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Rupture de timbres fiscaux : Quand les provinces approvisionnent la capitale

Publié le jeudi 8 janvier 2009 à 23h54min

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Demandes, déclarations de perte, certificat de résidence, procurations, factures d’une certaine taille… La liste des documents administratifs qui nécessitent l’usage de timbres fiscaux est encore longue. Malheureusement, depuis plus d’un mois, notre capitale, Ouagadougou, en manque et les usagers des différents services de l’Administration sont obligés de faire recours aux provinces pour s’approvisionner. Le tour de Simonville, hier 08 janvier 2009, nous a permis de constater le désarroi des Ouagavillois, qui attendent des éclairages sur le sujet et une solution au plus vite.

Jeudi 08 janvier 2009, il est 08 h à la mairie de Bogodogo. Les usagers se bousculent toujours aux guichets des timbres. Nombre d’entre eux pourtant vont devoir aller voir ailleurs, puisque la guichetière n’a que des timbres communaux et les quelques rares timbres fiscaux dont elle dispose sont ceux de 5000 et de 1000 F CFA, généralement utilisés pour les appels d’offre et les autorisations de port d’armes. Sont de ceux qui repartent bredouilles et quelque peu frustrés Ousmane Traoré, élève de 3e au lycée Réveil. Visiblement pressé, il lance à l’agent municipal : « Je veux quatre timbres fiscaux de 200 F CFA ».

« Il n’y en a pas monsieur ! » lui répond-on. Cette réponse semble avoir l’effet d’un coup de massue sur Ousmane. Il passe une main sur la tête et pousse un grand soupir. Nous allons aux nouvelles. « Depuis 5 jours, je fais la navette entre le commissariat de police de la Patte d’oie et la mairie de Bogodogo à la recherche de timbres fiscaux pour mes dossiers du BEPC dont le délai de dépôt est fixé au 15 janvier. Je me suis battu pour avoir l’argent et il n’y a pas de timbres.

Que veulent-ils (NDLR : les autorités) qu’on fasse ? » marmonne-t-il dépité. Triste consolation pour cet infortuné futur candidat au brevet, il n’est pas le seul candidats aux examens et concours à souffrir de cette rupture de timbres fiscaux. Sina Sidibé, du lycée technique Jean Paul II, lui aussi, ressort de la mairie sans gain de cause. « Avant, nous explique-t-il, dès la porte, on nous proposait des timbres.

Mais depuis 5 jours, je suis à la recherche de timbres fiscaux pour ma dispense aux épreuves sportives du BEP génie civil alors que le dernier délai est le 15 janvier ». Au milieu de leurs jérémiades, une « bonne » nouvelle leur est apportée par un autre usager qui les informe que les revendeurs du commissariat central se sont approvisionnés hier dans la matinée.

Ce qui est rare étant cher, ils devront certainement débourser davantage pour solliciter les services de ces derniers. « Depuis deux semaines, nous sommes en rupture de timbre de 200 et de 100 F CFA parce que même au Trésor il n’y en a plus », nous confie la guichetière. A la mairie de Baskuy, on nous signifie que les ruptures ont commencé depuis 5 mois et qu’actuellement, il n’y a plus que les timbres de 1000 et de 5000 F CFA.

Là bas aussi, c’est le même constat : les usagers viennent et repartent sans le précieux sésame. Au commissariat central, les revendeurs ont effectivement les mains pleines de timbres fiscaux de 200 et de 500 F CFA. Mais ces timbres disponibles ont un coût plus élevés, ce qui n’est pas sans désagréments pour les clients. Au nombre d’eux, Amadou Babade, fraîchement venu du Togo, qui tend une pièce de 500 F CFA à un revendeur en lui lançant : « Je veux un timbre de 500 ».

Négligeant la pièce tendue, le revendeur l’informe qu’il vend le timbre sollicité à 600 F CFA. Surpris, le client décide d’aller s’en procurer plus loin. Mais apprenant la pénurie, il revient sur ses pas pour se résoudre à en payer. « Je suis bien obligé d’en payer pour mon certificat de résident. Je viens d’arriver du Togo et je veux exercer en tant qu’électricien au Burkina. Depuis hier, je n’ai pas vu la couleur du timbre d’ici », souligne-t-il. Les parents d’élèves aussi endurent le manque de timbres.

C’est le cas d’Issa Yaméogo, lui qui a fait le déplacement à la trésorerie régionale du Centre pour se procurer des timbres fiscaux en vue d’établir les dossiers de son fils pour le concours d’entrée au Prytanée militaire du Kadiogo (PMK). « On ne nous propose aucune alternative. Il n’ y en pas et on ne nous dit pas où est-ce qu’on peut en avoir ou quand est-ce qu’il y en aura », lâche-t-il. Même détresse pour Kaliké Linkoné, directrice d’école, à la recherche de timbres pour ses dossiers, dont le délai de dépôt approche.

Une pénurie sans explication

Les revendeurs affirment que depuis la rupture, ils vont s’approvisionner dans les provinces voisines et même dans celles lointaines comme le Houet. Ce qui justifie, selon eux, la majoration de 50 F sur les timbres de 200 et de 100 F, ainsi que sur ceux de 500. Ils disent n’avoir aucune explication à cette rupture à Ouagadougou.

« Nous avons seulement appris qu’il y a des contrefaçons de timbres, ce qui fait que désormais nous exigeons des reçus où nous les payons pour les revendre, afin d’être hors de tout soupçon », nous explique l’un d’entre eux, Ado Ané. Même les parqueurs subissent les conséquences de ce manque de timbres fiscaux selon Pascal A. Balirabou, qui officie au commissariat central.

« Les clients arrivent et se renseignent tout en restant sur leurs engins, ce qui a contribué à diminuer notre gain journalier. » Confirmation de son collègue Jean Pierre Kouama : « Depuis plus des trois semaines, l’affluence a considérablement baissé. Aujourd’hui, les revendeurs ont trouvé des timbres, mais nous ne savons pas combien de temps le stock va tenir. »

Pendant que les Ouagavillois se démènent pour donner une caution administrative à leurs documents, tel n’est pas le cas pour les citoyens des provinces, qui, en principe, devraient compter sur la capitale en la matière. En effet, à travers des coups de fil que nous avons passé en direction de Manga, de Koudougou, de Bobo Dioulasso..., nos interlocuteurs nous ont assuré que ces localités disposent toujours de timbres.

Cette pénurie va certainement renforcer la lenteur dans le traitement des différents dossiers administratifs avec un manque à gagner pour l’Etat et les populations. Pour les légalisations, par exemple, les usagers préfèrent les timbres fiscaux à ceux communaux, relativement plus chers (200 contre 300 F CFA). « Très important : manque de timbres de 100, de 200, de 400 et de 500 » ou encore : « Plus de timbres », annoncent certaines affiches au niveau des guichets.

Pour avoir des éclairages, nous nous sommes rendus tour à tour à la Trésorerie régionale du Centre, à la division des grandes entreprises, à la Direction régionale des impôts ainsi qu’à la Direction générale des impôts. Mais nous n’en avons su davantage parce que leurs responsables seraient, ces derniers jours en intenses travaux dans le cadre de la réforme de la fiscalité.

Ce qui laisse libre cours aux supputations, chacun y allant de son commentaire : « Ce sont des faussaires qui sont allés tirer un nombre important de timbres au Ghana pour les revendre dans notre pays et certains d’entre eux séjournent actuellement à la MACO (NDLR : Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou) », croit savoir un monsieur sous le couvert de l’anonymat.

Et un autre de poursuivre : « Les autorités ont fait un black out sur le sujet pour qu’on n’apprenne pas ce qui se passe ». La balle est maintenant dans le camp des autorités pour que les citoyens aient droit à l’information. Tard dans la soirée, nous avons été joint par le service de la Communication de la Direction générale des impôts pour une interview que vous lirez très prochainement.

Abdou Karim Sawadogo & Hyacinthe Sanou (stagiaire)


Timbre fiscal

Le timbre fiscal est une marque ou une figurine destinée à prouver qu’un administré a bien payé à une collectivité publique (État, département, commune, ou État autonome) certaines catégories de taxes ou d’impôts. Il existe actuellement sous deux formes : le papier timbré ou timbre fiscal fixe, forme la plus ancienne, et le timbre fiscal mobile.

On peut en rapprocher le timbre socio postal qui sert à constater le règlement d’une contribution sociale par les salariés et employeurs. Cette contribution garantit au salarié une indemnité de maladie ou de retraite. Cependant, comme elle n’implique aucune contrepartie pour l’employeur, elle revêt à son égard un caractère parafiscal.

Les timbres constatant de tels versements peuvent donc trouver place dans une collection de timbres fiscaux. Mais, comme ces figurines étaient aussi imprimées et vendues par la poste, elles peuvent également figurer dans une collection de timbres-poste.

L’Observateur Paalga

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