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Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

Publié le vendredi 30 janvier 2009 à 10h01min

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« Chasser la chefferie coutumière des institutions de la république, elle revient au galop. » C’est la principale leçon qui transparaît des résultats du dernier sondage d’opinion réalisé par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD).

A la faveur d’une enquête sur la compréhension que les Burkinabè ont des institutions démocratiques, la question du statut des chefs coutumiers a refait surface dans les débats publics formels et informels. Une question aussi récurrente qu’insoluble qui ne devrait laisser personne indifférent. En tout cas, pas les enquêtés dont certains disent faire plutôt confiance à ces institutions coutumières considérées à tort ou à raison comme « informelles » alors qu’elles influent de près ou de loin sur le jeu politique au Faso.

On n’a pas besoin de sondage pour s’apercevoir de l’omniprésence de ces « gardiens de la tradition ». Dans l’arène politique où ils se battent envers et contre tout, ils ne sont pas pour autant des citoyens comme les autres. En tout cas, lorsqu’un naaba - pour ne prendre que cet exemple - se présente à une élection républicaine et démocratique, il n’hésite pas à user de ses prérogatives pour prendre un ascendant sur son adversaire. Il n’est pas sur le même pied que ses adversaires. L’absence de statut de la chefferie constituerait-elle « une entrave à l’équité de la compétition électorale » comme en a conclu le Pr Augustin Loada du CGD ?

Dans un contexte sociopolitique où l’électorat est majoritairement analphabète, on peut croire que la démocratie est biaisée lorsqu’un candidat, déjà nanti d’une notoriété traditionnelle, se présente face à un autre qui ne compte que sur sa capacité de séduire un auditoire avec un programme politique qu’il n’a généralement pas. Avec ses « obligés » et autres « sujets » qui s’alignent systématiquement derrière lui, sans autre forme de discernement, le « bonnet rouge » a non seulement plusieurs longueurs d’avance sur ses concurrents, mais il a aussi plusieurs formes de recours pour faire pencher la balance électorale de son côté. C’est probablement de cela que s’inquiète le Secrétaire exécutif du CGD.
Mais le tout n’est certainement pas de s’inquiéter de cet état de fait ou même de dénoncer la promiscuité entre la politique et la chefferie coutumière.

Le vrai os, comme il a d’ailleurs su le relever, c’est d’arriver à un statut qui met les chefs à l’écart du jeu politique ou qui leur confère une position dans laquelle ils peuvent aller en compétition au même titre que les autres. Dans le deuxième cas, force est de relever qu’il est pratiquement impossible de séparer le chef de ses attributs, même s’il ôte provisoirement son bonnet ou se défait de son boubou. La meilleure issue serait de leur assurer un retrait sécurisé, qui les mette à l’abri de toute tentation d’aller pêcher dans les eaux troubles du marigot politique. Seulement voilà, quelles garanties la république serait-elle prête à offrir à ces « bonnets rouges », surtout à ceux qui ont déjà pris goût aux dividendes plus substantiels que procure un mandat électif ? L’équation est plus simple à poser qu’à résoudre.

En effet, si le modèle ghanéen d’apprivoisement républicain des chefs coutumiers semble séduire le CGD, il n’est pas moins vrai que les contextes des deux pays sont différents et les réalités politiques aussi. Remettre à leur place des chefs coutumiers déjà habitués à tirer profit de la politique peut se révéler plus fastidieux qu’on peut l’imaginer. Surtout que dans le cas du Burkina ces acteurs semblent être allés si loin dans les arcanes des institutions publiques qu’on se demande s’ils accepteraient de se retirer aussi facilement pour aller se contenter de ne gérer que des coutumes qui ne rapportent pas grand-chose. L’esprit de cette chefferie-là n’est-elle pas finalement trop polluée par la politique au point qu’il est quasiment devenu impossible d’en faire cet « arbitre impartial » dont on rêve tant ?

Comme on peut le voir, ce n’est pas seulement la chefferie qui constitue une « entrave à la compétition électorale ». Une certaine pratique politique a largement contribué à asservir les chefs coutumiers et à en faire les brouettes d’une machine politicienne destructrice des valeurs coutumières. Il n’est un secret pour personne que la plupart de ces coutumiers - comme on les appelle - se jettent corps et âme en politique pour survivre. Autrement dit, ils ne résistent pas au rouleau compresseur du parti au pouvoir qui use et abuse de tous les moyens pour les avoir de son côté en période électorale.

Aussi déplorable qu’est l’allégeance des représentants des coutumes et des traditions au pouvoir politique du moment, celle-ci n’est pas une coalition de circonstance qu’il suffirait de briser. Les chaînes sont plus solides qu’on ne peut l’imaginer ; en l’occurrence, dans les régions où les chefs coutumiers sont si présents dans l’environnement et la conscience des populations qu’ils influencent quasiment de façon permanente la vie sociale et politique. Dans le cas d’espèce, il est pratiquement impossible de bâtir la société démocratique sans les chefs.
Mais il est aussi illusoire, voire incongru, de croire que toutes les régions obéissent à cette réalité.

Aussi, une législation qui conférerait un rôle politique aux chefs coutumiers risquerait-elle fort de ne pas être bien accueillie dans toutes les régions du Burkina. En effet, si on ne peut pas se passer d’un naaba ou d’un dima sur le Plateau mossi, par exemple, il n’en est pas de même dans l’Ouest ou au Sahel. Par ailleurs, le statut même de chef coutumier présente le risque d’être un fourre-tout dans lequel il sera bien difficile de distinguer les coutumes de la religion, qu’elle soit traditionnelle ou importée.

En somme, le sondage du CGD a le mérite de reposer le problème du statut de la chefferie coutumière dans l’environnement institutionnel du Burkina. Les chemins de la république ne sont pas impénétrables pour les « bonnets rouges ». Mais force est de reconnaître qu’il s’agit là d’une équation complexe que le législateur devrait résoudre avant peut-être qu’il ne soit trop tard.

F. Quophy

Journal du jeudi

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Vos commentaires

  • Le 30 janvier 2009 à 14:06, par peuple de yelkayé En réponse à : Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

    La politique devrait être le combat pour un idéal. or il y a longtemps que l’idéal a déserté la politique. le chef avec sa bicyclette attends les négociations politiques pour monayer son pouvoir ou supposé tel avec une Yamaha mate. Actuellement le tube digestif a tout remplacé. Ce n’est pas la faute des traditionnels. La dépouille du BF se partage, il est normal que les chefs soient au Festin. mais attention, le festin est empoisonné à l’arsenic. Ils vont mourir à petit feu. Les cyniques me diront qu’il vaut mieux toujours mourir de quelque chose. Aya, Yamyelé, que dis-tu ?

  • Le 30 janvier 2009 à 15:10, par Moi En réponse à : Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

    Une autre nécessité est d’éduquer l’électorat à la compréhension des choses. Les partis politiques de la majorité comme de l’opposition ont fait de la création de parti un gagne pain. L’éveil de conscience du peuple est passé au second plan et on préfère les raccourcis. Tous les partis politiques, surtout les grands gueules de l’opposition n’attendent que les subventions. J’ai remarqué que certains de ces chefs de parti sont plus fréquents dans "makis" quand les subventions tombent.
    Il y a aussi les chefs religieux les marabouts, imans et autres chefs d’églises qui ne savent aussi se la fermer. Ils parlent comme des pieds et prennent position de façon stupide. La soutane est aussi devenu une monnaie d’échange. QUELLE HONTE.

    • Le 1er février 2009 à 12:29 En réponse à : Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

      De la nécessité d’éduquer le peuple à la compréhension est chose est un véritable dilemme dans nos démocraties qui n’ont pas acquis ce mode de gestion de la chose publique par l’histoire et la tradition mais pas importation pure et simple. Dans l’utilisation et l’application de la démocratie par ce raccourci, la grande question est qui doit éduquer le peuple : les politiques ? l’histoire (évolution naturelle des chose ou apprendre à ces dépends ) ?. Les premiers sont déjà intéressés et ne peuvent par conséquent servir que leur intérêts. La deuxième alternative ne peut que coûter cher ( Corruptions, déchéance, révolution, guerre civile,...). dans ces conditions, ils absolument de bons catalyseurs du jeu politiques, des personnes indépendantes et désintéressées politiques. Jusqu’à présents les responsables religieux de toutes confessions du Burkina ont toujours à la paix sociale su pays. Ils sont assez bien placé pour contribuer à l’éveil des consciences, en particulier à l’éducation au jeu démocratique. Il ne peut être question qu’un éducateur ’la ferme’ pour emprunter votre style, sinon les conséquence pour l’éduquer seront désastreuses. Si nous refusons leur contribution aujourd’hui, c’est que nous acceptons la dérive du pays vers les conflits. J’encourage fermement l’action des responsables religieux dans l’éducation des nos populations à la démocratie. C’est une œuvre de civisme et de citoyenneté louable pour notre nation.

      • Le 1er février 2009 à 23:30 En réponse à : Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

        Vous avez parfaitement raison, seulement "savoir la fermer" signifie se taire quand il faut. Cela se conjugue avec "savoir l’ouvrir". Comme vous le dites la politique telle qu’elle est actuellement est importée et échappe à nos traditionnels. Nous serions heureux si les chefs traditionnels pouvaient éduquer sans partie pris. L’éducation dont il est question viendrait difficilement d’eux. Eux mêmes ne savent pas parfois pourquoi les politiques agissent. Une fois dans un bureau de vote, tous les bulletins étaient d’un parti politique sauf un. Le délégué chef de village dit alors "si je pouvais savoir qui a mis ce bulletin, je le chasserais du village". Et si c’est l’enseignant du village, et si c’est l’infirmier, et si c’est l’agent d’agriculture toutes ces personnes qui sont au villages loin de leur terroir pour travailler avec d’autres ethnies et familles. Bref. Il faut commencer par éduquer les chefs à cette nouvelle forme de gestion du pays qu’est la démocratie avant de les laisser s’engouffrer la dedans.

  • Le 30 janvier 2009 à 17:34, par Laissez les chefs tranquiles En réponse à : Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

    Je me demande souvent si certains africains comprennent la situation dans laquelle ils vivent. Chaque peuple a sa marche. Je ne suis pas chef ni fils de chef coutumier. Je constate seulement que les chefs sont le produit original de ma société, moaga. Le peuple moaga, de mémoire d’homme a construit sa société, sans copier les valeurs d’une autre société. Ce n’est pas Karl Max, Lénine, ou De Gaulle que notre peuple s’est référé pour se construire. Il n’a ni utilisé la bible, le coran ou d’autre religions de l’occident ou de l’orient pour se construire. Mon chef se promène dans notre village sans une kalachnikov, un pistolet. Il n’a même pas un garde de corps. Le chef n’est pas celui qui détourner les deniers publics. Il est généralement l’enfant du village pas un étranger qui vient de loin sous prétexte de connaissance. Le chef trouve sa raison d’être dans son village pas ailleurs.
    La société moaga est donc bâtie sur l’esprit communautaire, une société bien organisée dans la discipline, le travail et l’équilibre sociale. Beaucoup de mossé naissent et grandissent dans cette communauté et apprennent ces riches valeurs.

    Comment voulez-vous que je ne respecte pas la décision de mon chef qui vit avec mes réalités ? Comment voulez vous que je nie ma société ?
    Vous dites que nous sommes analphabètes, c’est pourquoi la démocratie ne marche pas. Je vous dis alors, laissez les analphabètes choisir ceux qu’ils veulent et les lettrés choisir leur démocrates. Vous ne pouvez pas convaincre les analphabètes mais pensez pouvoir développer tout un pays.

    Cessez d’être arrogant, cessez d’insulter de braves gens. Le problème n’est pas l’analphabétisme mais des soi-disant intellectuels, avides du pouvoir qui ne peuvent pas apporter des solutions à leurs défis. Oui, obtenir la voix d’un analphabète est un défi.

    Vous parlez de démocratie lorsque vous n’êtes pas au pouvoir. Une fois au pouvoir vous faites tout pour que vos enfants vous succèdent. Qui voulez-vous tromper ?

    • Le 1er février 2009 à 23:42 En réponse à : Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

      Vous êtes un peu naïf sur les bords. Le pays mossi est une civilisation très très récente qui a bénéficié de beaucoup d’apport extérieur. En vérité le Mhoro (système de gouvernance des mossi) est très moderne. Il (le système) s’est même laissé corrompre par certains mensonges des historiens qui sont très pâtante même si personne ne cherche à les défaire.

      Pour ce qui est de propreté des chefs (ils ne détournent pas ets...) c’est justement ce que les gens demandent que l’on conserve en leur donnant un statut clair comme celui du Mhoro Naba. Il s’exprime peu sur les choix politiques à faire. Se prostitue peu ou pas. Si on laisse les chefs se mettre trop dans la politique, à la longue, ils auront besoin de garde de corps et de véhicules blindés et n’auront le respect de personne.

  • Le 3 février 2009 à 14:25, par franck dit aspirant Barde En réponse à : La chefferie coutumière : est républicaine,et citoyenne

    Je suis moaga et fier de le dire,si la chefferie moaga abonaadonnait le peule maintenant que nous reste-il de dignité,le naba bouffe le nam,le nabam fait, la force,le naba représent ceux qu’il gouverne, le naba dit le droit,tout cela dans la mesure de l’acceptable,sinon il meur,il n’y a pas a fantasmé,le chef coutumier qui prend sa population,en dérision, mouras, pour undétounement desomme aluiconfier,pour desterres qu’il voudras sappropriez illégalement,pour une conduite qui frise la moral moaga,et ont dit courament(nabaramb toum -yoodant ti neba ka néyé la wend-nam néen allie).Donc s’il dépasse une certaine limite même dame nature s’emmèleet le naba va mourir oudoit mourir. Des hommes qui ce disent intélectuel ,et puis qui intelectuel en Afrique(Burkina Faso),parler françois,écrire en françois(français)

  • Le 3 février 2009 à 21:28, par Thomas Dakin POUYA En réponse à : Chefferie coutumière : Peut-on républicaniser les "bonnets rouges" ?

    la chefferie traditionnelle et la politique sont deux entités qui, loin de s’opposer, se complètent. "C’est, disent les anciens, au bout de l’ancienne corde qu’il faut tresser la nouvelle". Seulement, nous l’avions du reste souligné dans un article qui avait ouvert les débats à l’époque, c’est par souci de conserver au "bonnet rouge" tout le respect qui lui est dû que nous avions demandé à nos hommes de loi de statué sur la chefferie traditionnelle. La question est récurente et nous sommes convaincus que tôt ou tard il va falloir lui apporter un début de réponse légale. Nous avons foi en notre intelligentia nationale pour trouver des réponses par nous-même aux problèmes que l’on se pose. Mais, il ne s’agit pas non plus de réinventer la roue, car nous pensons humblement que le modèle ghanéen est beaucoup plus proche de nos réalités burkinabè que celui du Code napoléonien français qui nous régit. La question n’est plus, en notre sens, d’être pour ou contre la participation de la chefferie traditionnelle dans le débat politique, mais de comment il peut le faire sans se "harakiri". Comment le chef traditionnel peut faire valoir son statu dans le développement de son village, son canton, sa province...sans oublier que, inféodé à la politique ou non il le fait déjà. Ne peut-on pas créer, à coté des législateurs élus et des multiples institutions de la république, des sièges revenant de droit aux structures coutumières ?

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