LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

SOUMANE TOURE : "Philippe Ouédraogo ne veut pas reconnaître sa honte"

Publié le mardi 18 novembre 2008 à 01h33min

PARTAGER :                          

Soumane Touré

Le 11 novembre 2008, l’affaire PAI (Parti africain de l’indépendance) était citée à l’audience du Conseil d’Etat. Mais ce jour-là, il y avait deux procédures d’appel, autour du même dossier. De ce fait, le Conseil s’est vu obligé de renvoyer le dossier sine die, afin de procéder à une "jonction des procédures". Cela fait huit ans que dure la bagarre entre les anciens camarades du PAI, divisé aujourd’hui en deux clans rivaux qui sont respectivement dirigés par Philippe Ouédraogo et Soumane Touré.

Chacun réclame la propriété du parti. Mais, malgré le fait que l’affaire n’a toujours pas été tranchée juridiquement, Soumane Touré, lui, a pu se présenter aux élections sous la bannière du PAI. En attendant d’être reçu par Philippe Ouédraogo qui nous a donné rendez-vous le mercredi 19 novembre prochain, nous vous proposons l’entretien que nous a accordé Soumane Touré à son domicile, le mercredi 12 novembre 2008. Sans passer par le dos de la cuillère, Soumane Touré accuse "les Philippe" (puisque c’est ainsi qu’il appelle ceux du camp adverse) d’être à l’origine de la discorde. De même, il évoque l’implication du ministres Clément Sawadogo, Yéro Boly, Bernard Nabaré et Moumouni Fabéré dans le dossier.

Le Pays : Le mardi 11 novembre dernier, le Conseil d’Etat avait à son rôle l’affaire PAI. Mais vous n’étiez même pas présent dans la salle, alors que vous avez vous même fait appel. Pourquoi cela ?

Soumane Touré : Ma présence n’était pas obligatoire à l’audience, elle ne l’a jamais été. J’ai un conseil et en droit administratif, la procédure est une procédure écrite. A la limite, on peut même dire qu’après l’échange des écrits, le juge peut même rester dans son cabinet et trancher l’affaire, au vu des arguments des uns et des autres. Donc, ce n’est pas un manque de respect envers qui que ce soit. A partir du moment où j’estime que je suis bien représenté par mon avocat et que celui-ci m’a toujours donné entière satisfaction, parce qu’il est très professionnel, ma présence n’était pas nécessaire. D’ailleurs, si vous avez bien suivi l’affaire, ce n’est pas la première fois que je ne me présente pas au tribunal.

Selon l’appel que vous avez interjeté, le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation et Philippe Ouédraogo sont vos adversaires. Que reprochez-vous au MATD et à votre ancien camarade de parti ?

Attention ! Ce ne sont pas des individus que j’attaque ; cela ne se fait pas devant le tribunal administratif. Ce sont des actes administratifs qui sont en cause et il faut juger de leur validité ou de leur non validité. Ce sont les tribunaux qui ont annulé des récépissés à nous qui sont des actes administratifs, sans motiver leur décision. C’est ce qui nous a poussés à aller d’appel en appel, jusqu’à ce niveau.

Selon les tribunaux, vous n’avez plus droit au récépissé du PAI...

C’est là où vous vous trompez justement. Les tribunaux n’ont jamais décidé cela. Il faut chercher à savoir si depuis huit ans, nous disposons d’un récépissé valable ou pas, un récépissé qui n’a pas été remis en cause par un tribunal. Moi je dis que nous en disposons, puisque pour aller aux élections, il faut avoir un récépissé en bonne et due forme. Nous avons fait acte de candidature aux élections présidentielle en 2005, locales en 2006 et même lorsqu’il y a eu reprise des municipales à Pô. De même, nous avons pris part aux élections législatives.

Nous avons des élus, ce qui veut dire que nous disposons d’un acte administratif en bonne et due forme pour représenter le PAI. Philippe Ouédraogo n’a jamais disposé d’un acte pour représenter le PAI, il n’en n’aura pas. Dès le premier jugement, le président du tribunal a pris deux décisions. Premièrement, il a dit que Philippe n’avait pas droit au récépissé. Mais le juge décidait aussi que le récépissé que nous avions était annulé. Il n’a jamais expliqué pourquoi. Nous avons fait appel de la décision et cette procédure a abouti à la chambre administrative de la Cour suprême et dont le président n’a fait que confirmer les premières décisions du juge. Donc, Philippe n’a pas droit à un récépissé. Notre récépissé est également annulé. Ce jour-là, je disais au président Venant Ouédraogo que le PAI n’est pas un monstre pour être sans tête ou avoir deux têtes. Mais, le MATD qui est chargé de la police des partis, tire les conclusions. Selon les statut et règlement intérieur du PAI et selon la loi générale des partis politiques, un parti ne peut pas être sans direction, il faut y remettre de l’ordre.

Il redescend à ce moment-là au congrès que nous avons tenu en 1998. Dans ces dossiers, le dernier bureau, c’est moi qui le présidait, élu démocratiquement, en présence des Philippe Ouédraogo. Le MATD m’a écrit alors pour me dire de tenir un congrès pour régulariser la situation de notre parti. C’est ce que j’ai fait en convoquant le deuxième congrès extraordinaire. Il nous délivre récépissé pour cela. Philippe se présente à travers la presse, toujours comme s’il était la victime, pourtant il n’a jamais eu de récépissé, il n’en aura jamais. C’est nous qui avons toujours eu des récépissés que les gens faisaient annuler et nous avons toujours fait appel, parce qu’on annule sans jamais nous dire pourquoi. Au point même que le MATD ne sais plus ce qu’il faut faire. Donc, nous n’attaquons pas le MATD, c’est l’acte administratif que nous remettons en cause. Nous avons toujours dit que les actes administratifs posés par les prédécesseurs du ministre Clément Sawadogo étaient des actes valables et c’est pourquoi, dès le départ, le MATD et nous avions le même avocat, parce que nos intérêts étaient les mêmes.

Pourtant, dans la procédure d’appel que vous avez déposée au Conseil d’Etat, le MATD est dans le camp des défendeurs...

Il y a eu jusqu’à quatre ministres en charge de l’Administration qui ont traité l’affaire. Clément Sawadogo est le quatrième. C’est lui qui a décidé de changer d’attitude dans l’affaire en disant qu’il se désengage. On ne comprend pas pourquoi. Il devait assurer la continuité de l’administration. Comment le ministère qui a pris l’acte, peut venir par la suite dire qu’il n’est plus dans l’affaire ? Tant que cette affaire est attaquée devant les tribunaux, le ministre doit venir défendre l’acte qui a été posé, même si ce sont ses prédécesseurs qui l’ont signé. C’est le ministre qui a embrouillé la situation. Depuis son arrivée, son attitude n’a pas été correcte avec nous ; son attitude dans les élections locales et dans la mise en place des organes des conseils municipaux, ainsi que dans bien d’autres domaines, ont même été la source à une polémique entre nous. C’est cela qui le pousse peut-être à vouloir se retirer subjectivement de l’affaire. Vous vous rappelez, l’audience où notre avocat a ôté sa robe et a quitté la salle en signe de protestation. C’est le plus grand signe de protestation de la part d’un avocat, pour dire que vous êtes en train de faire autre chose que du droit.

Le Conseil d’Etat aurait dû rayer l’affaire de son rôle. C’est cela qui embrouille l’affaire. Et ce qui est dommage dans l’affaire PAI, c’est qu’au lieu de dire le droit, tout le monde a voulu faire de la politique, même les magistrats. Les ministres précédents, Boly, Nabaré, Fabéré, ont jugé de l’affaire dans leur cabinet, au regard des textes généraux sur les partis politiques, de nos statut et règlement intérieur et ont pris des actes administratifs, c’est-à-dire délivré récépissé. Ce sont les Philippe Ouédraogo qui ont amené l’affaire en justice. Et en justice, depuis le début de l’affaire jusqu’à aujourd’hui, on a voulu juger cette affaire sans tenir compte de nos statut et règlement intérieur, or il n’y a pas d’autres voies. On ne pouvait donc que tomber dans le subjectivisme et dans les impasses que nous connaissons aujourd’hui. Tout le monde veut faire de la politique dans l’affaire PAI au lieu de faire de l’administration, au lieu de faire du droit. Plus le dossier traîne, plus ça devient complexe. Aujourd’hui, on ne sais plus à quel stade nous sommes, et quels récépissés qui sont en cause, puisque les Philippe attaquent tous les actes administratifs. Peu importe. Mais figurez-vous que depuis 2006, de notre côté, nous avons tenu des congrès et les procès-verbaux de ces congrès ont même été déposés auprès du MATD.

Au juste, que s’est-il passé au sein du PAI pour que vous en arriviez à une bagarre judiciaire ?

L’affaire PAI, c’est un dossier qui traîne depuis huit ans. Il est arrivé un moment où les Philippe, eux, voulaient qu’on liquide le PAI. Ils ont estimé qu’on devait changer le parti, qui selon eux, était marxiste léniniste alors que, pour eux, le monde avait changé, etc. Nous avons refusé. D’abord, sous le Conseil national de la Révolution, les gens ont voulu que tout ce qui existait comme parti à gauche fusionnent ou disparaissent pour donner un seul parti, de sorte à créer un parti unique. A l’intérieur du PAI, nous étions opposés.

Le Front populaire est venu et a réuni tous les partis politiques existant dans le pays, à l’exception du PAI qui refusait. Ensuite, avec la chute du Mur de Berlin, certains ont estimé que c’était la fin du communisme et nous leur avons dit que s’ils estimaient que tout était fini, qu’ils partent ailleurs ou aillent créer un autre parti et nous laisser tranquille avec notre parti. C’est cette lutte qui existait à l’intérieur. Jusqu’en 1993, il ont voulu changer le parti en voulant changer son nom, etc. Mais nous avons maintenu notre position. Toutefois, tout cela consistait en des débats qui se passaient dans l’observance de nos statuts et de la démocratie interne. En 1995, Philippe revient avec une proposition de fusion avec l’ODP/MT. On lui dit merde. Et comme on devait tenir notre congrès en 1998, nous lui avons dit de se préparer, qu’on allait l’enlever de la tête du parti, parce qu’on ne pouvait pas y garder quelqu’un qui ne pense qu’à faire disparaître notre parti.

C’était clair. Les luttes à l’intérieur du PAI n’étaient pas cachées. C’est ainsi qu’à l’issue du congrès de 1998, j’ai été élu Secrétaire général du parti. Et le congrès a décidé qu’avant que le parti ne se prononce pour la présidentielle de 1998, il fallait attendre de voir ce qu’allaient devenir les revendications du G14, notamment par rapport à la création d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI), une CENI véritablement indépendante, je dis. Je souligne aussi que c’est le PAI qui a été le premier parti à proposer la création d’une CENI et c’est ainsi que Philippe est allé défendre cela devant la commission administrative de l’Assemblée nationale. Et il fallait aussi convoquer un comité central extraordinaire pour que le parti se prononce.

Avant même que nous convoquions ce comité central, au niveau du G14, les gens parlaient déjà de boycott de l’élection présidentielle. Ils font même un papier pour cela pendant que j’étais à Banfora pour la clôture d’un camp de jeunes. Dans le document qu’ils m’ont présenté à mon retour, ils disaient que les membres du G14 allaient boycotter toutes les élections, à compter de l’élection présidentielle de 1998. J’ai refusé de signer ; d’abord parce que le comité central extraordinaire que j’avais convoqué au sein de mon parti ne s’était pas encore prononcé, mais aussi parce que je ne savais pas quand cette décision avait été prise. Si j’avais signé, cela aurait supposé que j’avais engagé mon parti dans cette direction. J’ai donc demandé qu’ils enlèvent la phrase qui disait que nous boycotterions les élections, avant que je ne signe.

Quitte à ce qu’après, si le comité central de mon parti décidait du boycott, le parti fasse une déclaration pour dire qu’il rejoignait le G14. Les Philippe ont profité de cette occasion pour orchestrer une campagne de presse à mon encontre, disant que des gens avaient été achetés. Des procès d’intention ! Finalement, au cours du comité central, le parti a décidé, démocratiquement de boycotter l’élection présidentielle. Au cours des travaux du comité central, la position du parti était donc connue. Nous étions sur le point de continuer lorsque quelqu’un a demandé ce que le bureau pensait de cette décision. Il s’agit d’un ancien , en l’occurrence Amidou Coulibaly. Indignés par cette attitude, étant entendu que la décision qui avait été prise, et de surcroît à l’issue d’un vote, s’imposait à tout le monde. Il n’y avait vraiment pas lieu de demander la position du bureau. Néanmoins, le bureau a demander une suspension de cinq minutes, afin de se concerter pour donner son avis, qui devait être celui du bureau et non des individus composant le bureau.

A la suspension, tous les membres du bureau ont compris qu’il n’y avait plus la confiance, à cause de cette cabale organisée par les Philippe ; or, vous ne pouvez pas diriger une organisation si vous n’avez pas la confiance des autres. Et nous trouvions leur mot d’ordre de boycott absurde. Alors, le bureau a décidé de démissionner. Et le comité central a dû confier provisoirement, la direction du parti aux membres d’honneur. Ceux-ci étaient chargés de convoquer un congrès extraordinaire pour mettre en place un autre bureau. Au lieu d’un congrès extraordinaire, comme cela leur avait été demandé, c’est un comité central ordinaire qu’ils ont convoqué, ce après une année d’attente. C’est dans le rapport de ce comité central ordinaire qu’on découvre qu’une semaine après le comité, qu’ils se sont assis entre eux, et ont fabriqué un bureau. Ils ont coopté d’autres jeunes pour ajouter. Alors que nous autres, même les anciens responsables, ils ne nous ont pas convoqués à ce comité central-là, parce qu’ils savaient que devant nous cela n’allait pas passer.

A l’issue de leur comité central, ils ont même décidé de nous sanctionner, pour acte d’indiscipline répété. Alors que ce sont eux qui ont trahi les décisions du comité central extraordinaire, pour convoquer leur comité central ordinaire plus tard, à laquelle ils n’ont pas voulu de notre présence du reste. C’est à partir de ce moment que nous nous sommes plaints à l’administration territoriale, du fait qu’on nous avait sanctionnés arbitrairement, et que nos droits de militants avaient été bafoués. Sans oublié qu’il avaient trahi une décision des instances du parti qui leur donnaient mandat pour convoquer un congrès extraordinaire. Le MATD, ayant vu la justesse de notre requête, en se basant surtout sur les textes de notre parti, leur a suggéré de convoquer un congrès. Mais ils ont refusé. Alors, constatant que sa démarche qui visait la réconciliation, avait échoué, le MATD a alors décidé de se retirer. Cependant, dans leur affaire, il y avait une faille. La loi générale sur les partis politiques dit que tous changements dans la direction ou les statuts d’un parti doivent être signalés dans les quinze jours à l’autorité chargée de la police des partis.

Ils avaient fait leur petit coup après la tenue du congrès extraordinaire, ils ont fabriqué leur bureau, ils ont même publié la résolution du comité central dans la presse ; mais ils n’ont pas posé l’acte administratif qui consiste à déclarer au MATD, la démission du bureau, ainsi que les autres décisions qui avaient été prises. Cette déclaration n’étant donc pas faite, cela veut donc dire que c’est le bureau qui a été élu en 1998, dont j’étais le Secrétaire général, qui était toujours en place au niveau du MATD. Comme, ils ont refusé de convoquer le congrès, nous n’avons rien dit, mais j’ai repris mes responsabilités. Nous avons organisé un congrès extraordinaire et avons demandé au MATD de nous livrer un récépissé. Ce dernier prend ses responsabilités et nous délivre notre récépissé. Quand les Philippe à leur tour lui ont demandé un récépissé, il leur a expliqué qu’il s’était uniquement appuyé sur les textes du parti, et que le bureau qu’ils avaient installé était un bureau provisoire et ils n’avaient pas organisé du tout un congrès.

Le MATD a alors refusé de leur délivrer le récépissé. C’est là que les Philippe ont décidé d’amener l’affaire en justice, pour demander au juge d’obliger le MATD à leur donner un récépissé pour leur bureau provisoire et d’annuler le récépissé qu’il nous a donné après la tenue de notre congrès extraordinaire. Le juge décide d’enrôler l’affaire, Philippe en parle dans la presse, il donne même le jour où l’affaire doit passer, alors que nous n’étions au courant de rien, ni même le MATD. C’est carrément le jour même du procès qu’on a remis la citation à comparaître à notre avocat. Et comme le droit nous le permettait, nous avons demandé le renvoi du dossier sur huit jours. Voilà comment l’affaire PAI a débuté. Et le juge a cafouillé.

Dans un premier temps, alors que Philippe avait déjà donné la date du procès dans la presse, lui a nié avoir enrôlé l’affaire, finalement, c’est le jour du procès, à la date même indiquée par Philippe, que notre avocat a reçu la citation à comparaître. Puis, il prend deux décisions : la première a consisté au refus d’accorder le récépissé au groupe de Philippe, compte tenu du fait qu’il n’avait pas respecté le délai de déclaration au MATD ; la deuxième, il annule notre récépissé. En réalité, les Philippe voulaient nous faire sortir du PAI et en faire ce qu’ils voulaient, nous aussi, nous les avons fait sortir et démocratiquement. Nous avons exploité la faille qu’ils ont laissée et nous avons repris notre affaire. Philippe prétend que le bureau a démissionné, mais qu’est-ce qui constate cette démission ? L’acte élémentaire de gestion d’un parti qu’il devait poser, il ne l’a pas fait et c’est cela sa honte. Il ne veut pas le reconnaître, mais nous le savons. Ils oublient que, même glisser, ça fait partie de la lutte...

Propos recueillis par Lassina Fabrice SANOU

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique