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Pr Jean-Pierre Guingané, directeur du théâtre de la Fraternité : "Jésus était ni chrétien, ni Mohamed musulman"

Publié le lundi 1er juin 2009 à 03h04min

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Le Pr. Jean-Pierre Guingané

Le Pr Jean-Pierre Guingané est le directeur du théâtre de la Fraternité. Il est aussi le metteur en scène de la pièce"Intolérances ravageuses" qui fait l’objet de représentations dans les 45 provinces du Burkina Faso. Au terme du séjour de sa troupe dans le Sud-Ouest, il nous situe sur l’enjeu d’une telle création.

Sidwaya Mag Plus (S.M.P.) : Pourquoi avoir initié une tournée dans les 45 provinces pour la vulgarisation de la pièce, "Intolérances ravageuses" ?

Pr. Jean-Pierre Guingané (J.P.G.) : Les tournées à l’intérieur du pays devraient être systématisées. Nous avons au Burkina Faso une très belle expérience de démocratisation administrative et politique. Dieu merci. Tout se passe bien. Ceux qui ont été acteurs de cette mise en place de la

décentralisation devraient être félicités. Au niveau culturel cependant, nous avons le sentiment qu’on peut le faire pour ce qui est des activités culturelles.
Chaque fois que nous avons la possibilité d’aller dans les provinces, les régions, nous n’hésitons. Pour la présente tournée, nous avons eu le soutien de l’ambassade des USA au Burkina Faso.

S.M.P. : Que recherchez-vous concrètement ?

J.P.G. : Ce que nous recherchons est multiple. Au plan artistique, c’est partager notre expérience avec le maximum de citoyens de notre pays.
Au plan général, nous avons un thème spécifique qui est celui de l’intolérance. Si la réflexion sur ce thème est largement partagée par tous, cela devrait contribuer à renforcer la paix sociale dans notre pays. Je crois d’ailleurs que c’est le devoir de tout citoyen surtout lorsqu’on a la chance d’être artiste et d’avoir d’autres moyens supplémentaires de travail. Il faut, à mon sens, instaurer le débat et le mener partout où l’on peut le faire.

S.M.P. : Comment avez-vous apprécié les quatre (04) représentations qui ont eu lieu dans le Sud-Ouest ?

J.P.G. : Dans la région du Sud-Ouest, tout s’est très bien déroulé. Nous craignions la pluie, mais Dieu merci ! Ce n’est qu’à Gaoua que nous avons été perturbés. A legmoin, Dano et Diébougou, nous n’avons eu aucun problème majeur. Personnellement, je suis satisfait de cette tournée que nous avons menée dans la région du Sud-Ouest. La semaine prochaine (du 27 au 30 mai 2009), nous serons dans la région du Plateau Central (Boussé) et du Yatenga (Yako, Gourcy et Ouahigouya). J’espère bien que les populations de ces localités seront en communion avec nous.

S.M.P. : "Intolérances ravageuses". De quoi s’agit-il au juste ?

J.P.G. : En théâtre, l’on ne peut pas parler d’un thème de manière abstraite. Le théâtre, c’est inscrire une idée abstraite dans un espace donné à travers le jeu des acteurs. Nous sommes partis d’une fable, une histoire qui soutient des idées. La fable renvoie à un jeune homme qui rentre d’un long voyage et informe son alentour qu’il est désormais acquis à une nouvelle religion. Nous nous sommes gardés de préciser de quelle religion s’agit-il. Pour nous, le fait qu’il ait une nouvelle religion n’est pas le problème. Le problème, c’est qu’il a voulu imposer sa religion aux autres en utilisant la force. Alors, quelle que soit la religion, à partir du moment où il y a usage de force, cela devient de l’intolérance. Le choix sur la religion n’est qu’un exemple car quel que soit le domaine, on peut appliquer cette fable : une opinion politique, une opinion sociale, philosophique, etc. Quand on veut imposer une opinion, cela devient mauvais.
Il faut toujours respecter la liberté des autres, procéder par persuasion mais jamais par la force.

C’est le message essentiel que nous voulons faire passer. Nous avons aussi voulu souligner des formes d’intolérances que nous pratiquons parfois sans nous rendre compte : une femme qui est fâchée contre son fils parce qu’il a épousé une fille d’une autre ethnie, les intolérances collectives. Au nom des coutumes, on brûle des cases de pauvres femmes, on les lapide, tout cela sont des exemples d’intolérances. Nous invitons donc les citoyens à éviter tout ce qui peut rendre aigres des gens et les transformer en des éléments dangereux pour la société. La grande morale, c’est la tolérance. L’intolérance, c’est du fanatisme, c’est de la prétention, c’est penser qu’on est seul à avoir raison.

S.M.P. : vous avancez dans le texte que Jésus n’était pas chrétien, ni Mohamed, musulman. Qu’est-ce à dire ?

J.P.G. : Oui, c’est vrai ! Nous avons dit dans le texte de la pièce que Jésus n’était pas chrétien et Mohamed n’était pas musulman. Si nous prenons le cas de Jésus, il est venu parler à l’humanité entière. Il n’a pas dit, vous les chrétiens seulement, écoutez-moi. Il a dit, ceux qui sont méchants sont exclus parce qu’ils n’ont pas compris mon discours. C’est après lui qu’on a fabriqué le christianisme. Pour ceux qui connaissent l’histoire des religions, un des pères de la chretienneté est Saint Paul, lequel n’a pas connu Jésus-Christ et était même armé contre les chrétiens. Saint Paul, en tant que l’un des fondateurs de notre église moderne, n’était pas du tout à l’époque de la vie de Jésus sur terre, un de ses disciplines. En fait, tout cela vise à inciter à la modération. C’est la même chose pour Mohamed. Celui-ci est venu parler à l’humanité entière. C’est après lui que ceux qui croient l’avoir bien compris ont organisé ceux qui croyaient en sa pensée et sont devenus ce que nous appelons aujourd’hui des musulmans. Tout cela doit nous inciter à la tolérance. Cela veut dire que le Christianisme comme l’Islam sont des œuvres humaines. Leur histoire montre qu’ils ont eu des moments forts mais aussi des moments d’erreurs importantes. Toutes les religions bien conduites doivent mener à Dieu. Jésus comme Mohamed se sont tracé une voie pour que les gens accèdent à Dieu.

S.M.P. : Intolérances ravageuses", est-ce la seule création majeure en 2009 du théâtre de la Fraternité ?

Pr. J.P.G. : Nous avons l’intention de créer un autre spectacle pour le FITMO (qui aura lieu en octobre). Chaque année, le théâtre de la Fraternité essaie de créer plusieurs types de pièces. "Intolérances ravageuses" fait partie du théâtre d’invention sociale destiné à sensibiliser les populations. Nous allons avoir par la suite une création de théâtre d’auteur, destiné à la scène classique. "Intolérances ravageuses" va nous occuper le reste de l’année puisqu’à la fin des pluies, nous allons parcourir vingt (20) autres provinces du pays.

Entretien réalisé par Ismaël BICABA (bicabai@yahoo.fr)

Sidwaya

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