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Mauritanie : La junte plie, mais ne rompt pas

Publié le lundi 17 novembre 2008 à 00h35min

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Au concert mondial de youyou qui a accueilli l’élection du 44e locataire de la Maison-Blanche, Barack Obama, premier président noir au pays de l’Oncle Sam, la voix de la junte militaire mauritanienne au pouvoir depuis le 6 août dernier s’est faite inaudible.

Car le Haut conseil d’Etat des forces armées et de sécurité, qui a osé renverser Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le premier président élu depuis l’indépendance de la Mauritanie en 1960, ne jouit certainement pas des qualités requises pour partager cette belle leçon de démocratie dispensée par les States.

Le général Ould Abdel Aziz, chef de la junte, après son forfait, a beau clamer que son entreprise n’est "nullement un coup d’Etat, mais une action destinée à sauver le pays" ; promis l’organisation prochaine d’élections libres et transparentes, l’unanimité semble faite sur la nécessité de la libération immédiate et inconditionnelle du président déchu et le rétablissement de l’ordre constitutionnel.

Seul Abdoulaye Wade, le Sénégalais, contre toute attente, et les zouaves du Parlement mauritanien se sont cru le devoir de jeter des lauriers aux putschistes du 6 août. Il est, en effet, aisé de se rappeler les voix concordantes de l’Union africaine (UA) et de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui ont bruyamment condamné le général frondeur et sa troupe ; mais surtout de l’Union européenne, qui a suspendu, jusqu’à nouvel ordre, toutes formes d’aide et de coopération avec la Mauritanie tant que les militaires au pouvoir ne se soumettront pas aux injonctions de la Communauté internationale.

N’avait-elle, d’ailleurs, pas le 20 octobre dernier accordé un mois à la junte pour rétablir l’ordre constitutionnel ? A jour J-2 de l’expiration de cet ultimatum, le statu quo ante prévaut à Nouakchott, même si le président renversé, Sidi Ould Cheikh Abdullahi, a, depuis jeudi, bénéficié d’un simulacre de liberté, consécutif à l’engagement qu’il aurait pris de tirer sa révérence de la scène politique mauritanienne.

Oui, simulacre de liberté, disons-nous, car, de sa résidence surveillée dans la capitale, il sera nuitamment transféré mercredi dernier dans son village natal de Lemden à quelque 200 km, d’où il sortira enfin de son mutisme pour porter un démenti cinglant à l’engagement qu’on lui prête.

Certes, dans son patelin, il a désormais la latitude de recevoir qui il veut, mais son éventuel retour au palais ne se fera pas avant la fin des temps. Pour les putschistes, la conservation du pouvoir constitue aujourd’hui une question de vie ou de mort, au sens propre comme au figuré.

L’on se demande, légitiment le sort qui leur sera réservé si jamais ils venaient à consentir de descendre de leur piédestal, à moins d’en être contraints. Un éventuel pouvoir ressuscité de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi saurait-il s’élever au-dessus de toues considérations pour accorder sa clémence à ses bourreaux d’hier ?

La communauté internationale serait-elle prête à consentir un exil doré aux anciens membres du Haut conseil d’Etat des forces armées et de sécurité ? Autant de questions dont les réponses, à l’heure où l’épidémie de la révision constitutionnelle fait rage en Afrique, pourraient inspirer plus d’un pseudo-démocrate, et décider des lendemains de l’Etat de droit sous nos tropiques.

Car, on peut s’en convaincre, c’est l’incertitude de l’après-règne qui contraint certains prédateurs constitutionnels à rester scotchés au pouvoir ad vitam aeternam.

Ainsi, si en Mauritanie la junte vient de se plier en élargissant son trophée de guerre, c’est son retour dans les rangs, pour ne pas dire les casernes, qui reste le moins sûr. Impasse et expectative donc à Nouakchott avant même ce 20 novembre, surtout après l’expiration de l’ultimatum européen, que d’aucuns souhaitent secrètement qu’il ne soit point du bluff. Le compte à rebours a commencé.

Bernard Zangré

L’Observateur Paalga

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