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PARRAINAGE ET CAUTION DES PRÉSIDENTIABLES : "Un luxe nuisible pour le Burkina"

Publié le jeudi 16 juillet 2009 à 02h20min

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Toubé Clément Dakio

Toubé Clément Dakio, président de UDD (opposition), ne passe pas par quatre chemins pour dénoncer, dans l’écrit ci-dessous, les nouvelles dispositions du Code électoral instituant le parrainage des candidats à la présidentielle et augmentant la caution qu’ils doivent verser.

Les deux mesures draconiennes (le parrainage des présidentiables et le doublement du cautionnement aux présidentielles) montrent que le pouvoir clanique de Blaise Compaoré est au service des riches. Les mesures qui modifient le code électoral ont été conçues et proposées au vote par les responsables du pouvoir actuel, puis adoptées par l’Assemblée nationale (AN) dominée par ce pouvoir. Il faut dire que les modifications du code électoral comme celles de la Constitution, dans le passé, relèvent des moyens de conservation du pouvoir par le régime politique actuel, empêchant ainsi toute possibilité d’alternance par les urnes.

Nous sommes pour l’alternance au Burkina parce qu’il faut souligner que tout observateur objectif de la vie politique au Faso a pu constater que les élections telles qu’elles ont été chaque fois organisées jusqu’aujourd’hui dans ce pays ne peuvent être gagnées que par le CDP, parti au pouvoir en raison :
 de la corruption systématique des électeurs nécessiteux et de la fraude pratiquée par le CDP ;
 du fait que l’administration, la quasi-totalité des chefs coutumiers, des opérateurs économiques sont politiquement engagés en faveur du pouvoir comme clientèle privilégiée ;
 à vrai dire, il n’est pas objectif de soutenir que les élections sont libres, justes et honnêtes au Faso car elles ne le sont pas. Ces élections permettent à des hommes politiques de se maintenir au pouvoir par la corruption et la fraude sans pour autant qu’il y ait la moindre amélioration des conditions de vie des Burkinabè. Au contraire, leurs conditions de vie se dégradent dramatiquement d’année en année. Il est probable que le "Fassodé" moyen soit plus pauvre aujourd’hui, après plus de 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré qu’au début de ce pouvoir. L’extrême pauvreté de la majorité des électeurs burkinabè les rendant facilement corruptibles, il est vain d’espérer un vote- sanction contre le pouvoir. D’ailleurs la fraude permettrait d’éviter cette éventualité. L’alternance permet de donner au Faso un grand projet qui inclut tous les Burkinabè notamment le monde rural (environ 80% de la population du pays) dont il faut desserrer les contraintes sociales et économiques pour promouvoir le développement industriel à travers la croissance du marché intérieur. Cela suppose des prix rémunérateurs pour les produits ruraux (notamment les céréales).

A cet égard, le projet du pouvoir actuel a entraîné une grave fracture sociale qui a divisé la société en minorité privilégiée (les riches) qui détient la quasi-totalité du revenu national, et en majorité défavorisée (les pauvres) se contentant de la portion congrue du revenu national. Ce projet ne permet pas le développement d’un marché intérieur.

Or en l’absence d’un marché intérieur florissant, l’industrialisation du pays n’est pas possible. D’où le blocage du développement et l’incapacité totale du pouvoir CDP de sortir le Faso de la pauvreté et du sous-développement. Pour revenir aux mesures draconiennes prises par le pouvoir, il est dommage que l’on cherche à les justifier seulement par une simple raison de prestige, sans aucune allusion au problème crucial du développement qui devrait actuellement préoccuper le pouvoir.

Actuellement, le vrai problème du Burkina, le problème important du Burkina, c’est le développement et le sous- développement ; en effet, il est urgent de les combattre, dans un bref délai si l’on veut éviter les émeutes de la faim, la pauvreté, la misère, la faim, l’ignorance, la maladie. Ceux qui ont préconisé le parrainage des présidentiables pensent-ils qu’il efface l’illégitimité d’hommes politiques qui se maintiennent au pouvoir par la corruption et la fraude ? Nous pensons que non.

"Le parrainage, une imitation servile"

Le parrainage des présidentiables est une imitation servile de l’étranger, plaquée au Burkina, pays très pauvre. Cette dépendance culturelle des responsables du pouvoir a des conséquences néfastes sur le développement du Faso.

Pour le Faso, pays classé par la Banque mondiale parmi les vingt-cinq (25) pays les moins avancés (PMA) du monde, le parrainage est un luxe nuisible qui peut freiner le progrès politique, économique et social. C’est pourquoi les partisans des mesures draconiennes ont beau s’égosiller pour essayer de justifier le bien-fondé des mesures draconiennes adoptées par le pouvoir, personne ne leur accorde le moindre crédit. Le responsable du Burkina devrait être plutôt conscient des problèmes du développement et du sous-développement. Il devrait savoir déjouer les stratégies de domination des puissances impérialistes et de celles de l’argent. Il devrait être créatif face aux problèmes de la pauvreté, être intègre, dévoué et déterminé. Il devrait aussi être responsable, c’est-à-dire démissionner s’il ne répond pas aux aspirations du peuple.

En effet, selon les observateurs de la vie politique africaine, les Etats africains manquent pour leur développement de responsables conscients, intègres dévoués et déterminés. Il leur manque des responsables vraiment responsables, c’est-à-dire qui démissionnent s’ils ne sont pas performants, s’ils ne répondent pas aux attentes de leurs peuples. C’est pourquoi il importe que les présidentielles soient largement ouvertes, libres, honnêtes, transparentes et justes au lieu d’être fermées par des mesures draconiennes comme c’est le cas actuellement.

La prétendue pléthore de candidats à la présidentielle de 2005 justifie-t-elle cette fermeture ? Nous ne le croyons pas. Car cette pléthore n’est pas responsable des émeutes de la faim en 2008. C’est bien le pouvoir qui en est responsable. En effet, après plus de 20 ans d’exercice sans partage du pouvoir, il n’a pas su libérer le Faso de la faim en y donnant la priorité à l’agriculture vivrière par rapport aux cultures de rente. Après plus de 20 ans d’exercice du pouvoir sans partage, on croit que le président Blaise Compaoré a donné le meilleur de lui-même pour le pays et qu’il est difficile qu’il fasse mieux à l’avenir.

"Déclin moral de la société"

A cet égard, on peut faire remarquer que depuis plusieurs années, le Faso trône dans les dernières places du classement relatif à l’indice de développement humain durable du PNUD. Cela traduit la lenteur des progrès dans les domaines de la santé et de l’éducation primaire. Ce sont pourtant des services qui conditionnent le développement humain pour l’amélioration des conditions de vie de la population.

Le doublement du cautionnement qui donne à l’argent un rôle central dans le choix des présidentiables et la corruption systématique pratiquée par le CDP lors des élections au Burkina montrent que les dirigeants du pouvoir CDP sont les principaux responsables du déclin moral de la société burkinabè. Les deux mesures drastiques que le pouvoir vient de prendre renforceront l’immobilisme du pouvoir qui maintiendra dans la misère la grande majorité de la population burkinabè tandis que les responsables politiques sont confortablement installés dans la richesse et la consommation opulente. Il y a lieu de reconnaître que la grande majorité défavorisée de la population a déjà payé un lourd tribut à l’incompétence du pouvoir. Il n’est pas acceptable qu’elle continue à souffrir.

C’est pourquoi il revient à tous les Burkinabè conscients, aux étudiants, aux paysans et éleveurs de toutes les régions du pays délaissés par le pouvoir, aux travailleurs des villes, (fonctionnaires, salariés, mécaniciens, taximen, travailleurs du bâtiment) éprouvés par la baisse dramatique de leur pouvoir d’achat, aux jeunes des villes et des campagnes frappés par le chômage de prendre leurs responsabilités pour créer les conditions de l’alternance par les urnes.

Les mesures de parrainage et de doublement du cautionnement pour les présidentielles de 2010 nous paraissent un non-sens au regard de l’objectif de lutte contre la pauvreté et de celui de l’indépendance économique assigné par les pères de l’indépendance du pays.

Ces mesures sont, au Faso, pays très pauvre, hautement constatables. Mais si ces mesures draconiennes contribuaient à promouvoir le bonheur et la prospérité des Burkinabè, tant mieux, sinon la majorité défavorisée de la population, excédée par plus de vingt (20) ans d’injustices, de fausses promesses, de privations de toutes sortes ne saura plus subir davantage et exigera de n’être plus rien dans l’ordre économique du pays. Cela ne va pas toujours sans violence.

Toubé Clément DAKIO Président de l’UDD

Le Pays

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