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Centrafrique : Le retour annoncé de l’Ange

Publié le vendredi 28 novembre 2008 à 01h05min

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République Centrafricaine (RCA). Ce pays de l’Afrique centrale fait partie des Etats africains dirigés par des régimes répressifs et qui connaissent permanemment des troubles socio-politiques. En effet, depuis son indépendance en août 1960, cette ancienne colonie française, qui abrite d’ailleurs une des cinq bases militaires de l’Hexagone en Afrique, a vu passer au Palais de Bangui, la capitale, des présidents qui ont géré le pouvoir d’une main de fer puis ont été écartés du fauteuil suite à un coup d’Etat ou à une rébellion armée.

Rappel historique :

- mars 1959, le premier chef de l’Etat, Barthélémy Boganda, considéré comme le père de la Nation, est victime d’un crash d’avion dont les circonstances n’ont pas été élucidées. Son successeur, David Dacko, est lui aussi chassé par un certain Jean-Bedel Bokassa, qui se proclame empereur à vie en 1977 avant d’être renversé par l’Armée française à travers l’opération « Baracuda », qui réinstalla David Dacko au Palais présidentiel ;

- 1982 : David Dacko est de nouveau contraint d’abandonner son fauteuil à l’issue d’un coup d’Etat mené cette fois par le général André Kolingba, qui instaura un régime militaire. Avec le sommet de la Baule, le courant de la démocratie, qui souffle sur le continent, traverse le fleuve Oubangui-Chari amenant la RCA à s’ouvrir au multipartisme, qui a permis à Ange Félix Patassé d’être élu à l’issue d’une élection présidentielle.

Mais il est lui aussi confronté au quotidien à des troubles socio-politiques, et malgré l’intervention de la Communauté internationale avec l’envoi d’une mission des Nations unies (MINURCA), l’ancien chef d’état-major de Patassé, François Bozizé, soutenu par le Tchad d’Idriss Deby, profite d’un voyage du Président de la République au Niger pour s’emparer de la capitale. Depuis donc le 15 mars 2003, Bozizé est l’homme fort de Bangui.

Toutefois, son ère, à l’instar de ses prédécesseurs, n’est pas de tout repos, obligé qu’il est de combattre les rébellions emmenées par le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) d’Abdoulaye Miskine, l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD), présidée par l’ancien ministre de la Défense Jean-Jacques Demafouth et par l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) de Damane Zakaria ; trois groupes armés redoutables qui troublent constamment le sommeil de François Bozizé, lequel sollicite l’Eufor (Force européenne) pour renforcer les effectifs militaires français et africains de la Force multinationale de la CEMAC lors de son récent séjour en France, où il a été reçu par Nicolas Sarkozy.

Dans la foulée, Bozizé, qui avait signé un accord de paix en juin 2008 avec l’APRD et l’UFDR à Libreville au Gabon, prévoit l’ouverture d’un « dialogue politique inclusif » du 5 au 22 décembre prochain, qui va réunir les acteurs politiques de toutes obédiences (pouvoir, opposition, société civile et rébellions) pour qu’enfin ils fument le calumet de la paix et reconstruisent le pays, dont les fils ont souffert et souffrent toujours de ces conflits à répétition alors qu’ils n’ont pas fini de gérer leur pauvreté et de lutter contre la pandémie du Sida, qui y a l’un des taux les plus élevés de l’Afrique.

Une loi d’amnistie a été adoptée par le Parlement à cet effet qui prévoit que « toutes les infractions commises par les éléments des forces de défense et de sécurité, les autorités civiles et militaires, les responsables des groupes politico-militaires se trouvant sur le territoire national ou en exil » ne feront pas l’objet de poursuite judiciaire.

Et la loi de citer comme personnalités amnistiées l’ex-président Ange Félix Fatassé, son ancien ministre de la Défense Jean-Jacques Demafouth et Abdoulaye Miskine. L’annonce de la tenue de cette rencontre et les garanties du régime ont fait sortir Patassé de son silence. En effet, après sa destitution par Bozizé, l’ancien chef de l’Etat centrafricain avait trouvé refuge au Togo, où il nourrit l’espoir de retrouver un jour son fauteuil.

Le dialogue politique inclusif est une aubaine pour lui de rentrer au pays afin de négocier des accords qui lui permettront sans doute de se présenter à l’élection présidentielle de 2010, lui qui avait été exclu du scrutin précédent. On se rappelle, en effet, qu’en 2005, sa candidature, en plus de celles de l’ancien Premier ministre Martin Ziguélé et de Jean-Jacques Demafouth, avait été rejetée par la Commission électorale, ce qui avait permis à l’actuel président de se faire élire sans une opposition digne de ce nom.

A coup sûr donc, cette question des candidatures sera l’une des attractions de ce forum si Bozizé parvient à l’organiser avec le consentement des principaux acteurs, surtout que les hommes d’Abdoulaye Miskine continuent de faire crépiter les armes, de tendre des embuscades et de piller les populations. Qu’à cela ne tienne, la volonté de promouvoir le dialogue est déjà quelque chose de gagné.

Et s’il a lieu, ce sera un pas vers le retour de la paix. Espérons que les différents belligérants parviennent à un accord politique acceptable, réaliste et réalisable qui fasse sortir les Centrafricains du purgatoire. Dans tous les cas, son initiateur François Bozizé sait mieux que quiconque que l’exclusion et le clanisme font le nid des putschs et des mouvements armés.

Adama Ouédraogo Damiss

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