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FILIERE FRUIT ET LEGUME : UNE MAUVAISE SAISON QUI DURE !

Publié le jeudi 8 janvier 2009 à 02h23min

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Depuis de nombreuses années, la filière fruit et légume de notre pays avait une expertise inégalée dans la sous région. Et parmi les nombreux fruits et légumes que le Burkina exportait dans l’Hexagone, le haricot vert était sans conteste le produit phare. L’arrivée de la Révolution sur la scène politique de notre pays va quelque peu chambouler le mécanisme.

Une politique volontariste qui voulait que chaque Burkinabé consomme ce que les paysans produisent, la Filière connaîtra des difficultés, aura maille à partir avec certaines compagnies œuvrant dans le transport des produits vers l’Europe. Nous étions en 1985 et la Révolution battait son plein.
Si depuis lors beaucoup se souviennent de l’opération ‘’haricot vert’’ dans l’administration publique, on est passé par plusieurs étapes avant d’aboutir à la SOBFEL (Société Burkinabé des Fruits et Légumes) et l’UCOBAM est là pour l’attester. Mais contrairement à l’UCOBAM qui était une coopérative,

L’aire de tri du haricot vert

la SOBFEL est une société anonyme de droit privé avec une participation de l’Etat au capital. Toute chose qui reste minime et qui ne dépasserait pas les 5 à 10%. L’ouverture du capital de cette nouvelle société à l’Etat burkinabé, dont l’ambition était d’encadrer et gérer la filière fruit et légume dans toute sa composante, semble entamer sa traversée du désert depuis quelque temps.

En effet, si nous nous sommes intéressés au cas de cette société, la raison est toute simple. Nous avons appris que l’Etat (donc le contribuable) a des parts dans la société et qu’il y aurait la persistance du Conseil d’administration à ne pas débloquer l’argent nécessaire à la vie de la société, avec en renfort des interventions politiques et autres sur le terrain. Bref ! Une histoire qui met à nu des pratiques dangereuses non seulement pour la SOFBEL, mais pour certains projets de l’Etat et même des sociétés d’Etat.

En apparence, la SOBFEL semblait solide et rigide pour faire face à une concurrence de plus en plus féroce. Jugez-en : le haricot vert au Sénégal, la mangue au Mali, en Côte d’Ivoire et maintenant au Ghana et au Libéria, ne parlons pas de la pomme de terre, la tomate, les oignons où nous passons d’exportateur à importateur à certaines périodes de l’année. Mais la teneur de la Note de service N°005 en date du 1er septembre 2008 semble affirmer le contraire. En effet, le Directeur Général Sidiki Sanogo informait son personnel que ‘’suite aux recommandations faites par l’Assemblée Générale du 28 août 2008, sur proposition du conseil d’administration, le personnel de la Société Burkinabé des Fruits et Légumes SOBFEL-SA est mis en chômage technique, pour raison économique.’’ Plus loin, on peut lire : « les activités reprendront avec la mise en œuvre du plan de redressement en cours d’élaboration. Les intérêts des salariés seront préservés dans le respect des textes législatifs et réglementaires en vigueur au Burkina Faso. »

Alors, face à une telle notre de service, on ne peut que se poser des questions. Comment une telle société lancée en grande pompe il y a moins de cinq (5) ans peut-elle être déjà en faillite ? Que se passe –t-il dans cette boîte ? Quelles sont les difficultés rencontrées alors que le marché international est propice aux affaires ? Tant de questions que nous désirions élucider.

Ayant aussi en vent que cette société préfinancerait la campagne de la filière et que des difficultés de recouvrement viendraient à se faire jour, nous nous sommes rendu au bureau du Directeur Général de la SOBFEL, sis dans l’enceinte de l’aéroport côté ASECNA, pratiquement sur l’ancien site de l’UCOBAM. Rien à dire sur l’accueil. Mais ce n’est qu’après trois tentatives, que nous avons eu l’honneur de rencontrer Sidiki Sanogo, le Directeur général, à peine la quarantaine mais un front déjà ridé et des cheveux blancs à la pelle sur la tête. Pour lui, le mal qui ronge le secteur n’est pas loin. C’est un secteur qu’il juge désorganisé. Il fera un diagnostic sévère de la filière. Ce qu’il y déplore le plus, c’est avant tout le manque de professionnalisme et cela fait que ‘’l’exportateur prend tous les risques.’’

Mais avant pour que nous puissions mieux cerner les problèmes de la SOBFEL, il dira que celle-ci (SOBFEL) n’a pas de fond de roulement. Alors elle ne peut anticiper, ni prendre des risques pour se faire une place au soleil en Europe. La SOBFEL serait une société saisonnière (1 à 6 mois par an) et ne pourrait en aucun cas manquer les rendez-vous que ce soit les périodes des semences ou les périodes des récoltes. Alors en achetant les semences pour les coopératives, il y a une certaine quantité que l’on devrait avoir par hectare à la récolte et pour amortir les dépenses et pour rentabiliser pour continuer à mettre à la disposition des coopératives des semences, l’engrais et quelquefois un soutien logistique (motopompes et carburant). Sidiki Sanogo dira que les projets pilotes se seraient déroulés au Sourou et à Kaya avec un résultat catastrophique.

Mais d’abord, il faut savoir que le caractère périssable de certains produits veut qu’on les conserve vite afin de passer au tri et ensuite trouver preneur en Europe avant de les envoyer. Donc toute cette situation serait partie dès les premières années du lancement des activités de la société. En effet, face aux difficultés citées plus haut, la SOBFEL faisait un déficit de plus de cinquante huit millions (58 000 000) de nos francs. Mais tout cela pouvait être rattrapé et corrigé et il suffisait seulement que le Conseil d’administration accepte de débloquer la somme qu’il fallait à temps. A titre d’exemple, pour une campagne qui devrait engloutir cent millions (100 000 000) de nos francs, le Conseil d’Administration (CA) met à la disposition de la direction générale dix (10 000 000) à quinze millions (15 000 000) FCFA. Alors c’est la résultante des campagnes ratées qui serait en train de mettre à genou ce joyau que certains avaient espéré voir relever le défi. Ce comportement de la part des décideurs serait suicidaire. Ils seraient (CA) eux-mêmes les fossoyeurs de la filière. Alors de campagne ratée en campagne ratée, faute de moyens suffisants, l’Assemblé Générale des actionnaires avait donc décidé d’arrêter le massacre en mettant en hibernation les activités de la société pour réduire les charges et mettre ‘’en place un plan de redressement’’. Surtout que présentement, selon d’autres sources, les responsables seraient en pourparlers avec l’Etat et certains actionnaires du secteur privé.

En attendant de trouver une solution pour ce navire épave qui avait suscité tant d’espoir pour des milliers de petits producteurs de haricots verts, de pommes de terre, de légumes, de fruits, etc, il faudrait que ceux qui tiennent le cordon de la bourse eux aussi fassent une introspection afin de redonner à cette filière son lustre d’autan et pour que les produits frais ‘’Made in Burkina Faso’’ gagnent au plus vite les rayons des grandes surfaces occidentales pour le bonheur des producteurs. Surtout que leur savoir-faire est apprécié et que la qualité des produits du Faso est appréciée par l’Union Européenne (UE). Sinon nous allons encore passer à côté de la plaque. Et comme le dit le Directeur Général Sidiki Sanogo : ‘’L’exportateur est celui qui prend tous les risques. Tout au long de la zone aéroportuaire, ce n’est qu’un cimetière à cause de ça’’. Il n’est pas exclu que cela s’accentue avec la disparition de la SOBFEL, si disparition il y a !

Aristide Ouédraogo

San Finna

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