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L’Union Européenne dans la province du Nahouri : Du désespoir absolu au développement local pour des populations sinistrées

Publié le lundi 24 novembre 2008 à 10h26min

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Ils avaient tout perdu à l’issue des inondations du mois d’aout 2007. Aujourd’hui, les populations des communes de Pô et Tiébélé dans le centre sud du Burkina, renoue avec l’espoir ; mieux encore, elles sont engagées dans un processus de développement des communes de la province du Nahouri.

Ce sont donc des mines réjouies, des chants et des danses qui ont accueilli la délégation des porteurs du projet Post Inondation d’Appui à la Sécurité Alimentaire (PPASA) les 20 et 21 Novembre derniers pour un suivi de l’avancée du projet. L’ONG SOS SIDA, porteuse du projet, l’ONG Christian Aid, la cheville ouvrière et l’Union Européenne la pourvoyeuse de l’essentiel des fonds ont pris connaissance de l’état de satisfaction des populations. Parcours à travers champs et témoignages poignants étaient au rendez vous.

“J’ai perdu 6 hectares de maïs, 3 hectares de mil 105 volailles, et plusieurs hectares d’arachides dans les inondations“ ; ainsi s’exprime Allobou Kobina, dans le village de Bougiera. A son image, ils sont estimés à plus de 150 000 sinistrés des inondations de 2007. Des maisons écroulées, des animaux emportés ou tués et même des pertes en vies humaines. Aujourd’hui, les choses ont véritablement changé : des périmètres ont été aménagés pour les différentes spéculations et des puits creusés pour le maraichage et les cultures de contre saison. 91 hectares de cordons pierreux ont été réalisés dans les villages de Kabrikogagogo et de Kaloa entre autres.

Là à Kaloa, les bénéfices de la formation et de l’appui technique du projet sont visibles dans les champs. La culture en ligne du sésame à remplacer la culture au vent pratiquée autrefois. Le rendement est sans commune mesure, de l’avis même des bénéficiaires. C’est à Bougiera que commence la visite de la délégation conduite par Amadou Hébié de l’Union Européenne. Forte procession dans les champs de choux et de piments, une denrée fortement prisée par les voisins ghanéens à seulement 2 km de l’autre coté de la frontière. Des coups de pioches nourris nous signalent la présence de travailleurs dans les environs. Non loin du lit de la rivière Sossoué un Homme s’acharne sur le fonds d’un trou d’environ 4m de profondeur. Il s’agit d’un puits maraicher, explique Mariam Topan, la Coordonatrice du PPASA. “Sur l’ensemble des 101 hectares de périmètres maraichers que nous prévoyions d’aménager, il est prévu la réalisation de plusieurs puits de ce genre“, nous explique t-elle. Plus loin, effectivement, de part et d’autres des berges de la rivière, s’activent des villageois dans la réalisation de ces puits. C’est par des encouragements aux travailleurs que prend fin cette première visite à travers champs. Avant la visite des autres localités tel que Koyou, Lo caloa et Kabrikogagogo, direction avec toute la délégation à la rencontre des villageois et de leur chef. Eau de bienvenue, mot du chef de village, témoignage de la représentante des femmes, du représentant des producteurs et de celui des jeunes. C’est le cérémonial qui d’ailleurs, à quelques variantes près, va se reproduire à l’identique dans tous les villages visités.

“Après les inondations, je pleurais, mais vous avez essuyé mes larmes “ ; c’est ainsi que s’exprime le chef du village de Kabrikogagogo, à l’endroit de Amadou Hébié, chargé du programme Sécurité Alimentaire de la Commission de l’Union Européenne. Dans ce village gourounsi aux habitations éparses la fête bat son plein. Une assemblée en forme circulaire est vite constituée autour du hangar sous lequel sont installées les autorités coutumières de la région, en compagnie de la délégation conduite par le représentant de l’Union Européenne. Après le chef de village, c’est autour de la représentante des femmes d’exprimer la satisfaction de ses consœurs. “Une fois n’est pas coutume, dans le projet PPASA, les femmes sont impliquées et cela à tous les niveaux“, se félicitera t- elle. Après elle, voici venir le représentant des producteurs du village. “Si j’étais une femme, je serai reparti avec vous“, tel fût son propos de conclusion au chef de la délégation, pour signifier l’immensité de la satisfaction générale. Satisfaction traduite également en musique ; ce fût d’abord les hommes qui un pied en l’air et l’autre après, le dos cambré, les avant bras repliés vers la poitrine, qui exécutèrent le danse typique des gourounsis. A cette démonstration physique succéda la danse de la grâce amenée par la gente féminine. Chant de remerciement et génuflexions en furent les ingrédients.

Pour Amadou Hébié qui a été fait guerrier gourounsi avec l’arc, le carquois rempli de flèches et autres présents, la satisfaction de la population est aussi la sienne. Les populations auront retenu son engagement au nom de l’Union Européenne, à toujours les soutenir dans le processus de développement engagé. Ce voyage fût aussi un moment de découverte culturelle. Quand par exemple invités dans la concession du chef pour un repas convivial, les uns et es autres demandent : “ou se trouvent la porte d’entrée ?“ et bien il n’y en pas. Pour acceder aux concessions gourounsis de la région, il faut enjamber un mur d’environ 1m de haut. Temps fort également quand à l’aide de flèches, des jeunes hommes se transpercèrent la langue, sans qu’il n’y ait aucun écoulement de sang.

Du Cash for Work pour l’urgence et de la formation pour le future.

17.000 FCFA par personne, c’est la somme que l’équipe du projet a déboursé pour faire face à l’urgence, après les inondations dévastatrices du mois d’août 2007.Cette nouvelle approche dénommé Cash for Work est utilisée en temps de crise. Le Cash for Work consiste dans le cadre de ce projet à embaucher un certain nombre de villageois pour la réalisation des cordons pierreux et pour la construction des puits. Ces personnes étant choisies parmi les plus démunis et le choix permettant que tous les ménages soient pris en compte. Elle a permis de donner aux ménages de quoi acheter des vivres pour leur survie immédiate. De l’estimation de l’équipe de Coordination du projet PPASA, cette somme permet de subvenir aux besoins d’une famille de six personnes pendant la période de soudure. Plus de 1.500.000 FCA, ont été distribués pour cette opération. En plus de la distribution de vivres et de couverture, de l’aide à la reconstruction des habitations et de la fourniture des articles scolaires dans l’urgence, le Cash for Work permet de jeter les bases de la réhabilitation à long terme, pour que même en cas de catastrophes pareilles les populations ne soient plus aussi démunies.

C’est dans ce cadre que le PPASA a initié les formations des producteurs en techniques culturales maraichères, notamment dans l’utilisation des fertilisants et dans la réalisation des cordons pierreux. Au compte de l’élevage, 7 vaccinateurs villageois ont été formés et équipés et ils en sont aujourd’hui à plus de 95% de la volaille vaccinée. Pour le responsable de SOS SIDA, la structure qui a conduit les opérations à la base, la province du Nahouri regorge d’énormes potentialités qui vont dans un proche avenir être mis en exergue. Bien connue pour la culture d’ignames et de patates, cette région produit également du sésame qui est une spéculation de plus en plus prisée. Du fait de la relative inaccessibilité de la zone, à cause des routes défectueuses, le PPASA, envisage l’organisation de foire, pendant lesquelles et en un même lieu, producteurs et acheteurs pourraient se rencontrer pour les transactions. C’est donc dire que le PPASA ambitionne d’être un véritable levier économique pour la province.

Le PPASA ou l’exemple réussi d’un partenariat multilatéral

Union Européenne, Christian Aid, SOS SIDA et services techniques de l’Etat, tels sont les acteurs de la réussite de ce projet Post Inondation d’Appui à la Sécurité Alimentaire (PPASA). La solidarité des peuples européens à l’endroit des victimes des inondations qui s’est traduite par le décaissement de la somme de un million d’euros a rencontré l’expertise de l’ONG Britannique Christian Aid, dont le responsable à Ouagadougou, Jérémie Ouangraoua, soulignera qu’elle n’agit pas elle-même sur le terrain, mais fait plutôt confiance aux structures locales. D’où l’intervention de SOS SIDA. C’est l’ONG SOS SIDA qui a d’ailleurs l’habitude de travailler avec les populations de la zone qui a initié ce projet, en conduisant les secours d’urgence. La réussite de ce projet, comme l’ont souligné les différents acteurs, est tributaire également de l’appui des services techniques de l’Etat qui se sont impliqués notamment dans la formation des producteurs et des vaccinateurs villageois.

Cet exemple ne fait pas lésion car bien souvent, les structures associatives et les services étatiques agissent de façon parallèle au risque de ne pas être efficace. Madeleine Bonzi la Haut Commissaire de la province du Nahouri, n’a pas manqué de saluer d’ailleurs cette coopération, notamment lors de la remise de matériels d’une valeur de 13.895.000 FCFA, composé de brouette, pèles, et autres outils aux producteurs des 11 villages concernés par le projet. Cette remise de matériels qui a mis fin à la visite de la délégation conduite par le représentant de l’Union Européenne Amadou Hébié, s’est tenue devant la préfecture de Tiébélé en présence des autorités de la région, des chefs costumiers et des populations bénéficiares.

Tout n’est pourtant pas comme au pays des merveilles !

“Nous avons beaucoup d’enfants, mais seuls 5% d’entre eux vont à l’école parce que nous n’avons pas de salles de classe“ ; “Nos femmes souffre beaucoup quand elles sont enceintes ; il faut les trimballer en charrette sur de longues distances avant d’atteindre un centre de santé“. Ces paroles nous les avons entendus dans pratiquement tous les villages parcourus ; si les besoins nutritionnels des populations semblent avoir été remplis, les préoccupations se sont déplacées. Mais les responsables de la délégation se sont engagés à examiner toutes ces doléances. Et il fallait beaucoup plus que cela pour entacher ce qui aura été deux magnifiques jours de fête en pays gourounsi. Nous retiendrons ces paroles d’un chef d’un des villages vilités : “Nous sommes contents d’avoir réussi à vous accueillir ainsi, parce que l’année passée nous n’aurions ni eu les moyens, ni la force de le faire“.

Herman Nazé

Lefaso.net

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