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Affaire Rose Kabuyé : Une comédie française

Publié le mercredi 24 décembre 2008 à 02h10min

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Interpellée le 9 novembre 2008 à Francfort (Allemagne) puis extradée en France en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis par le dernier pays cité, Rose Kabuye a actuellement le sourire : après plus de six semaines de détention, elle va momentanément quitter l’Hexagone pour rentrer au Rwanda où elle va faire les fêtes de fin d’année avec sa famille.

C’est une décision qui a été prise par la Justice française sur une demande acceptée par les juges, après avis favorable du parquet. Pour un de ses avocats, c’est une décision qui prend en considération la situation humaine dans laquelle se trouve sa cliente et qui montre que la justice peut fonctionner efficacement tout en étant modérée.

Sous le coup d’un mandat d’arrêt international, délivré en 2006 par la France, Rose Kabuye, 47 ans, avait été mise en examen par le juge antiterroriste Marc Trévidic pour complicité d’assassinats et association de malfaiteurs, le tout en relation avec une entreprise terroriste. Le juge la soupçonne d’avoir pris part à l’attentat, le 6 avril 1994, contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, signal déclencheur d’un génocide, qui a fait, selon l’ONU, environ 800 000 morts essentiellement parmi la minorité tutsie ; des charges qu’elle réfute naturellement, en criant au complot.

Depuis hier mardi 23 décembre, Rose Kabuye n’attendait plus que son passeport pour faire ses valises. On imagine que dans son pays, c’est la joie parce qu’on ne pensait peut-être pas la revoir de sitôt, et c’est certain qu’il y aura du monde à l’aéroport international de Kigali pour l’accueillir. Son patron, le président Paul Kagamé, fera-t-il le déplacement à la tête d’une délégation ? Si son calendrier ne le permet pas, peut-être qu’il attendra à la présidence sa responsable du protocole. Ce qui est sûr, elle verra l’homme fort du Rwanda, qui l’avait envoyée le mois dernier en Allemagne pour préparer une visite privée.

Celle qui a eu à dire au lendemain de son arrestation qu’elle n’a pas peur car elle est innocente reverra donc sa famille et ses proches. Elle fêtera, comme les autres, pour essayer d’oublier un moment cette maudite date du 9 novembre 2008. Mais Kabuye n’est pas pour autant sortie de l’auberge : après le nouvel an, elle doit retourner en France, puisque l’affaire n’a pas été classée. Elle s’est engagée à revenir à Paris avant le 10 janvier 2009, et le ministère de la Justice rwandaise avait également exprimé dans une lettre la volonté du gouvernement de respecter l’engagement pris auprès du juge français.

En Afrique, la parole donnée est sacrée, mais la question qu’on se pose est de savoir si elle reviendra pour se constituer prisonnière. C’est d’un vrai privilège que Kabuye a bénéficié parce qu’il y a d’autres terroristes ou présumés tels qui gémissent dans les fers en France depuis longtemps.

N’ont-ils pas droit, eux aussi, aux fêtes de fin d’année dans leurs pays respectifs ? Ce dossier ayant envenimé les relations entre Paris et Kigali, veut-on aller vers un dégel des relations diplomatiques ? Il y a du flou dans cette affaire à tel point qu’on ne peut s’empêcher de penser à une comédie française. Et si Kabuye changeait d’avis ? Après qu’elle a recouvré la liberté provisoire, Rose décidera de ce qu’elle doit faire. L’air de Kigali lui manquait, et maintenant tout est une question de responsabilité.

Par Justin Daboné

L’Observateur Paalga

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