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ENLEVEMENTS DE DIPLOMATES AU NIGER : L’ONU dans l’embarras

Publié le mercredi 17 décembre 2008 à 01h06min

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La disparition des diplomates canadiens de l’ONU au Niger avait tout d’un enlèvement. Seuls l’identité des ravisseurs et le mobile de leur acte restaient à être déterminés. Mais le mode opératoire de l’enlèvement laissait peu de doute sur l’origine des auteurs du rapt. Il s’agissait de tout, sauf d’un acte crapuleux, puisque le véhicule et certains biens des personnes disparues n’ont pas été emportés.

Mais, qu’une telle opération soit montée à 45 km de Niamey, si loin des bases traditionnelles de la rébellion, continuait à laisser pantois. Pourtant, la piste de la rébellion n’est pas à écarter. Elle est même fort plausible. Le Front des forces de redressement, une organisation rebelle dissidente du MNJ (Mouvement des Nigériens pour la justice), a revendiqué la prise d’otages sur son site internet.

Une information démentie, cependant, par le président du FFR. Quoi qu’il en soit, les auteurs de ce kidnapping se signalent aux yeux du monde de la façon la plus spectaculaire qui soit : enlever des ressortissants canadiens travaillant à l’ONU dans une zone censée être sous contrôle gouvernemental. Plusieurs messages sont perceptibles à travers cet acte osé. D’abord, apporter un cinglant démenti au discours officiel selon lequel le Niger ne connaîtrait pas un problème d’insurrection armée, notamment touarègue. L’audace de cette action commando est donc la preuve de la capacité des mouvements rebelles à frapper partout sur le territoire nigérien.

Du coup, ils mettent à nu l’incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des biens et des personnes. Mais l’origine des otages n’est certainement pas un fait du hasard. L’un des deux Canadiens, Robert Fowler, est représentant spécial du secrétaire général de l’ONU. A travers sa personne, c’est l’ONU qui est apparemment visée, elle qu’on a très peu vu s’impliquer dans la crise politico-militaire au Niger. Avec cette affaire, elle se trouve donc malgré elle attirée dans le maelström nigérien. L’organisation mondiale ne pourra plus se contenter de la rhétorique du gouvernement de Niamey consistant à traiter les rebelles de bandits de grands chemins.

Un embarras sans doute pour Ban Ki-Moon, pris entre l’enclume de la nécessité d’obtenir la libération de ses collaborateurs sains et saufs, et le marteau de la volonté de ne pas effaroucher le gouvernement de Niamey. La marge de manoeuvre du président Mamadou Tandja est aussi très limitée. Il rend la situation compliquée par sa dénégation de la réalité, celle de l’existence d’une opposition armée au Niger. Comment, dès lors, agir sans se remettre en cause, face à un adversaire qui a entre ses mains des otages aussi précieux ? Le dilemme est grand pour les autorités nigériennes. Mais elles auraient pu éviter une telle impasse si elles avaient courageusement reconnu le problème touareg, à l’image du Mali.

Le président Amadou Toumani Touré a certes brandi le bâton, mais il a aussi su tendre la carotte à sa rébellion. Une politique réaliste qui a abouti à une accalmie peut-être encore précaire, mais qui va en se renforçant. Avec cette prise d’otages, le gouvernement nigérien est donc mis face à de graves responsabilités : négocier avec les kidnappeurs qui sont probablement des rebelles, ce qui revient à les reconnaître de facto, ou tenter une libération par la force au risque de mettre en péril la vie des diplomates. En tout état de cause, le temps d’une prise de décision salvatrice pour l’avenir de la nation nigérienne a sonné, à l’heure où le pays s’apprête à célébrer la fête de la République.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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