LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Pénurie de mélange : Les stations d’essence en panne sèche

Publié le jeudi 19 mars 2009 à 00h39min

PARTAGER :                          

En fin d’année 2008, le gouvernement burkinabè et les organisations syndicales ont mené deux longues semaines de négociations autour d’une plate-forme revendicative qui comprenait, entre autres, une augmentation de salaire et une baisse des prix des hydrocarbures. Sur ce dernier point, le communiqué final, qui a sanctionné la fin des des discussions entre les deux parties le 17 décembre, a annoncé la baisse du coût de l’essence à la pompe notamment 30 F sur le litre de super et 10 FCFA sur le mélange. Ce qui était loin de combler les attentes du monde des travailleurs qui demandaient une réduction de 150 FCFA, vu que le prix du baril était au plus bas sur le marché mondial. Pendant que les consommateurs ruminent leur colère, un autre fait vient d’aggraver la situation.

Depuis plusieurs mois en effet, le mélange se fait rare dans les stations, surtout dans les trois plus grandes sociétés de vente d’hydrocarbures : Total, Shell et Petrofa. Si le produit n’est pas totalement absent dans les cuves de bon nombre de stations, c’est le mélange (6%) qui est servi. Ce qui n’est pas sans risque sur les cylindres des motos rodés avec un pourcentage de mélange plus élévé. Nous avons voulu comprendre le phénomène même si dans ce milieu, le silence, pour ne pas dire l’omerta, semble être la règle d’or. "Le sujet est délicat", nous a-t-on dit au ministère du Commerce pour éviter d’évoquer la question.

Mercredi 11 mars 2009. Il est 7h 15 mn à Zogona, secteur 13 de Ouagadougou. Quelques dizaines de personnes attendent de se faire servir du mélange "8%" à la station SKI (Sanem Koom International) de l’université. Pendant ce temps, les clients ne se bousculent pas devant les pompes du super 91.

La raison est toute simple : dans cette zone, les stations des principales sociétés de distribution des hydrocarbures dans notre pays notamment Total, Shell et Petrofa ne disposent plus de ce produit. Un élève du Cours ATI, las d’attendre avec sa maman sur une mobylette P50, indique la pompe du super et joue au plus intelligent : "Maman, allons nous servir de l’autre côté, il n’y a personne là-bas ; nous attendons ici depuis si longtemps", dit-il d’un air soucieux, et visiblement inquiet d’arriver en retard à l’école. Touchés, heureusement, par ce geste du gamin, les clients demandent unanimement à sa mère de se faire servir avant eux.

Plus loin, sur l’avenue Babanguida, Abdou Nikièma, sur sa moto "L2", est surpris par une panne sèche au rond-point près de la clinique Sandof. Mais cet infirmier ne se fait pas trop de soucis car la solution est dans sa poche, avec une station Shell à peine à 100 m. Comme il s’attendait plus ou moins au manque de carburant dans sa monture, il s’arrêta et héla de loin un pompiste.

Ce dernier lui fit signe de la main qu’il peut continuer car point de mélange. Et c’est parti pour plus de 1000 m à pied, le sac en bandoulière, les mains sur le guidon. A la station du même nom près de Karnold, le client redouble de cadence. Sur le mélangeur de cette station est affiché "en panne" tout simplement. C’est finalement au croisement entre l’avenue Babanguida et l’avenue Charles-de-Gaulle qu’il trouva le précieux jus à la station Total.

Mais quel mélange ? Du 6% au lieu des 8% que sa moto a l’habitude de consommer. Ereinté de pousser indéfiniment son "char", le chaland se fit servir et nous confia son désarroi avant de continuer sa route : "J’ai manqué beaucoup de rendez-vous au cours de ce mois à cause de la pénurie de l’essence ; c’est incompréhensible au moment où le prix du baril est en chute libre, le gouvernement doit se pencher sérieusement et dans un bref délai là-dessus".

Très loin des avenues sus-citées, le problème est le même. Au carrefour de l’avenue de la Cathédrale et celle de Bassawarga, seul le mélange 6% est disponible. Omar Omé qui n’y a pas trouvé son compte souffle dans le réservoir de sa moto en pestant : "Je ne mettrai pas le 6% pour foutre ma moto en l’air. Je préfère la pousser".

Grégoire Sorogane, employé au Groupe O’Bouf, avec un peu de jus dans son engin, se résout à prendre un peu du "6%". "J’ai juste fait un petit mélange espérant arriver à bon port", nous dit-il avant de donner un coup de pied au démarreur de sa Yamaha.
Un capuchon d’huile à 175 FCFA

Pour mieux apprécier la galère des consommateurs, écoutons ce témoignage d’Hamidou Ouédraogo : "J’avais un peu d’essence dans le réservoir de ma Yamaha, je suis donc parti à la station Total à côté de la Cathédrale pour me servir. Malheureusement, je n’y ai pas trouvé du mélange. J’ai mis le cap sur la station à côté du pont Kadiogo, peine perdue. J’ai continué à la station Shell non loin de l’Ecole nationale de la police, même scénario. J’ai pris la direction de la station Shell au stade du 4-Août et à 200 m, je tombe en panne sèche. C’est donc tout en sueur que j’arrive à ladite station pour m’entendre dire qu’il n’y a pas de mélange. Il fallait trouver absolument une solution car je ne me voyais pas poussant mon engin jusqu’à Nonsin. C’est alors qu’on m’a proposé de prendre un capuchon d’huile à 175 F que j’ai mélangée avec l’essence super. Ce qui m’énerve, c’est que les gérants de stations ne disent pas la vérité ; partout ils affichent que les mélangeurs sont en panne et l’Etat non plus ne dit rien".

Certains consommateurs ont dû se résoudre à changer de bécane. Est de ceux-là, notre confrère Kader Traoré qui, depuis 1997, était resté fidèle à sa moto de marque "Ninja". Avant cette situation, il faisait le plein de son engin par semaine mais "depuis le mois de février, nous explique-t-il, je n’arrive pas à avoir de l’essence dans les grandes stations alors que je suis exigeant en matière de qualité pour maintenir ma moto en bon état. N’ayant pas de solution, j’ai déposé mon engin pour enfourcher un autre. Les gérants des stations doivent avoir une explication crédible mais ils doivent aussi se soucier de leurs clients".
Un silence méprisant

Paradoxalement, dans les stations de moindre envergure que celles déjà citées, notamment SKI, SOGEL-B, OTAM, Exel, Oilibya et nous en oublions, le 8% est disponible avec naturellement une clientèle qui croît de façon exponentielle. Comme l’a relevé un de nos interlocuteurs, la déception des gens est d’autant plus grande que personne n’a donné jusque-là la moindre explication, pas en tout cas à notre connaissance, sur la situation. Ministère du Commerce, ligue des consommateurs, sociétés de distribution des hydrocarbures, gérants de station... chez tout le monde, c’est le silence radio.

"Il faut voir au siège, le problème nous dépasse", "nous sommes en discussion avec le gouvernement, on ne peut pas encore parler". Ce sont entre autres ces fins de non-recevoir que nous avons essuyées de la part de ces derniers cités à chaque fois que nous avons voulu un peu d’éclairage. Qu’à cela ne tienne, un employé d’une station nous a confié qu’actuellement, le fût d’huile va chercher dans les 236 000 FCFA alors qu’avant il était à 142 500 FCFA.

Pendant ce temps, le litre du super 91 coûte 665 FCFA et le mélange 655 alors qu’il faut ajouter au super de l’huile pour avoir le mélange. L’Etat, semble-t-il, subventionne le manque à gagner mais traînerait les pieds dans le règlement. Les gérants de station ont une structure syndicale mais jusque-là, elle n’a pas pipé mot sur le sujet.

Un des responsables que nous avons contacté nous a annoncé l’imminence d’une conférence de presse pour éclairer l’opinion. Selon lui, certaines stations qui vendent toujours le mélange ne sont pas soucieuses de la qualité. "Continuez à vous y approvisionner, vous allez bloquer vos moteurs dans quelque temps", nous a-t-il lancé lorsque nous nous sommes étonné de voir les grandes stations en rupture de jus.

Ce dernier a promis de contacter le président de leur syndicat pour mieux nous informer mais rien n’y fit. Son accusation sera balayée du revers de la main par le gérant de la station SKI de l’université de Ouagadougou, André Yaméogo. "Tous les produits viennent de Bingo (NDLR : dépôt de la SONABHY). Comment peut-on mettre en doute la qualité de l’essence que nous vendons ? Voici mes papiers (NDLR : il nous montre un document), je viens d’enlever des produits hier soir à Bingo. Nous avons un contrat avec notre société qui nous exige de vendre le mélange. On ne peut pas se soustraire à cette obligation ; nous attendons impatiemment que l’Etat intervienne pour me permettre d’exercer sans perdre ; les consommateurs souffrent énormément, certains quittent jusqu’à la Patte-d’oie pour venir se servir ici", a-t-il dit souligné.

Des directions de Total à Shell en passant par Petrofa, c’est la loi du silence qui s’impose, personne n’a voulu se prononcer pas même le ministère du Commerce où l’argument qu’on a servi pour ne pas évoquer la question est : "le sujet est délicat"".

Mais de quelle délicatesse parle-t-on ? Ce qui est rageant, c’est que ce sont les mêmes, aujourd’hui muets comme des tombes, qui vont se fendre après de droits de réponse sur le thème "vous auriez dû venir à la source...".

En attendant donc que le gouvernement se décide d’apporter des éclairages et des solutions idoines, ce sont nos engins qui sont menacés de blocage avec des pourcentages de mélange en deçà de celui utilisé d’ordinaire. Pourvu seulement que ce problème du mélange ne débouche pas sur une situation autrement plus grave quant à l’approvisionnement même du pays en hydrocarbures.

Abdou Karim Sawadogo et Adama Ouédraogo dit Damiss

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 19 mars 2009 à 16:01, par Yenpabou En réponse à : Pénurie de mélange : Les stations d’essence en panne sèche

    quel effort de rédaction !!! félicitations Abdou Karim et Adama pour cet article que j’apprécie bien au regard de la qualité de recherche et d’analyse. Très domage pour cette situattion, et vivement qu’elle se résolve vite !
    Aussi que les uns et autres aient le courage d’assumer leurs responsabilités au lieu de chercher des faux fuyants.
    Dieu bénisse le Burkina !

  • Le 19 mars 2009 à 18:00, par En Danger En réponse à : Pénurie de mélange : Les stations d’essence en panne sèche

    Je relève juste ce passage de l’ignare inconscient du responsable qui ose prononcer : "Continuez à vous y approvisionner, vous allez bloquer vos moteurs dans quelque temps". En voici un des inconscients les plus immérités de notre Burkina. J’aurai préféré l’analyse d’un homme de la rue que d’un fistre Responsable. Désolé pour le ton utilisé mais s’en ai de trop. Le peuple doit se faire entendre. Il faut qu’on nous entend.

  • Le 19 mars 2009 à 18:25, par SAWO En réponse à : Pénurie de mélange : Les stations d’essence en panne sèche

    décidément le consommateur burkina be n’a pas de droit même l’information.
    JE M’en veux aux différents structures qui disent défendre les consommateurs.
    Comment on peut constater la vente d’un produit de mauvaise qualité et ne rien dire .
    La ligue des consommateurs devrait demander le retrait d’un tel produit sur le marcher et c’est location de mobiliser les consommateurs pour une cause juste
    AU gouvernement je demande du respect pour le peuple il faut informer a temps les consommateurs
    IL ne faut pas attendre que les gens soient dans la rue avant de chercher les explications.
    Quand il s’agit de chercher des voies on sait ou trouver les citoyens et apres les élections on devient des sujets.
    dans la vie rien ne s’acquiert sans lutte.

  • Le 20 mars 2009 à 22:54 En réponse à : Pénurie de mélange : Les stations d’essence en panne sèche

    bandes d’amateur continuer a sansurer les message des gens vous seriz sansurer le dernier fuck

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)