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MEDIATION EN RD CONGO : Que pourra faire Obasanjo ?

Publié le mardi 18 novembre 2008 à 01h32min

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Ils la qualifient tous deux de "très positive". Au terme de sa rencontre avec le chef rebelle congolais, Laurent Nkunda, le nouvel émissaire des Nations unies pour le conflit qui ravage l’est de la RDC, Olusegun Obasanjo boucle la première étape de sa mission sur une note optimiste. Certes, les discours pacificateurs ne sont pas encore suivis d’effet sur le terrain où l’on a encore enregistré de violents combats.

Mais l’apparente disponibilité d’esprit du chef rebelle, et l’intention affichée de ce dernier de poursuivre les négociations, indique que rien n’est encore perdu. Laurent Nkunda ne se montre pas fermé au dialogue et c’est tant mieux. Le médiateur onusien ne fait pas irruption dans un domaine totalement inconnu pour lui. Pour avoir consacré une partie de son agenda aux règlements de conflits africains, du temps où il assumait les fonctions de président en exercice de l’Union africaine, il a certainement appris à se faire la main en diplomatie. Sous cet angle, on peut dire que Obasanjo dispose d’un capital d’expériences a priori suffisant pour conduire les frères ennemis congolais sur la voie du dialogue et de la réconciliation.

Cependant, jusqu’où l’émissaire des Nations unies pourra-t-il aller ? La question n’est pas sans objet dans la mesure où le pouvoir de Kinshasa ne veut s’en tenir qu’à l’application stricte et intégrale de l’accord de Goma, comme si Kinshasa voulait continuer à fermer les yeux sur les nouvelles réalités du terrain militaire, qui ne sont pas en sa faveur. En tout état de cause, si cet accord n’a pas réussi jusque-là à résoudre la crise, c’est que celui-ci a besoin d’être revu et corrigé, sinon laissé de côté pour tenir compte du nouveau contexte. Vouloir croire, comme le fait le pouvoir central, que tout est dans cet accord et que toute solution ne proviendra que de cet accord, relève d’une mauvaise appréciation de la situation.

Et vouloir l’imposer à Laurent Nkunda ne peut que se révéler inopérant. La rencontre entre le chef rebelle et Olusegun Obasanjo a permis aux deux hommes de se mettre d’accord sur un certain nombre de points dont Kinshasa vient de prendre connaissance. Pour autant qu’elles aient été faites en toute sincérité, les propositions de Laurent Nkunda pour une sortie de crise, ne doivent pas être balayées d’un revers de main par le pouvoir congolais. Celui-ci devrait y accorder toute l’attention nécessaire, et changer le regard qu’il a toujours porté sur le rebelle congolais et ses troupes : un ramassis de bandits qui ne devraient pas mériter d’attention particulière. Cette position renseigne d’ailleurs sur les raisons de l’absence du chef rebelle au sommet international sur la crise en République démocratique du Congo, à Nairobi.

L’ONU semble avoir été bien inspirée en dépêchant un émissaire chez Nkunda qui peut être aujourd’hui fier d’avoir obtenu sa reconnaissance de facto. Si l’organisation onusienne a pu faire le pas en allant au chef rebelle, rien ne coûte à Kinshasa de suivre les traces de l’organisation. Quant à Laurent Nkunda, il devrait davantage travailler à soigner son image si tel est vraiment son intention de faire la paix. Car, il faut bien reconnaître qu’il n’a pas toujours su, peut-être, à dessein, structurer sa démarche et poser des revendications claires et nettes. Il donne ainsi l’impression d’un chef de guerre aux revendications toujours fluctuantes et imprécises. Savoir réellement pourquoi les rebelles congolais ont pris les armes, c’est, pour la communauté internationale qui accourt au chevet de la RDC, se donner des chances d’aboutir à une solution négociée de la crise.

Mieux, c’est prendre de l’avance sur le temps parce qu’on sera parti cette fois-ci sur des bases claires. A quoi aboutiront les négociations menées par l’ancien président nigérian ? Obtiendra-t-il un nouvel accord qui contente les deux camps opposés congolais ? Et si accord il y a, de quelles garanties suffisantes Laurent Nkunda disposera-t-il pour ne pas devoir à répondre un jour devant une Cour de Justice internationale ? A l’évidence, le chef rebelle ne s’amusera pas à signer un accord qui, tout en le faisant tomber de son piédestal actuel, le fragilisera et pourrait même le mettre à la merci de la Justice internationale. Et si, d’une manière générale, chaque camp était, d’une façon ou d’une autre, forcé à se contenter d’un accord qui ne l’arrange pas, il faut craindre qu’ils ne soient amenés à signer un accord plutôt tactique, tout en cachant chacun un coutelas dans le dos.

La RDC, c’est connu, est un point de convergences de toutes sortes de convoitises. Aussi bien minières, géostratégiques et diplomatiques. Comment pouvoir se passer d’une guerre aux enjeux multiples ? Comment arriver à y mettre fin quand des pays voisins comme le Rwanda s’amusent à jouer les pyromanes, dans l’attente toujours renouvélée de tirer profit d’un gigantesque désastre en RDC, véritable scandale géologique ? Comment ramener la paix tout en permettant à un pays pauvre comme le Rwanda de s’en sortir ? Voilà des questions essentielles auxquelles la communauté internationale devra rapidement trouver des réponses si elle ne veut pas continuer à assister au triste spectacle d’un pays dépecé par ses nombreux prédateurs.

"Le Pays"

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