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Associations de commerçants : Le cadeau de Simon est-il empoisonné ?

Publié le jeudi 16 avril 2009 à 01h17min

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C’est aujourd’hui, 16 avril 2009, que Rood Woko rouvre ses portes. Des responsables de structures associatives et syndicales des commerçants, que nous avons approchés auparavant, jubilent de pouvoir retrouver enfin leur joyau, après six ans d’errance. Mais, à bien les écouter, derrière l’arbre de la joie se cache une forêt d’appréhensions. Est-ce à dire que sous les cendres, desquelles renaît Rood Woko, couve toujours le feu ?

« Je dote chacune de vos associations de boutiques pour vous mettre en conflit ». Telle aurait été une déclaration du maire Simon Compaoré au cours d’une rencontre. C’est sans doute une boutade qu’il a lancée, mais qui, dans la réalité, générera des problèmes à l’heure du partage. Et que dire des nouvelles conditions d’accès au marché qui seront difficiles d’application ?

Certainement qu’au moment où vous lisez cet article, Rood Woko est en train d’accueillir ses locataires avec la cérémonie officielle de sa réouverture qui a lieu ce matin même. Dans la perspective de cet évènement, nous avons approché des responsables d’associations et de syndicats des commerçants qui ont accepté de nous livrer leurs sentiments. Notre premier interlocuteur, Dieudonné Zongo, le président du Syndicat national des petits commerçants (SYNAPETCOM), affilié à l’Organisation nationale des syndicats libres (ONSL).

« Le 16 avril, le ciel, qui s’était assombri sur la capitale, depuis l’incendie de Rood Woko, va s’éclaircir de nouveau ». C’est en ces termes que le sexagénaire a exulté, avant de nous rappeler qu’au départ la réouverture du grand marché aux commerçants, après sa réhabilitation, n’était pas aussi évidente. Le dossier était devenu, selon lui, « comme une fourmi noire sur une pierre noire dans une chambre noire ».

Il se réjouit qu’enfin, au terme de six ans de lutte, parfois marquée de crocs-en-jambe, les commerçants puissent regagner Rood Woko. Ce n’est pas la fin de leur calvaire, pense-t-il, mais l’essentiel était l’aboutissement de la réouverture du marché ; confrontés qu’ils sont à d’autres difficultés, notamment celles liées à l’attribution des boutiques.

Mais, reconnaît-il, ces problèmes demeureront toujours, car même si on lotit tout le pays pour des marchés, il y aura toujours des insatisfaits. Des mesures pour la sécurité de Rood Woko, de ses occupants et de l’ensemble de ses usagers, le SYNAPETCOM, selon lui, est prêt à œuvrer avec la commune pour éviter la pagaille qui a été l’origine du drame le 27 mai 2003.

Cependant, il faut, souhaite Dieudonné Zongo, que les policiers ne fassent pas trop usage de leurs matraques au risque de refouler la clientèle. Car, rien ne servira la beauté du marché si les commerçants ne parviennent pas à faire de bonnes affaires pour se nourrir et honorer les différentes taxes.

Aux militants, dont la plupart étaient en situation irrégulière et qui n’auraient pas été satisfaits dans le partage des boutiques, le SYNAPETCOM les assure que les négociations se poursuivront après la réouverture. Il appelle toutefois le maire, Simon Compaoré, à privilégier le dialogue dans la gestion de ces cas au lieu d’initier, à l’improviste, le ramassage de leurs marchandises ; souvent sans la moindre précaution pour éviter la détérioration des biens.

Par ailleurs, Dieudonné Zongo a dit ne pas approuver le délogement des gens d’endroits où ils gagnent leur vie, depuis des décennies, pour des parkings. Quant aux barrières, à l’en croire, il n’en a jamais vu dans des marchés de beaucoup de pays qu’il a visités. S’agissant des tarifs des boutiques, il n’est pas sûr que les commerçants puissent les supporter.

Nombre d’entre eux sont certes pressés d’intégrer le marché, sans se rendre compte qu’ils pourraient en ressortir comme ils sont rentrés. Ce, à cause non seulement de la hausse du loyer des différentes boutiques, mais également de la présence des hommes de tenue qui pourraient dissuader certains clients, notamment ceux issus des campagnes. Mais, il n’y avait pas d’autre choix, selon lui, que de leur laisser vivre l’expérience.

Pour ce qui est des conditions d’occupation des emplacements au marché, El hadj Dramane T. Kaboré de l’Organisation syndicale des commerçants du Burkina (OSCB), affiliée à l’ONSL, Mahamadou Sanfo de l’ONACOM et Issa Koanda de l’association Béo-neré, se gardent de tout commentaire. Pour eux, du moment que tout est déjà écrit, ils préfèrent attendre de rentrer et de voir comment se passera la mise en œuvre.

Ces structures estiment avoir joué leur partition, même si elles n’ont pas été impliquées dans les négociations en vue de la réinstallation des commerçants. Elles disent avoir toujours fait des propositions sur toutes les préoccupations de la corporation, mais celles-ci n’ont pas changé grand-chose dans la position de la commission mise en place à cet effet.

Tel est, par exemple, le point relatif aux tarifs des emplacements sur lesquels elles ont suggéré une majoration de 35% sur les anciens prix pour se retrouver, contre toute attente, à environ 90% d’augmentation. Notre interlocuteur de l’ONACOMB est convaincu qu’il faut du temps aux commerçants pour pouvoir supporter les coûts actuels de loyers.

Etant donné que les affaires ne marcheront pas aussitôt rentrés dans le marché, il aurait fallu au départ, selon lui, une sorte de sursis avec des conditions souples sur une période d’environ six mois, avant de revoir à la hausse les prix des boutiques.

S’agissant des barrières érigées aux entrées du marché, Seydou Zangré, le président de l’Association Jeunesse du secteur informel (AJSI), qui regroupe plus de 2000 installés anarchiques, est du même avis que Dieudonné Zongo du SYNAPETCOM. Pour lui, les responsables des organisations des commerçants doivent s’engager à être les premiers policiers de Rood Woko. Notamment, en sensibilisant leurs militants au respect du règlement intérieur du marché.

Son association, nous a-t-il dit, a déjà mené des campagnes de formation et d’information de ses membres sur le contenu du cahier des charges. Rood Woko ne pouvant plus admettre des installations anarchiques, l’association a informé ses militants de la possibilité de se recaser dans les marchés périphériques où environ 900 places sont disponibles.
« Des boutiques pour vous mettre en conflit »

Le maire de la commune, Simon Compaoré, a fait don de boutiques à des associations et syndicats de commerçants. « Je vais doter chaque association de boutiques pour vous mettre en conflit », c’est, soutiennent les responsables des organisations que nous avons rencontrés, la déclaration verbale que l’édile de Ouagadougou leur aurait lancée, d’un air espiègle, au cours d’une rencontre.

A en croire les chiffres qu’ils nous ont communiqués, deux organisations ont été dotées chacune de 50 boutiques, 35 à deux structures féminines chacune, 27 à six autres associations chacune, 22 à l’AJSI et enfin 10 boutiques à deux autres chacune. Pourquoi et sur quels critères Simon Compaoré a-t-il fait ce don ?

Seul le donateur connaît les raisons et les critères de son geste, ont indiqué les bénéficiaires. Toujours est-il que non content de l’inégalité dans la répartition des boutiques, d’autres associations n’en ont rien eu. C’est le cas par exemple de l’association Béo-néré qui avoue ne rien comprendre dans la distribution de Simon. Son président, Issa Koanda, dit attendre de voir la suite.

Déjà, certaines associations se demandent comment faire le partage des boutiques sans faire des mécontents. Avec 22 emplacements pour un total de 300 membres actifs, l’AJSI, elle, a mis en place une commission à cet effet.

La distribution, selon son président Seydou Zangré, sera faite en fonction d’un certain nombre de critères : avoir été recensé installé anarchique à Rood Woko, être à jour du paiement de sa taxe de 250 FCFA par jour à la Chambre de commerce, participer activement aux activités de l’association.

Il estime qu’il n’y aura pas de bagarre à leur niveau, car le premier critère a déjà permis de sélectionner 50 personnes. De son point de vue, même ceux qui n’auront pas été bénéficiaires sauront les raisons et, par conséquent, ne se plaindront pas.

Au niveau de l’OSCB, El hadj Kaboré Dramane nous a confié que le partage a été déjà fait sans querelles. Lui-même installé anarchique en est attributaire. Dans la répartition, 7 boutiques ont été octroyées aux personnes âgées, 3 à des personnes qui appuient l’association, 3 aux femmes et enfin 14 aux jeunes. A l’ONACOMB (10 boutiques), on préfère attendre, car, selon son secrétaire national adjoint, Mahamadou Sanfo, la promesse est verbale sans les références des emplacements donnés.

Au SYNAPETCOM (27 boutiques), le président Dieudonné Zoungrana se soucie du sort des oubliés comme l’association Béo-neré, à laquelle on pense devoir donner quelques boutiques. L’essentiel pour M. Zongo, c’est d’éviter de tomber dans le piège que Simon Compaoré leur a tendu.

A ce sujet, il compte sur la maturité des différentes organisations des commerçants pour ne pas se laisser diviser par le cadeau du maire. Des gens, nous a-t-il confié tout en se gardant de citer des noms, seraient tentés de décliner l’offre communale.

Hamidou Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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