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Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

Publié le mercredi 22 juillet 2009 à 11h49min

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Pr Augustin Loada

Dans l’entretien qu’il a accordé à Fasozine.com, Augustin Loada, professeur de droit et directeur du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) se penche sur les caractéristiques du régime parlementaire. Il donne en passant sa position sur la déclaration de Salif Diallo sur cette forme de régime.

Fasozine.com : Dans une récente interview qu’il a accordée à la presse, Salif Diallo a appelé à la dissolution de l’Assemblée nationale et à l’instauration d’un régime parlementaire. Quels sont les caractéristiques majeures de ce type de régime ?

Augustin Loada : Le régime parlementaire est un régime de séparation souple des pouvoirs. Il est caractérisé par trois critères essentiels. D’abord, un chef d’Etat qui n’a pas l’essentiel du pouvoir exécutif, donc qui est irresponsable, au sens juridique du terme. Le pouvoir exécutif est dans les mains d’un Premier ministre. C’est lui qui est responsable devant l’Assemblée nationale, le parlement. Cela suppose un pouvoir bicéphale. Ensuite, un Premier ministre, en tant que chef de l’exécutif, qui rend compte devant l’Assemblée nationale. Enfin, comme troisième critère, le droit de dissolution de l’Assemblée nationale, qui est conféré à l’exécutif, c’est-à-dire au Premier ministre, détenteur de ce pouvoir.

Si on doit choisir une caractéristique décisive du régime parlementaire, c’est le deuxième critère, à savoir que le Premier ministre est responsable devant l’Assemblée nationale. Il renvoie au régime de séparation souple, dans ce sens qu’il y a une sorte d’équilibre dans les rapports entre le Parlement et l’Exécutif. Autant le chef de l’exécutif peut dissoudre l’Assemblée nationale, autant, en vertu du principe de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, l’Assemblée nationale peut renverser le Parlement grâce à deux mécanismes : la question de confiance, qui peut être posée au chef du gouvernement, ou la motion de censure, votée par l’Assemblée nationale.

A la différence, dans le régime présidentiel, la séparation est claire. Il y a le parlement d’un côté, le gouvernement de l’autre. Les deux sont mutuellement irrévocables. Le gouvernement ne peut pas renverser l’exécutif, et l’exécutif ne peut pas dissoudre non plus le parlement.

Quels avantages aurait un pays comme le nôtre en adoptant ce type de régime ?

Je ne crois pas qu’un régime parlementaire puisse être utile pour nous. Il y a beaucoup d’analystes qui pensent que le régime parlementaire a une qualité essentielle, sa souplesse. Il est mieux que le régime présidentiel, qui donne lieu à une séparation beaucoup plus rigide des pouvoirs. L’expérience montre cependant qu’aucun régime parlementaire n’a pu s’imposer en Afrique. Généralement, ce sont des expériences qui ne durent pas. Je ne crois pas que dans le cas du Burkina, cela puisse marcher.

Nous avons déjà essayé cette formule sous la IIe République, et elle n’a pas donné de résultats probants. Je ne crois pas que cela puisse être la panacée actuellement. Cela s’explique par la nature du régime de la IVe République, depuis ses débuts jusqu’à nos jours.

Le régime parlementaire est né en Angleterre. Il fonctionne bien là-bas en raison de la culture de compromis des Anglais. C’est un régime qui peut difficilement s’appliquer en Afrique, compte tenu de la vision que les uns et les autres ont du chef. Cela m’étonnerait que ce bicéphalisme, propre au régime parlementaire - un chef d’Etat qui a un pouvoir honorifique et un chef du gouvernement qui est détenteur du pouvoir exécutif - puisse marcher chez nous. La cohabitation ne se passera pas de façon harmonieuse. Il y a au moins une expérience dans la sous-région, qui montre que ce n’est pas possible. Au Niger, l’expérience de régime parlementaire s’est achevée par un coup d’Etat sanglant, qui a porté Ibrahim Baré Maïnassara au pouvoir. C’est parce que ce bicéphalisme auquel on a assisté au sommet de l’Etat a entraîné une crise. La culture politique des acteurs de l’époque me fait dire que le régime parlementaire ne peut pas marcher au Burkina Faso. Je pense sincèrement que cette question, posée par Salif Diallo, n’est pas la question essentielle. Cette affaire soulève d’autres enjeux, beaucoup plus importants.

Voulez-vous dire que l’arbre cache la forêt ?

En quelque sorte. Il y a notamment la question de savoir si les règles du jeu seront respectées, aussi bien au niveau du CDP qu’au niveau de l’Etat. C’est une question qui se pose à un double niveau. La question de la succession ou de la permanence au pouvoir du président Compaoré. Je vois deux enjeux essentiels. Le premier, je le pose sous forme de questions. Le chef de l’Etat et son entourage vont-ils accepter de respecter les règles du jeu, telles que fixées par l’article 37 de la Constitution ? Ne vont-ils pas modifier les règles du jeu pour que le président Compaoré se représente pour un troisième mandat en 2015 ? C’est une question qui se pose pour tous les démocrates de ce pays. Va-t-on accepter que l’article 37 soit modifié pour que le président Compaoré se représente à la fin des deux mandats que lui autorise la Constitution ?

Le deuxième enjeu est lié au premier. Il tente de résoudre la question de savoir ce qu’il faut faire si le premier enjeu ne marche pas. Cette question se pose au niveau des militants du CDP. Est-ce qu’il faut manipuler les textes, aussi bien à l’externe qu’à l’interne ? Les militants du parti vont-ils accepter qu’un autre candidat, qui a les faveurs de Blaise Compaoré, brigue la magistrature ? Ou alors, vont-ils parvenir, par l’intermédiaire de la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap-BC), à désigner le successeur de Blaise Compaoré, qui prendra les rênes du pouvoir ? Voici autant de questions fondamentales que soulève Salif Diallo.

A l’appui de sa proposition, Salif Diallo évoque la crise généralisée au niveau des institutions du Burkina. Sentez-vous cette crise ?

Le diagnostic du fonctionnement de la démocratie au Burkina Faso a déjà été fait. Nous savons que notre système politique est verrouillé d’avance. C’est un système qui commence à montrer ses limites. Les dirigeants du pouvoir de la IVe République réfutent le constat de malaise, mais cela crève l’œil ! On ne peut pas longtemps se voiler la face. Il y a un malaise dans ce pays, qui est l’illustration du manque de démocratie.
L’une des solutions, c’est de faire des réformes structurales, mais pas dans le sens préconisé par Salif Diallo.

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Vos commentaires

  • Le 22 juillet 2009 à 13:27, par PALIN En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    Je suis du même avis que le professeur LOADA. Je crois que si Salif propose un régime parlementaire c’est pour réserver une sortie honorable au président COMPAORE. Cette proposition ne découle pas d’une étude qui montre que c’est le système qui convient au Burkina.Les réformes ne doivent pas se faire en fonction d’un individu mais en fonction de tout le peuple. C’est la seule manière d’apporter la stabilité et la prospérité à notre pays.

  • Le 22 juillet 2009 à 15:00, par BennyBoy En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    A lire l’explication donnee par Pr. Loada, un regime parlementaire permettrai a Blaise de rester au pouvoir apres 2015.
    Le scenario serait le suivant. En 2015, le Burkina (les hommes du pouvoir) decide d’adopter un regime parlementaire (quand bien meme ils le refusent actuellement). Un proche de Blaise devient le Chef d’Etat, qui dans le regime parlementaire n’a qu’un titre honorifique et Blaise lui meme est nomme ou elu Premier Ministe concervant son controle de l’Executif. Le Parlement bien sure sera en majorite constitue des membres du CDP qui ne broncheront point et accorderont "Feu Vert" au premier ministre Blaise Compaore. Ainsi, sans etre Chef de L’Etat, Blaise Compaore gardera controle des organes de l’Etat.
    Peuple, reveillons-nous !

  • Le 22 juillet 2009 à 15:21, par Nuée En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    Le Pr LOADA a parfaitement raison sur toute la ligne. Je dirais en plus que cette sortie rocanbolesque de salif Diallo cache à peine la lutte de positionnement au sein du CDP. Oui, toutes ces critiques, mises en cause visent une seule personne, Roch Marc Christian KABORE.

    L’homme se positionne de plus en plus comme une alternative crédible à Blaise Compaoré au sein et du CDP et de l’échiquier politique national en raison notamment de ses options pondérées, de sa capacité d’écoute et de son sens élévé de la responsabilité. Il fait donc peur à nombre de personnes qui ont des ambitions présidentielles s’il n’inquiété même pas le grand sachem.

    Alors, toutes les subterfuges sont bonnes pour le destabiliser. Il semble toutefois qu’il comprend le jeu machiavelique et entend jouer sa partition...C’est un combat de titan et tous les coups sont permis...
    Wait and see !

  • Le 22 juillet 2009 à 17:46, par Décourcel En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    Nous pensons que le professeur Loada insulte toute l’intelligence burkinabè.
    En un mot il dit que la classe politique burkinabè est incapable de compromis.
    Ce n’est pas parce que sous la II republique ca n’a pas marché ou encore qu’au niger ca na pas marché qu’au burkina ici c’est un echec d’avance ?
    Comparaison n’est pas raison Monsieur Loada.
    je pense pense que le peuple c’est face à certaines réalités qu’il vit s’engage resolument vers des décisions ou choix historique
    Je pense que tout juste après les indépendances au burkina faso ici un president a été mis en ballotage.
    Est ce que sous Blaise on peut penser à ca ?

  • Le 22 juillet 2009 à 19:15, par Le premier En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    beuh, je suis ravis des avis des uns et des autres sur les propos de Pr Loada. Cela montre réellement à quel point , tous vous porter le pays au coeur de vos préoccupations. moi je dirais personnellement que la démocratie est un acquis qui s’arrache après des sacrifices. cela veut dire que tant qu’on sera dans une instution ou la justice dépendra toujours du gouvernement, on pourra jamais, je dis bien jamais arriver à instauré une stabilité, l’égalité et transparence dans la gestion du pays. Je ne suis pas du milieu juridique, mais la seule chose que je retiens est qu’il faut oser pour pouvoir espérer le changement. si pendant la deuxime republique, le régime parlementaire n’a pas fonctionné, cela ne veut pas dire qu’il en sera de même de notre époque. La France a été pendant longtemps dirigée par les socialistes, mais cela n’as pas empéché le système capitaliste de prendre la relève. Aux Etats unis, y a pas de premier ministre, mais la démocratie règne. Moi je pense qu’avant de penser à changer de régime, assurons l indépendance totale de la justice et de l’armée. Ces deux corps constitueraient un garant indéniable de la démocratie dans notre pays.
    Ce que je trouve dommage dans notre pays, c’est qu’on accorde pas de privillège aux débats politiques. Le peuple a besoin d’être éclairé car la majorité de la population est analphabète.Ces débats doivent etre traduite dans nos langues maternelles pour que celui qui a l’envie de voir les choses avancer puissent savoir se situer. instaurons ce concept , et nous verrons comment les choses vont évoluer.
    Si Salif a proposé l instauration du régime parlementaire, c’est pas un crime n’est ce pas. organisons un colloque et les différents acteurs pourront en discuter ou Salif avancera les raisons qui justifient ses propos. L instauration du regime parlementaire ne se fait pas sans un référendum. C’est le peuple qui choisit comment il desire être gouverné. ça , c’est une évidence.
    je m arrête ainsi et j attends de voir les réactions des uns et des autres.

  • Le 22 juillet 2009 à 19:44, par daniel En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    Juste une question d’éclaicissement : quel est le type de régime qui prévaut au Niger et qui a permis au président tandja de disoudre le parlement ? merci

  • Le 23 juillet 2009 à 10:45, par Hia Han ! En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    Le Pr a résumé les véritables motivations de cette déclaration : la continuité du pouvoir pour blaise et sa succession.

  • Le 24 juillet 2009 à 22:40, par TITONN STAR En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    ecoutez moi je sui un peu perdu dans lecture du 2ieme paragraphe de la premiere question : "....en vertu du principe de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, L’ASSEMBLEE NATIONALE peut renverser le PARLEMENT grâce à deux mécanismes..."
    est ce une erreur de secretaire ou c’est bien ce que le professeur a dit ?
    en plus de cela je rejoins mes compatriotes qui restent sur leur soif car lui meme LOADA nous l’a enseigne a l’ecole de droit qu’on de devait pas s’arreter a critiqer les pensees des autres mais qu’en plus de ca on devait proposer les notres qui a leurs tour devraient etres plus objectives que les premieres.
    mais je vois la une autre verite qui se concretise : "la pratique de la theorie qu’on enseigne n’est pas toujours evidente.

  • Le 27 juillet 2009 à 05:21, par TITONN STAR En réponse à : Pr Augustin LOADA : « Le régime parlementaire ne peut pas fonctionner au Burkina »

    mais qu’estce que j’ai dis de si mal qu’on censure mon commentaire ?
    wow ! ca se voit bien qu’on est en afrique et de surcroit au faso...yep !!!
    " pour ce qu’il savoir s’il vous le permette of course, j’ai juste demande si le professeur avait bien di ce qui est ecrit ds le second paragraphe de la 1ere question, et aussi supporte les freres qui disent etre rester sur leur soif apres l’interview du proffesseur, puis j’ai avancer des arguments pour supporter et voila tout."
    si c’est a cause de ces arguments, mr les publicateurs, vous pouvez le verifier avec le professeur lui meme voir s’il ne nous l’a pas dit.
    si c’est un forum aussi ou on ne doit pas eclairer l’opinion publique, qu’on nous le dise quand meme.

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