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Manifestations de rue en Guinée : Le devoir de violence ?

Publié le mercredi 12 novembre 2008 à 02h34min

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En cette fin d’année 2008, s’il y a un régime qui est constamment en butte à l’hostilité générale, c’est le pouvoir du général Lansana Conté de la Guinée Conakry. Un pays où plus rien ne va, et on se demande si son chef, qui est aux affaires depuis 1984, en est vraiment conscient. Là-bas, les manifestations de rue sont monnaie courante, et souvent ça tourne au vinaigre.

Toutes les couches sociales sont déjà descendues dans la rue pour se faire entendre sur la cherté de la vie : les douaniers, les policiers et même les militaires, qu’on croyait à l’abri du besoin, ont mis la honte de côté pour parler de leurs salaires, qu’ils estiment de famine, et surtout de subvention pour l’achat du riz.

Ils ont été entendus et depuis lors, le général pouvait dormir tranquille parce que, avec ces gens-là, tout peut arriver. Mais depuis quelques jours, il doit avoir encore le sommeil agité, puisque les troubles ont repris à Conakry, qui n’est pas cette fois livrée à la soldatesque.

Comme en d’autre temps, c’est la population qui est encore fâchée parce que la vie est de plus en plus chère. Poussée à la révolte, elle a paralysé la capitale le lundi 3 novembre dernier, en manifestant contre la cherté du carburant.

Le prix du baril ayant baissé d’au moins 60 pour cent sur le marché international, la population ne comprend pas pourquoi le gouvernement guinéen ne réduit pas le prix de l’essence à la pompe. Il faut dire qu’auparavant, il y a eu une réduction de 1500 francs guinéens, qu’on a trouvée insignifiante.

Conséquence : la situation s’est détériorée et dans certains quartiers, les jeunes gens ont barricadé les rues, brûlé des pneus sur les routes en vociférant des slogans hostiles au régime. Ils exigeaient ainsi un nouveau prix du litre d’essence à 2500 francs guinéens soit environ 250 FCFA. En plus de cette revendication, on dénonçait les délestages et la pénurie d’eau qui sévissent dans la capitale guinéenne.

Dans ce méli-mélo, l’intervention des forces de l’ordre ne s’est pas fait attendre pour disperser les manifestants à coups de gaz lacrymogènes, et parfois même de coups de feu. Aux dernières nouvelles, deux manifestants ont trouvé la mort et plusieurs personnes seraient blessées.

Mécontents de ce qui leur arrivent, des groupes de jeunes se mobilisent, se concertent souvent pas SMS afin de multiplier les troubles dans la ville. On voit à travers tout cela l’émergence d’un nouveau mouvement, dénommé Alliance nationale pour le changement (ANC), dont le leader préfère pour le moment rester dans l’anonymat.

L’effet Obama Barack est-il en train de gagner la jeunesse guinéenne, qui veut bouleverser l’ordre établi ? Voilà une question que doit certainement se poser le grabataire de Wawa. Bien que malade depuis plusieurs années, il a sans doute suivi ce qui s’est passé chez l’Oncle Sam, mais il doit se dire que la Guinée, ce n’est pas les Etats-Unis. Les marches répétées et les mêmes problèmes existentiels auront-il un jour raison de son régime ?

Avec la cherté de la vie, la population semble en avoir marre parce qu’elle n’arrive pas à vivre décemment. Se nourrir, se soigner à Conakry sont devenus de véritables problèmes, et à l’horizon tout est presque bouché.

Et pourtant, ce pays dispose d’un potentiel économique à même de lui permettre de juguler un tant soit peu la crise : avec près de la moitié des réserves de bauxite du monde, selon les estimations actuelles, la Guinée génère pas moins de 80 pour cent de ses devises grâce à l’exploitation de ce minerais et à la production d’aluminium, et la Banque mondiale prévoit que 20 milliards de dollars seront investis dans cette industrie en Guinée au cours des 10 prochaines années. Mais les Guinéens n’ayant guère profité des revenus générés jusqu’ici, cela va-t-il se faire avec Lansana Conté ?

La première richesse d’un pays, ce sont les hommes alors qu’en Guinée c’est toute autre chose, puisque tout est bloqué avec Conté, qui n’est malheureusement pas un esprit profond. Avec un tel homme, qui s’accroche au pouvoir à tout prix comme d’ailleurs les autres dans la sous-région, il faut être myope pour croire en des jours meilleurs.

A force pour lui de remanier son gouvernement au gré de ses humeurs, la population connaîtra toujours une existence aventureuse. Ce pays-là a besoin de sang neuf, et l’Afrique est fière de cet écrivain guinéen, Tierno Monénembo, de son vrai nom Thierno Saïdou Diallo, qui vient de recevoir le prix Théophraste Renaudot 2008 pour son livre Le Roi de Kahel.

Le Devoir de violence, c’est une œuvre du Malien Yambo Ouologuen, qui a été bien accueillie lors de sa publication en 1968. Un roman qui est toujours d’actualité et peut-être que l’ANC veut passer par la violence pour chasser le dictateur de Conakry. En politique, les sentiments ne se mesurent pas…

Justin Daboné

L’Observateur Paalga

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