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Situation au PDP/PS : Le prélude d’une descente aux enfers ?

Publié le mercredi 3 décembre 2008 à 11h02min

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Du 22 au 23 novembre, s’est tenu le 4e congrès du Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste (PDP/PS) à Ouagadougou. Au terme de cette grand-messe, le credo est, selon les congressistes, de "prendre un nouvel élan et de restaurer la confiance et l’espoir" bien que le dima de Boussouma et Ouindélassida François Kaboré aient claqué la porte au congrès et malgré le fait que, quelques jours auparavant, le député Etienne Traoré avait démissionné du parti.

Cette situation suscite beaucoup de commentaires et d’interrogations vu que le PDP/PS, au regard du rôle que son géniteur, le Pr Joseph Ki-Zerbo, et ses compagnons ont joué dans l’histoire politique et intellectuelle de notre pays, a su contribuer à l’animation politique du Burkina aussi bien à l’Assemblée nationale que dans les milieux extraparlementaires.

Que se passe-t-il donc pour que ce poil à gratter du parti majoritaire tombe dans des querelles byzantines, qui ont pour conséquences la démission d’un député et pas des moindres, le départ du congrès de deux importantes personnalités et l’existence d’une ambiance de malaise interne, dont le parti aurait dû faire l’économie ? Proposer une réponse à cette question peut paraître prétentieux de la part de quelqu’un qui n’est ni militant, ni adhérent, ni sympathisant du PDP/PS.

En effet, a priori seules les personnes qui ont au moins un des statuts que nous venons de citer peuvent avoir des avis pertinents sur ce que traverse le parti du Pr J. Ki-Zerbo aujourd’hui.

Cependant, ce n’est qu’a priori seulement, car, dans nombre de cas de ce genre, les militants, les adhérents et les sympathisants ne savent pas tous tout ce qui se passe réellement, appartiennent chacun à un courant ou sont proches de tel ou tel leader ; si bien que cela altère parfois ou même souvent leurs jugements ou leurs perceptions de la réalité.

C’est pourquoi, en dépit des risques d’erreur qu’encourent les appréciations d’observateurs étrangers aux problèmes domestiques du PDP/PS, elles sont susceptibles de permettre au parti de se mirer, c’est-à-dire de prendre le recul nécessaire pour regarder autrement ses propres pratiques. C’est dans cette optique que nous nous permettons d’apprécier ce qui se passe au PDP/PS.

L’opposition mérite le respect

Dans pareils cas de figure, la tentation est grande de faire des procès faciles aux (précédents ou actuels) dirigeants de la formation politique concernée. Facilement, on entend dire : ‘’Ils auraient dû faire ci, ils auraient dû faire ça.’’ Même si cela peut se révéler vrai, il n’est pas certain que ceux qui parlent ainsi auraient pu, à la place des pauvres bougres de dirigeants, faire ce qu’ils recommandent ou veulent imposer : une chose est d’émettre des idées lumineuses, une autre est de savoir et de pouvoir les mettre en œuvre ; les bons théoriciens ne font pas nécessairement de bons praticiens.

Cela étant, il faut rendre hommage aux hommes et femmes de l’opposition en général et à ceux du PDP/PS en particulier pour le courage dont ils font preuve et les sacrifices qu’ils consentent pour proposer des solutions alternatives à nos problèmes.

Plus qu’ailleurs, s’engager dans l’opposition en Afrique et singulièrement au Burkina Faso n’est pas chose aisée. En tout cas, c’est plus difficile de s’opposer que d’aller dans le sens du courant majoritaire. Si fait que, même si on peut être en désaccord avec certaines idées et certaines méthodes de cette opposition, il faut lui vouer un respect sincère.

Quelques leçons à tirer

Cependant, ce respect ne doit pas nous faire perdre de vue que la mauvaise passe dans laquelle se trouve le PDP/PS aujourd’hui doit être disséquée, analysée et permettre de tirer quelques leçons, dont certaines pourraient s’appliquer à l’ensemble des partis politiques du Burkina.

La première leçon qu’on peut tirer est que, s’il est vrai que dans le rapport dialectique qu’il y a entre l’individu et le groupe, le rôle du groupe est, en dernière analyse, déterminant, les problèmes actuels du PDP/PS sont d’abord dus à l’absence de J. Ki-Zerbo.

Autrement dit, l’ascendance qu’il avait sur le groupe était si puissante (bien que ce fût un individu) qu’il était, dans une certaine mesure, déterminant pour l’unité du parti. On sait que d’autres partis, comme l’ADF/RDA, le CDP, l’UNIR/MS, etc., pourraient connaître le même sort si les leaders qui constituent leur ciment venaient à quitter ces formations politiques.

En même temps, cela repose le problème du "dauphinat". A trop construire son parti autour de sa propre personne, on finit par ne pas permettre à ce parti de survivre au départ de son leader : pas de mécanismes démocratiques dans lesquels tout le monde se reconnaît, pas de possibilité d’émergence d’autres dirigeants…

La deuxième leçon est qu’en dépit des années qui se sont écoulées, les greffes qui se sont opérées pour donner naissance à l’actuel PDP/PS n’ont pas pris. La preuve la plus éclatante est donnée par le dima (même s’il n’a pas encore quitté formellement le parti) qui, avec le Front de refus RDA du regretté Joseph Ouédraogo, s’est allié en 1978 avec l’Union progressiste voltaïque (UPV) de J. Ki-Zerbo pour engendrer le Front progressiste voltaïque (FPV).

Depuis, il avait toujours été membre des partis politiques créés par ce dernier : de la CNPP/PSD au PDP/PS en passant par le PDP. Ici aussi, les autres partis pourraient méditer sur la problématique des fusions et des alliances.

La troisième leçon, qui rejoint quelque peut la première, c’est que le carnet d’adresses d’un J. Ki-Zerbo et les sources de financements directs ou indirects dont il pouvait bénéficier ici et là renforçaient l’audience du parti au sein de l’opinion publique et rassuraient les militants. Ce dernier parti, il n’est pas certain que la bonne volonté du Pr Ali Lankoandé ou de François Kaboré soit suffisante pour convaincre. Une leçon à méditer par tous.

La quatrième leçon concerne le combat des personnalités en termes de profil psychologique et de trait de caractère. On sait que dans tout groupe social, les personnalités des individus se livrent des batailles multiformes (féroces, douces, souterraines, etc.) pour le contrôle du groupe jusqu’à ce qu’une personnalité dominante s’en dégage.

Le défunt Ki-Zerbo a pu faire prévaloir sa personnalité jusqu’à sa mort. Un retour dans l’arène s’imposait alors à tous ceux qui prétendaient pouvoir commander à la troupe. Le dima de Boussouma et O. F. Ouédraogo ont apparemment perdu. Nous n’insinuons pas qu’ils ont eu tort, car, en politique, on peut avoir raison sans que le rapport de force sur le terrain soit à votre faveur.

L’enfer après le purgatoire ?

Par optimisme ou par manque de prise en compte de la réalité, on peut dire que tout va bien au PDP/PS. Par pessimisme, on peut affirmer que c’est la descente aux enfers pour ce parti. Mais par réalisme, il faut reconnaître que c’est dans une sorte de purgatoire que se débat cette formation qui, jadis, était le premier parti de l’opposition au Burkina.

Nous sommes plutôt partisan de cette dernière perspective, car les nouveaux dirigeants sont apparemment conscients des défis qui les attendent. En en étant conscients, ils peuvent se mettre en position de recherche des solutions. En outre, étant donné que tout parti politique de cette trempe qui va mal est un pan de la démocratie qui bat de l’aile, il n’est pas judicieux de prédire ou de souhaiter sa désintégration.

Cependant il convient d’attirer une fois de plus l’attention des responsables du PDP/PS sur la réalité des dangers qui planent sur leur parti et sur le fait qu’entre le purgatoire et l’enfer, il n’y a qu’un pas, que le moindre geste manqué pourrait leur faire franchir au grand dam de leurs militants et de la démocratie.

Z.K.

L’Observateur

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