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Crises universitaires : Le bout du tunnel si loin, si proche

Publié le lundi 13 juillet 2009 à 03h32min

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Mises à rude épreuve par la « grève à durée indéterminée » lancée depuis le 8 avril dernier par le Syndicat autonome des enseignants-chercheurs (Synadec), les universités du Burkina, et particulièrement les universités de Ouaga I et II, ne savent plus à quel saint se vouer. Les différents médecins appelés au chevet de ce grand malade qu’est devenu l’enseignement supérieur public évitent soigneusement de parler d’impasse. Et pourtant, le mal est réel et profond. L’incapacité ou l’impossibilité (c’est selon) de trouver une solution idoine aux derniers soubresauts relatifs au bras de fer entre cette organisation syndicale et le gouvernement n’est-elle pas révélatrice d’un malaise réel et plus profond qu’on essaie de le montrer ?

Le moins que l’on puisse constater, c’est qu’après avoir refusé d’affronter la question de « revalorisation du statut de l’enseignant-chercheur » revendiquée à cor et à cri par le Synadec, le gouvernement a fini par se rendre à l’évidence. La création d’une commission tripartite (gouvernement, syndicats et responsables de la communauté universitaire) est certainement un signe positif à mettre à l’actif des nombreuses négociations et autres médiations.

Les principales revendications s’étant cristallisées sur ce point qui est apparu finalement comme la pierre angulaire du malaise universitaire, les ministres commis à la négociation avec les enseignants ne l’ont pas esquivé plus longtemps. Le ministre Soungalo Ouattara - qui fait office de leader de la délégation universitaire - a même martelé que « Nul ne doit faire reculer ou piétiner cette revalorisation ».
C’était lors de l’installation des membres de la commission dans leur mission. A l’occasion, on a même vu réapparaître le professeur Alfred Traoré, le 1er président de l’Université refondée de 2000 à 2003. La remise en scène de cet universitaire qui a d’abord été recteur de l’Université de Ouagadougou de 1990 à 1995 est peut-être le signe d’un sursaut salvateur de la « vieille garde ». Il a d’ailleurs déclaré le 30 juin dernier que la revalorisation du statut de l’enseignant-chercheur devrait contribuer aussi à « prévenir les crises, donc d’avoir une vision pour notre université...

Je crois que tout le débat va se mener essentiellement autour de ces deux points, à savoir élaborer un statut spécifique et procéder à une anticipation afin que tout le monde sache les problèmes qui se poseront à l’avenir » (Cf. L’Express du Faso n° 2566 du mercredi 1er juillet 2009, p.6). Si ce n’est pas une confession, cela y ressemble fort bien.
En revanche, on déplore le fait qu’aucun représentant du Synadec ne soit présent à la table de cette cogitation autour de la revalorisation du statut de l’enseignant-chercheur. Pour peu qu’on reconnaisse à cette organisation d’avoir été à la base de ces négociations pour s’être jetée à corps perdu dans la bataille pour obtenir la résolution de ce problème qui réconcilie désormais les pouvoirs publics, la communauté universitaire et le monde syndical, il est incongru qu’elle soit exclue ou répondant aux abonnés absents. Selon des sources proches de la commission, le gouvernement aurait invité le bureau du Synadec à se joindre au débat, mais à condition qu’il lève d’abord le mot d’ordre de grève.

Autrement, il serait décidé à poursuivre la revalorisation « avec ou sans le Synadec ».
En lieu et place des membres de ce syndicat, on retrouve plutôt ceux du Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (Sness). Certaines langues fourchues affirment d’ailleurs que ce dernier syndicat serait en voie de disparition parce qu’il est composé d’enseignants à qui il ne reste plus que quelques années avant d’aller à la retraite. Vrai ou faux ? Ce qui est sûr, c’est que le Synadec n’entend pas non plus rester en marge de la marche vers la revalorisation.
Dans la réponse à la lettre d’invitation adressée à leur bureau, le Pr Magloire Somé et ses camarades se disent surpris du fait que les négociations engagées dans le cadre de leur plate-forme revendicative ne sont toujours pas terminées alors que le gouvernement ouvre des discussions sur la revalorisation du statut de l’enseignant-chercheur. Aussi, tout en montrant leur disponibilité à participer à ce processus, ils posent 3 conditions, à savoir :

• la signature d’un protocole d’accord sur les acquis des négociations déjà effectuées avec le gouvernement,
• la levée des sanctions salariales infligées aux militants du Synadec,
• la finalisation des négociations.
En plus de cette ouverture au dialogue, le bureau du Synadec serait également prêt à faire des concessions telles que la finalisation de la discussion sur le statut de l’enseignant-chercheur avec celle de la grille salariale, la réception des 244 des enseignants « au plus tard le 31 décembre 2009 » au lieu de juin 2009 comme initialement prévu, la suspension de la revendication sur l’élection des présidents d’Universités,...
Comme on peut le voir, les deux protagonistes du bras de fer autour des universités semblent consentir, chacun de leur côté, à mettre de l’eau dans leur vin.

En accélérant l’ouverture des discussions sur la revalorisation du statut de l’enseignant-chercheur, le gouvernement fait un pas important en avant. Quoique court-circuité, le Synadec marque néanmoins son ouverture à prendre part à ce débat important pour le salut des universités. Toutefois, il y a encore des efforts à faire de part et d’autre pour dissoudre les suspicions qui jouent contre l’instauration d’un climat de confiance entre les deux parties. Il est évident que des enseignants qui tiraient déjà le diable par la queue ne sauraient supporter qu’on leur coupe drastiquement leurs salaires jusqu’à ce que certains n’aient eu droit qu’à environ 1500 F CFA à la fin du mois de mai passé. A cette situation exceptionnelle, le gouvernement devra peut-être renoncer à cette mesure de coupure de salaires pour fait de grève pour songer plutôt à sauver la sérénité au sein des universités.

Une chose est sûre, si les cours venaient à reprendre comme tout le monde le souhaite, les enseignants seront obligés de rattraper toutes les heures qu’ils ont perdues. Or, si les sanctions salariales sont maintenues, cela voudrait dire qu’ils ne seront pas tenus de mettre les bouchées doubles, puisqu’ils n’ont pas été payés pour ça. Si l’on en croit les hypothèses de sauvetage de l’année universitaire 2008-2009, les enseignants consentiraient à reprendre les chemins des amphis en septembre prochain pour terminer les modules qui n’étaient pas achevés et à programmer les premiers examens pour le mois de novembre et décembre et la 2e session en janvier 2010. On se retrouverait dans le même schéma que cette année avec le début d’une nouvelle année universitaire en février prochain. Encore faut-il qu’on arrête de perdre le peu de temps qui reste.

F. Quophy

Le Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 13 juillet 2009 à 17:24, par Bé HEF En réponse à : Crises universitaires : Le bout du tunnel si loin, si proche

    BONJOUR Monsieur le journaliste ! je n’ai pas bien compris une partie de votre article. En voici un extrait :

    "Une chose est sûre, si les cours venaient à reprendre comme tout le monde le souhaite, les enseignants seront obligés de rattraper toutes les heures qu’ils ont perdues. Or, si les sanctions salariales sont maintenues, cela voudrait dire qu’ils ne seront pas tenus de mettre les bouchées doubles, puisqu’ils n’ont pas été payés pour ça."

    Que voulez-vous dire par "ils n’ont pas été payés pour ça" ? Le "ça" est mis ici pour quoi ? Est-ce à dire qu’un professeur, qui devrait dispenser par exemple 100 heures de cours dans l’année et qui n’a pu effectuer que 40 heures, n’ai pas payé pour terminer les 60 heures restantes après la levée du mot d’ordre de grève ?

    j’espère que je me fais comprendre ?
    Merci.

    • Le 13 juillet 2009 à 19:35, par Féfal En réponse à : Crises universitaires : Le bout du tunnel si loin, si proche

      Si l’on considère que le paiement des 100 heures de cours ne se fait pas, en réalité par mois, il apparaît donc ridicule de couper le salaire mensuel d’un enseignant. Ce d’autant plus que si l’année se prolonge, il est bien obligé de rattraper son cours. Voilà ce que je crois avoir compris de l’article.

      • Le 13 juillet 2009 à 20:42 En réponse à : Crises universitaires : Le bout du tunnel si loin, si proche

        Quelques informations qui, j’espere, pourront contribuer a repondre a vos interrogations.
        Les EC ont 2 fontions : les taches d’enseignement (pedagogiques) et les activités de recherche qui se traduisent par des publications (qui sont d’ailleurs les principaux elements sur lesquel se base le CAMES pour prononcer leur avancement). pour les taches d’enseignement, le volume horaire depend du grade de l’enseignant : un assistant doit donner 175h annuel de cours theorique, un maitre assistant doit a l’université par 150 heures, un maitre de conference doit par an 100 heure et un professeur titulaire doit annuellement 75h. ces heures sont obligatoires, meme si l’enseignant part en mission il doit les rattraper, si ses heures de cours coincident avec un jour ferié il doit le rattraper.
        Or les coupures de salaire ont ete effectuées sur la base de jours de travail non effectué : certains enseignants ont vu leur salaire amputé de 22 jours soit 8heures multiplié par 22jours, ce qui donne 176 heures. en raisonnant en jour de travail, un seul mois equivaux a ce que un EC doit en un an.
        l’erreur des coupeurs des salaires du gouvernement est qu’ils ont traité les EC comme des fonctionnaires ordianires ; en ne prenant pas en consideration les 2 aspects de leur fonction et en raisonnant seulement sur la base du nombre de jour non travaillé, les EC dont les salaires ont ete coupés peuvent refuser d’effectuer des cours jusqu’a la fin de l’année 2009 (la coupure ayant couvert le volume horaire meme des debutants) et le gouvernement, a moins de compter sur des juges acquis, n’y pourra rien et risque meme de se faire rappeler a l’odre si les EC estent.

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