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BERNARD KOUCHNER : Un humanitaire pas si désintéressé

Publié le vendredi 6 février 2009 à 00h13min

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Le French doctor, humanitaire devant l’Eternel et inventeur du droit d’ingérence, a-t-il été ébloui par l’éclat des ors de la république ? A en croire les compte-rendus de lecture faits du nouveau livre du journaliste Pierre Péan, c’est à croire que Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères français, a flirté avec le mal. Il est en effet ressorti dans "Le monde selon K.", que Bernard Kouchner a négocié des contrats juteux de consultant avec les présidents congolais et gabonais, dont la dernière facture a été réglée récemment. Conclusion du journaliste : il y a conflit d’intérêts. En clair, le ministre traite d’affaires privées qui peuvent avoir des répercussions sur la diplomatie française.

Péan justifie ce télescopage d’intérêts par le limogeage brutal de Jean-Marie Bockel du secrétariat d’Etat à la Coopération, lui qui avait eu le culot de pourfendre la Françafrique dont on sait qu’Omar Bongo Ondimba est l’un des piliers. Cette affaire pose le problème de l’éthique chez un homme politique, à savoir comment concilier ses activités lucratives privées avec les responsabilités qu’il assume au niveau de l’Etat. Ici, il s’agit de surcroît d’un ministère stratégique et de souveraineté, en l’occurence les Affaires étrangères.

Tout ministre d’un pays développé qu’il est, Bernard Kouchner, peut-il affirmer une indépendance totale dans ses rapports avec Bongo, son client ? Bien qu’il réfute le caractère immoral de ses contrats et les juge totalement légaux, Bernard Kouchner ne doit pas moins être embarrassé par le livre de Pierre Péan. Lui qui a bâti sa réputation sur le bénévolat, la justice et la solidarité, est présenté sous le visage d’un homme d’affaires vendant à prix d’or ses services à des présidents de surcroît peu respectueux des droits de l’homme et de la démocratie. Il est donc obligé de se défendre, de tenter de redorer son blason.

En démocratie, le devoir de vérité, face à d’aussi graves accusations, est obligatoire pour un responsable public. Kouchner a dû donc s’expliquer tant à l’Assemblée nationale que dans les médias. Mais il peut aussi ester en justice s’il s’estime diffamé. En tous les cas, ce ne sont pas les mécanismes qui manquent, en pareille situation, pour défendre sa cause. Un journaliste d’investigation chevronné comme Pierre Péan, on s’en doute, a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter de faire des allégations sans preuves.

Comme quoi le feuilleton ne fait que commencer. Seulement, tout se fait dans le strict cadre de l’Etat de droit. On est loin du climat qui prévaut en Afrique, où la place des journalistes d’investigation est le plus souvent la prison pour les plus chanceux et, pour les autres, le cimetière. Les dirigeants africains ne tolèrent pas qu’on fouine dans leur gestion des affaires de l’Etat. S’ils ne sont pas envoyés six pieds sous terre, les journalistes fouineurs sont l’objet de harcèlement et de pressions diverses. Tout est fait pour décourager ce type de journalisme et dans certains pays, il faut avoir des penchants suicidaires pour s’y adonner. Au Sénégal, Abdou Latif Coulibaly en sait quelque chose.

Il ne manque jamais d’attirer sur lui les foudres du régime Wade à chaque parution de ses ouvrages. Lui, doit s’estimer heureux parce que d’autres ont eu moins de chance ; ils ont payé de leur vie, leur engagement. C’est pourquoi on ne peut que rester admiratif devant le système démocratique français qui, en dépit de ses limites, ouvre un large espace d’expression aux journalistes. Ces derniers deviennent de ce fait de véritables institutions de veille, que le personnel politique ne peut ignorer. Au quotidien, les dirigeants doivent mesurer les propos qu’ils tiennent et les actes qu’ils posent. Tout dérapage peut être fatal. Ce garde-fou que constitue la presse est le fruit d’un consensus national qui reconnaît à chaque acteur ses droits et devoirs. Aujourd’hui, les feux des projecteurs sont braqués sur Kouchner.

Avant lui, d’autres hommes politiques avaient dû aussi s’expliquer sur leur gestion de l’Etat. Alain Juppé, Dominique Strauss-Khan, etc., sont passés par là. Certains en sont sortis blanchis, d’autres, non. Mais toujours est-il que personne ne s’avise de remettre en cause les acquis démocratiques qui permettent à la presse et aux journalistes de faire leur travail. La beauté de la démocratie réside en cette acceptation des règles du jeu par tout le monde. Et cela, même en temps de tempête, même quand le vent vous est défavorable.

"Le Pays"

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