LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Ghana : L’or prive les paysans du droit à la vie

Publié le mardi 3 février 2009 à 02h02min

PARTAGER :                          

Sept cents personnes privées du droit à la terre et à l’eau : c’est, d’après l’ONG FIAN, le résultat de l’exploitation par la société sud-africaine AngloGold Ashanti du site minier d’Iduapriem, au Ghana. C’est loin d’être un cas unique en Afrique.

"Le ministre de la Justice du Ghana a reconnu en septembre que des militaires étaient engagés sur le site minier d’Iduapriem pour protéger la concession et dit qu’ils seraient retirés. Mais trois mois plus tard, je n’ai pas vu de changement", expliquait, fin 2008, à Bruxelles, Mike Anane, coordinateur au Ghana de l’ONG FoodFirst International Action Network (Réseau d’information et d’action pour le droit à se nourrir). Le ministre donnait ainsi raison a posteriori à 700 paysans de la région de Wassa West et aux organisations qui les défendent Tous affirment depuis longtemps que leurs droits humains sont violés. tant les droits socioéconomiques, parce qu’ils sont privés de moyens d’existence, que les libertés individuelles, les paysans et leurs défenseurs étant régulièrement victimes de violences de la part de la police et de l’armée.

L’affaire commence en 1989, lorsque la société minière sud-africaine AngloGold Ashanti acquiert des terrains afin d’y exploiter de l’or Traditionnellement, ces terres appartenaient aux communautés paysannes locales, mais la loi ghanéenne affirme que le sous-sol est propriété de l’Etat, qui a donc pu l’attribuer à la compagnie, poursuit Mike Anane. Mais comment exploiter le sous-sol sans occuper le sol ? Les paysans sont donc déplacés et le peu de terres qui leur restent sont envahies par les déchets de l’exploitation minière. L’Etat leur a bien fourni des compensations, comme la loi le prévoit, mais en aide alimentaire, sans leur attribuer d’autres terres leur permettant de vivre.

Ni à manger, ni à boire

"Nous sommes des fermiers, mais nous voici maintenant assis à la maison à ne rien faire de nos journées parce qu’AngloGold Ashanti a pris nos terres", témoigne au FIAN, le président de l’Association des fermiers de Teberebie, la communauté déplacée. Aujourd’hui, ces paysans doivent marcher jusqu’à 16 km par jour pour chercher des espaces à cultiver, et "sont souvent exposés au harcèlement des gardes privés d’Anglogold Ashanti, souvent accompagnés de policiers armés", explique le FIAN. Car, accusent les paysans, l’exploitation aurifère exige beaucoup d’eau et les eaux polluées de la concession, contenant notamment des matières fécales, sont déversées dans les ruisseaux. Et enfin, des résidus de produits chimiques et de métaux lourds utilisés dans la mine s’écoulent dans ces mêmes cours d’eau.

Selon le FIAN, des analyses d’échantillons par l’Institut ghanéen de recherche hydrique ont montré que l’eau des ruisseaux n’est bonne ni pour boire ni pour arroser les cultures. Résultat. "Nous vivons dans une communauté qui avait autrefois tant de terres agricoles et de ruisseaux. Mais à présent, nous n’avons ni de quoi manger, ni d’eau à boire", se plaint Nana Awuley, chef de village d’Adisakrom, cité lui aussi par le FIAN. "L’Etat, ajoute Mike Anane, n’est pas directement impliqué dans l’exploitation minière, mais il table sur les taxes à l’exportation que celle-ci peut apporter". Quant à savoir s’il vaut mieux que 700 paysans gardent leurs terres ou que l’Etat dispose de revenus pour le développement du pays, Mike Anane conclut : "Il s’agit ici de la survie des gens, qui ne peuvent être sacrifiés contre de l’argent".

"Marque destructrice"

Cet exemple ghanéen n’est pas le seul, en Afrique, de communautés paysannes victimes de l’exploitation minière Récemment, les habitants de la zone de Samira, dans l’ouest du Niger, ont confié à l’agence IPS leur désarroi face à la disproportion entre les inconvénients de l’exploitation minière et ses avantages S’il est vrai que la Société des mines du Liptako, exploitante, a financé des réalisations d’intérêt collectif et créé des emplois, la mine entraîne aussi "la prostitution dans les villages et la dégradation de l’environnement due à la coupe sauvage de bois (..) et à l’utilisation de certains produits chimiques", explique le maire de la commune de Gothèye. Tandis qu’au Mali, la région de Sadiola était, selon le maire de cette ville cité par Sud Quotidien (Dakar), "le grenier céréalier du cercle de Kayes Avec l’ouverture des deux mines à Sadiola et à Yatéla, la localité a perdu cette place au profit de l’exploitation de l’or et surtout du commerce".

Dans un livre publié fin 2007*, le journaliste Gilles Labarthe affirmait déjà que "l’exploitation d’or à l’échelle industrielle apporte son lot de nuisances, parfois mortelles", auxquelles "s’ajoute la perte des terres cultivables et des sites d’orpaillage". Et il citait Jed Greer, chercheur pour Greenpeace, qui, dès 1993, affirmait que cette nouvelle ruée vers l’or "implique des techniques d’extraction, de traitement et de stockage des déchets qui laisseront pour longtemps, leur marque profondément destructrice".

André Linard SYFIA International

* L’or africain. Pillages, trafic et commerce international, Ed. AgonE, Marseille, 2007. Cet ouvrage met notamment en évidence l’implication de la Banque mondiale, via la Société financière internationale, dans l’exploitation de l’or qui "ruine l’Afrique".

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 3 février 2009 à 21:59, par kanzim En réponse à : Ghana : L’or prive les paysans du droit à la vie

    Le Burkina Faso est lui aussi exposé, tant sur le plan écologique que social : les compagnies minières sont ignorantes de la culture du milieu d’implantation de leurs sites d’exploitation et pire, elles sont incapables de lier leurs activités aux dynamiques économiques et sociales locales. Il faut espérer que le gouvernement à travers Tertius Zongo, qui a su prendre la bonne décision de la création d’emplois à travers l’or, sache ne pas limiter la problématique à la formation de géologues niveau ingénieur. Il faudra non seulement envisager la formation à des niveaux meso et inférieurs, mais aussi la diversifier en incluant les corps relatifs à la sociologie, à l’économie. Il faudra également songer à la mise en place de centres de recherche appliquée, qui travailleraient de concert avec les autres centres, en espérant que le Ministère de l’Environnement en ait un.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique