de ses moyens. Certains vont donner 100 francs, d’autres 100 000 ou même plus et c’est ce devoir de solidarité qui doit être traduit à l’échelle de la nation par le biais de l’impôt.

Si vous deviez développer des arguments pour me convaincre, moi contribuable, de mon intérêt à payer l’impôt, quel discours me tiendriez-vous ?

• Je vous dirais tout simplement, comme indiqué plus haut, que l’impôt est perçu pour couvrir les charges publiques et, quand bien même vous n’en verrez pas la traduction immédiate, il faut savoir que les charges inhérentes à la sécurité, à la défense, à la santé, à l’éducation, aux routes, à l’eau, à l’électrification, etc. sont couvertes par l’impôt. Si vous vous rendez au commissariat de police pour régler un problème et que vous trouvez un policier qui a fait 3 mois sans salaire, il ne vous écoutera pas.

En attendant, ils sont payés, mais ils manquent de tout, parfois même de l’essence pour venir faire un constat ?

• Mais c’est déjà ça de gagné parce qu’il y a des pays, et vous les connaissez, où ils ne sont même pas payés. Nous, nous travaillons à collecter beaucoup plus d’argent pour que non seulement on puisse les payer, mais qu’en plus on les dote de moyens suffisants pour accomplir leur mission. D’où l’intérêt pour chacun de jouer sa partition en payant ce qu’il doit payer.

Si certains renâclent à payer, n’est-ce pas parce qu’ils ne savent pas "où vont nos impôts" ?

• C’est pourquoi ensemble nous devons faire un effort d’explication. Tout le monde sait que pour payer les instituteurs, construire une école, un dispensaire... l’argent ne tombe pas du ciel. Et quand bien même des partenaires au développement voleraient souvent à notre secours, comme l’enseigne une sagesse bien de chez nous, quand on vous rince le dos, il faut que vous aussi fassiez l’effort de vous laver le visage. On ne peut donc pas attendre tout de l’extérieur, car même dans la vie de tous les jours, ceux qui aiment demander restent éternellement dans cette situation.

Il faut de ce fait que nous sortions de ce cercle vicieux qui consiste à toujours tendre la main vers l’extérieur. Il est d’ailleurs bon de savoir que les pays qui nous aident ont souvent une forte pression fiscale qui va quelquefois à plus de 30% des revenus. Bien sûr on nous rétorquera que là-bas il y a une couverture sociale extraordinaire, mais c’est précisément pour cette raison que nous aussi devons contribuer pour qu’on améliore nos conditions de vie.

L’idée selon laquelle vous frappez sans cesse les petits contribuables tout en laissant courir les gros poissons qui ont des bras longs est assez répandue.

• Ce n’est pas tout à fait juste, car ces gros poissons comme vous les appelez se plaignent, eux aussi, qu’ils ont toute la pression fiscale sur les épaules. Vous savez, c’est parce que notre métier nous impose un secret professionnel ; autrement on a des exemples de redressements qui vont chercher dans les centaines de millions, voire des milliards. Mais comme nous ne pouvons pas dire publiquement que telle société, telle personne doivent tant de francs, ceux qui sont petits ont le sentiment que c’est eux qui sont traqués, poursuivis tous les jours. En réalité, nos contrôles s’exercent beaucoup plus sur les secteurs structurés que sur les secteurs non structurés.

Au fait, quelle est la part des impôts dans la formation du budget national ?

• Actuellement, avec le désarmement tarifaire, nous sommes en train de passer au premier rang, avant la Douane, parce qu’au titre de 2004, nous devons recouvrer 183 milliards de franc CFA.

Ça représente quel pourcentage de nos recettes propres ?

• Ça représente un peu plus de 40%.

Pouvez-vous nous dresser un tableau récapitulatif des recettes fiscales de ces 3 dernières années ?

• En 2001, nous avons recouvré 114 milliards (soit 80% de nos prévisions), en 2002, 118 milliards, en 2003, 136 milliards et en 2004, comme je le disais plus haut, les prévisions se chiffrent à 183 milliards.

Pour leur information, quelles sont les sanctions prévues à l’encontre des fraudeurs fiscaux ?

• Il y a les sanctions pécuniaires (amendes, pénalités) et les sanctions pénales (de quelques mois à plusieurs années d’emprisonnement) pour les fautes graves qui s’apparentent à des détournements. Pour les premières, les sanctions sont modulées et elles peuvent aller jusqu’à 200% de pénalités, 200% du montant des droits éludés.

Et il vous est arrivé de frapper aussi fort ?

• Bien sûr, et ça concerne surtout la TVA, qui est récoltée pour être reversée au Trésor, et qu’il arrive que des contribuables prélèvent et en disposent à leur guise. Dans ces situations, la pénalité est de 200% et c’est assez fréquent.

Dans le "top ten" des secteurs les plus corrompus, dressé par le REN-LAC, les impôts arrivent en 9e position. Quel commentaire ?

• Nous n’aurions même pas voulu être dans ce tableau. Cependant, nous avons parcouru avec attention les différents commentaires y relatifs. Vous savez, pour notre malheur, nous travaillons dans un secteur où on parle d’argent et, de ce fait, nous sommes plus exposés que d’autres. Mais on peut être corrompu par autre chose que l’argent. Certains sont corrompus par les charmes d’une femme, d’autres par une idéologie, chacun est donc corrompu à sa façon. Mais la corruption la plus visible est, il est vrai, celle qui touche à l’avoir et c’est pourquoi nous sommes exposés.

Vous avez quand même conscience, au-delà de ces considérations purement théoriques, que votre secteur est miné ?

• Oui, nous en avons conscience, car il ne faut pas se voiler la face. Mais il y a des explications. On ne peut pas dire que le phénomène n’existe pas, mais les proportions qu’on lui attribue méritent d’être revues à la baisse. Prenons l’exemple domanial où, selon le rapport, la fraude est élevée. Soit. Mais on oublie que c’est un secteur où il y a beaucoup d’intermédiaires. Si aujourd’hui vous voulez une parcelle ou si vous avez le terrain et que vous cherchez un document, dès que vous entreprenez les démarches, il y a toujours des intermédiaires pour en faire leur affaire.

Après, ils viennent vous dire de donner telle somme parce que "les agents veulent manger" avant de faire leur boulot, que le patron a dit ceci ou cela... Mais rien ne dit que ce sont ces derniers qui ont réclamé quoi que ce soit. Et parmi les victimes de ces situations malheureuses, je ne suis pas sûr qu’il y en ait eu beaucoup qui ont remis directement l’argent à l’agent ou au patron incriminés. C’est vous dire qu’elles peuvent avoir tout simplement été grugées par les fameux intermédiaires. Qu’on se comprenne bien. Cela ne veut pas dire que j’exonère à bon compte les agents de ce dont on les accuse, mais je dis que le phénomène est amplifié parce qu’il y a beaucoup d’intermédiaires.

L’autre domaine qui a été épinglé, ce sont les contrôles fiscaux. Et là aussi nous sommes victimes d’une situation que nous vivons. Comme nous avons intensifié les contrôles, il y a beaucoup de réclamations des contribuables et nous ne parvenons pas à répondre dans des délais raisonnables à leurs sollicitations. Quelqu’un qui a fait l’objet d’une notification de redressement et donc qui introduit une réclamation ou une demande de remise gracieuse, quand la réponse traîne, l’intéressé peut être amené à penser que c’est une façon subtile de lui suggérer de graisser la patte. Et il se croit obligé de passer par les conseillers occultes, qui disent invariablement "Si tu ne fais pas un geste, ils ne vont pas répondre". On se retrouve donc encore avec des intermédiaires, qui prennent de l’argent sur le dos des agents, ceux-ci n’étant pas souvent au courant de ce qui se trame derrière eux.

N’y a-t-il pas quand même des cas où les contrôleurs prennent des dessous de table pour fermer les yeux sur certaines choses ?

• Cela relèverait d’une certaine ignorance de la part du contribuable que de jouer à ce jeu-là. Car nous sommes dans un système où il y a des dossiers et nous avons connu des situations où, au fil des années, le contribuable n’a pas réglé sa dette fiscale, mais quand il y a eu changement de responsable, celui qui est arrivé lui a tout réclamé et a tout fait payer. Si donc vous corrompez celui qui est venu vous contrôler, vous perdrez finalement, car non seulement vous aurez donné de l’argent à quelqu’un pour rien, mais en plus vous allez payer votre dette fiscale.

Souvent les gens ne font pas de simples calculs, et ça aussi c’est dans la mentalité de nos opérateurs économiques. Quand bien même on leur dirait que le service est gratuit, ils tiendront coûte que coûte à délier les cordons de la bourse pour montrer qu’ils ont acheté le service. Au point qu’ils payent même quelquefois plus que ce qu’ils doivent à l’Etat. Et c’est ridicule.

Cela dit, qu’est-ce que vous faites concrètement pour sortir de ce tableau du REN-LAC où personne ne souhaite être ?

• Pour ce qui concerne par exemple les affaires domaniales, nous avons pris une note de service pour interdire la fréquentation des lieux par les intermédiaires immobiliers. Pour ce qui est de la lenteur dans le traitement des dossiers, nous sommes en train de mettre en place un indicateur de performances au niveau des services. Il donnera la pleine mesure des difficultés qu’on rencontre et nous permettra d’apporter des correctifs là où besoin est. Ainsi, sur les délais de traitement des dossiers, cet indicateur devra dire si c’est le personnel qui est insuffisant, si c’est la formation qui fait défaut, etc. A partir de là on pourra réduire les délais en actionnant là où il faut le faire.

Et si le contribuable sait que pour telle ou telle demande il doit avoir la réponse en tant de jours, je pense qu’il n’aura plus besoin de l’intervention de qui que ce soit pour ’"pousser" son dossier. En plus de ces mesures, quand nous avons des cas avérés, nous sanctionnons. On n’en fait pas une large publicité, il est vrai, et c’est ce qui peut donner d’impression qu’on ne fait rien. Il faut comprendre que ce sont des gens qui, à un moment donné de leur existence, ont eu une faiblesse et ils peuvent se ressaisir par la suite. Mais si dès la première faute commise vous leur faite une mauvaise publicité, vous les condamnez pratiquement sans rémission de peine.

A combien peut-on estimer les pertes dues à la corruption ?

• Là non plus on ne peut pas chiffrer.

De quelles mesures incitatives vos agents bénéficient-ils pour les soustraire à la tentation de la corruption ?

• Déjà comme tout travailleur, nous avons nos salaires. Comme mesure incitative, il y a aussi une prime de rendement au cas où nous dépassons les prévisions de recettes. Le surplus fait dans ce cas l’objet d’un calcul sur la base de taux. Je crois que c’est suffisamment motivant pour que nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes.

Hormis les cas de corruption, il y a également les cas de receveurs qui se volatilisent parfois avec la caisse. Où se trouve lafaille du système pour que cela arrive ?

• On ne peut pas tellement parler de faille parce que le système actuel de contrôle est tel que, en principe, ces choses doivent arriver le moins possible. Au seinde la DGI, nous avons une inspection des services qui effectue des contrôles. Au Trésor, il y a aussi une inspection qui contrôle nos receveurs.Ilya en plusl’inspection des finances,qui peut faire des contrôles. Il y a donc trois structures de contrôle qui veillent au grain sans oublier l’inspection générale d’Etat. Mais quelqu’un qui veut mettre les voiles peut même disparaître avec une journée de recettes. Il n’y a donc pas de recettes miracles sinon de mettre les gens dans les conditions pour leur éviter de succomber à la tentation.

Au fait, quel est l’état de vos rapports avec le syndicat maison, le SNAID, quand on sait que les grèves sont souvent bien suivies par ici ?

• Nous nous entendons bien et on s’est rencontré plusieurs fois pour échanger. Sur beaucoup de points, nous avons la même approche. Eux, ils parlent de leurs militants, qui sont des agents des impôts et qui sont, comme les autres, placés sous mon autorité. Et moi, je parle justement au nom de l’ensemble des agents, dont nous essayons d’améliorer les conditions de vie et de travail.

Il n’y a donc pas de point de désaccord entre vous ?

• A ma connaissance, non.

Tout baigne alors ?

• Baigner c’est trop dire, parce que les syndicats trouvent toujours qu’on n’en fait pas assez, mais ce que je leur répète chaque fois, c’est que moi-même je suis un militant du syndicat, tout directeur général que je suis. Mais ils sont très bien placés pour savoir que les moyens de l’Etat sont limités puisqu’eux savent ce que nous mobilisons comme ressources. Nous sommes donc à l’aise parce que chaque partie connaît les moyens de l’Etat et, sauf à être malhonnête, on ne peut pas demander à l’Etat ce qu’on sait pertinemment qu’il ne peut pas vous donner.

Les autres syndicats peuvent croire que l’argent coule à flots dans le pays, mais ici aux impôts, nous savons tous comment nous mobilisons difficilement l’argent. Toutes les fois donc qu’il y a une doléance que je peux satisfaire, je ne me dérobe pas ; quand je ne peux pas aussi, à l’impossible nul n’est tenu, pas même le directeur général des impôts. Et je le dis franchement. On se tient donc un langage de vérité et tout va pour le mieux.

A ce qu’on dit, vous appliquez parfois ce qu’un député appelle le "délit d’apparence" quand les déclarations d’un contribuable ne sont pas en conformité avec son train de vie.

• Pour nous, tous les moyens pour cerner avec le plus d’exactitude les revenus du contribuable sont bons. Et le train de vie fait partie de ces moyens-là. Si quelqu’un nous déclare des revenus dérisoires alors qu’il mène un grand train de vie, c’est normal pour nous de chercher à savoir d’où il tire ses revenus. Et il nous arrive de tomber sur des cas intéressants.

Et dans ces conditions vous faites quoi ?

• Nous rapportons au revenu et nous imposons. Si vous avez une villa avec antenne parabolique, un tout-terrain dont on connaît la consommation de carburant, si vous payez la scolarité de vos enfants au Canada ou aux Etats-Unis... et vous déclarez 500 000 francs CFA de bénéfice par an, ça pose problème. Et nous vous demanderons de justifier l’origine de ces revenus. Et à moins d’avoir hérité d’un oncle richissime (encore que là il y aurait un impôt de succession avec ses traces), si vous n’arrivez pas à justifier, nous sommes enclin à penser que ce sont des revenus dissimulés, et nous les taxons comme tels.

Vous parliez tantôt du regain de contrôles depuis votre arrivée. A ce jour, quels en sont les résultats tangibles ?

• Je vous disais tantôt que nous avons eu des redressements qui vont chercher dans le milliard pour un seul individu. Notre système nous permet de faire le contrôle des 3 derniers exercices. Malheureusement, nous arrivons parfois à des situations où le rappel de l’impôt est très important, de sorte que l’entreprise fermerait si on l’obligeait à payer. On se trouve alors devant un dilemme et nous sommes seuls juges, car, contrairement à ce qu’on peut penser, les autorités ne nous ont jamais demandé de décharger tel ou tel contribuable.

Alors, faut-il obliger la société à payer coûte que coûte au risque de mettre la clef sous le paillasson et, par la même occasion, de nombreux travailleurs dans la rue ? Nous demandons donc d’abord à ceux qui ont fait les vérifications de faire des propositions d’atténuations parce qu’objectivement, tout le monde voit que sur 3 exercices, si vous devez 2 milliards, vous ne pouvez pas payer. Pourquoi des atténuations ? Parce que même en échelonnant ce n’est pas supportable. En petit comité nous faisons ensuite des propositions d’atténuation à notre ministre parce que nous ne sommes pas habilité à décharger les pénalités ou les impôts à partir d’un certain montant.

Et généralement il nous suit. Et c’est de là que souvent nous reviennent des informations selon lesquelles des grands ont été épinglés, qu’ils devaient payer 3 milliards, mais que finalement ils n’ont déboursé que 200 millions, et patati et patata. On insinue même parfois qu’ils ont acheté le DGI, etc. Et souvent même ces ragots viennent de certains de nos collaborateurs. Mais l’essentiel pour chacun est d’agir en conformité avec sa conscience. Vous savez, on peut sévir sans état d’âme, mais si on devait procéder de la sorte, au minimum 10 grosses entreprises fermeraient boutique chaque année avec pour chacune au moins 200 employés qui seraient jetés dans la rue. Est-on prêt à payer ce prix ?

Au-delà de la beauté architecturale et du confort, quel impact votre nouveau siège aura sur vos prestations ?

• En fait, ce nouvel immeuble avait été conçu pour abriter la division des grandes entreprises du Kadiogo. Et chemin faisant, il est survenu des changements institutionnels à la DGI, qui nous ont amené à créer cette division qui regroupera à Ouaga toutes les grandes entreprises ayant un certain chiffre d’affaires. Mais comme l’immeuble est assez vaste, il va abriter, en plus de cette division, la division des moyennes entreprises du Kadiogo. Ce bâtiment va ainsi accueillir les sociétés qui feront au minimum 98% des recettes fiscales intérieures nationales.

Ce que cet immeuble peut nous apporter, c’est d’abord un cadre moderne de travail parce que nous sommes engagés actuellement dans un vaste chantier d’informatisation de nos procédures et nous avons estimé que nos locaux actuels n’avaient pas les normes requises pour ce faire. Le bâtiment offrira aussi un cadre agréable de travail à nos agents et surtout aux contribuables. Quelqu’un qui vient pour vous donner des milliards et qui vous trouve dans des locaux crasseux peut douter de vous. C’est vrai que l’habit ne fait pas le moine, mais un moine sans l’habit, je ne sais pas ce que ça va donner.

Comme vous parliez de grosses entreprises, il semble que ce sont celles qui ont un C.A. d’au moins 100 millions qui seront domiciliées au nouveau siège

• Ce n’est pas tout à fait cela. Dans l’arrêté organisant la Direction générale des impôts, qui consacre la création de la Division des grandes entreprises, il est dit que le seuil du C.A. sera fixé par note du DG. Parce que l’objectif de cette division est de gérer pour plus d’efficacité un portefeuille de contribuables compris entre 400 et 500 entreprises maximum. Si donc à un moment le C.A. retenu est tel que nous avons 700 entreprises, on remonte ce seuil pour ne pas excéder les cinq cents.

Pour le moment, pour avoir les 400 à 500 entreprises, les opérateurs économiques qui font dans l’achat et la revente (import-export, industriels, etc.) doivent avoir un C.A. d’au moins 500 millions et, pour les prestataires de services, il faut un C.A. d’au moins 100 millions. Dans la sous-région, avec ces seuils, nous devons être derrière la Côte d’Ivoire et le Sénégal, les autres pays qui nous entourent ayant des seuils plus bas.

Dans quelle mesure la DGI peut-elle aider les médias à supporter leurs charges, qui sont, on le sait, trop lourdes ?

• Je crois déjà, si je ne m’abuse, que le papier journal n’est pas taxé. Mais on ne peut que demander aux journaux aussi de contribuer. Nous sommes dans un pays où tout le monde veut être exonéré d’impôts. Cela dit, comme vous faites un métier spécifique, s’il y a des problèmes, il vous appartient de produire un mémorandum dans ce sens et nous sommes prêts à discuter avec les gens pour connaître leurs difficultés et voir ce qui est faisable. Si nous nous retrouvons donc autour d’une table avec un mémorandum, s’il y a des efforts qui peuvent être faits, on verra. Mais il y a déjà une forme de soutien puisque chaque année vous recevez des subventions qui proviennent notamment des recettes fiscales.

Comme tous les services, il vous arrive d’être épinglé par les médias. Si vous aviez une critique à faire à l’endroit des journalistes, quelle serait-elle ?

• Vous savez, la nature est si généreuse que chacun a un don. Certains ont la plume facile, d’autres sont des maîtres de la parole, il en est qui sont forts en investigations ou dans les chiffres, etc. Mais le drame, c’est quand on utilise à outrance son talent, parce qu’il peut finalement nuire, et c’est pourquoi il ne faut pas en abuser, mais l’utiliser avec modération. Il nous arrive de lire des choses nous concernant dans la presse sans avoir jamais été approché à aucun moment. Ou bien on dément ou bien on se tait.

Votre métier est très sensible et c’est pourquoi vous devez faire attention. C’est comme lorsque votre réputation est ternie au marché ; il l’est à jamais, car vous ne pourrez plus faire le porte à porte pour réparer. Il en va de même pour les médias, car c’est la première information qui est d’abord ancrée dans la tête et quels que soient les démentis ultérieurs qu’on peut faire, la tâche demeure indélébile. Or il y a des informations qui peuvent détruire une carrière, un foyer, une vie. Ça peut être sensationnel, ça fait vendre, mais les conséquences peuvent être désastreuses. Il faut donc que vous, journalistes, essayiez d’approcher les gens pour avoir leur version, car on vous utilise souvent pour nuire à autrui.

Tout le monde dit ça, mais ils ne sont pas nombreux ceux qui coopèrent.

• Oui, mais dans ce cas il vous sera loisible de tirer les conclusions que vous voulez si une des parties se refusait à communiquer avec vous. Pour ce qui nous concerne, s’il y a des informations nous concernant, venez nous voir d’abord et dans les limites de ce que nous autorise le secret professionnel, on verra ce qui peut être fait. Si vous tentez et que nous refusons, vous serez en droit de l’écrire, mais ne pas nous poser la moindre question et disserter comme on veut n’est pas juste et n’honore pas les journalistes. Vous savez, nous, nous ne savons pas écrire, mais nous avons d’autres talents et si nous voulons les retourner contre quelqu’un, nous pourrons couler pas mal de gens, y compris des journaux, si nous nous y mettons. Sachons donc raison garder.

En guise de conclusion, quel appel pouvez-vous lancer à l’endroit des contribuables ?

• En guise de conclusion, je demanderai au contribuable de fréquenter le plus possible nos services pour avoir la bonne information, surtout que nous avons pris des mesures pour améliorer l’accueil et nos relations avec les contribuables. Les incompréhensions naissent du fait qu’on ne se fréquente pas. S’il y a des problèmes que vous rencontrez à la base, montez voir les supérieurs hiérarchiques parce qu’il y a des malentendus qui auraient été évités si nous avions été saisis. Mais nous attendons aussi qu’ils nous disent leurs attentes. Nous souhaiterions aussi que la presse s’intéresse à certaines mesures fiscales nouvelles pour nous aider à éclairer le public. Pour terminer, je remercierai l’Observateur Paalga, qui est le premier journal à s’entretenir avec moi depuis ma nomination. Vous êtes le doyen de la presse privé et c’est peut-être normal que ça commence par vous.

Interview réalisé par Ousséni Ilboudo
L’Observateur Paalga

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