LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Simon Compaoré : Un cow-boy dans la ville

Publié le mercredi 5 novembre 2008 à 10h03min

PARTAGER :                          

Simon Compaoré

Sur le registre de l’impertinence, on se permettrait volontiers de le comparer à Joe Dalton. Car dans la famille des Compaoré qui squattent l’espace public, c’est le plus activiste, le plus survolté, un « garçon pile », comme diraient nos beaux-frères Ivoiriens. Simon Compaoré, notre maire bien-aimé que toutes les capitales africaines nous envient, est toujours chargé à bloc, comme une pile « Alkaline ». Il vient encore de le démontrer ces jours-ci, avec la chasse giboyeuse aux faussaires de tout poil.

Ce fut d’abord les dealers de parcelles de l’arrondissement de Boulmiougou qui ont été mis au frais. Ces petits malins n’ont rien trouvé de mieux que de jouer au casino avec une question hautement sensible pour tout Burkinabè : celle des parcelles. Dans la nasse, il y a eu ainsi une demi-dizaine de personnes, dont un conseiller municipal et un agent de la mairie.

Le lendemain, c’étaient des dealers des boutiques non encore achevées de Rood-Woko qui étaient pris dans les filets du maire. Le chef de gang serait un certain Abdoulaye Compaoré ; un patronyme qui aurait attisé la colère du « courtmestre » de Ouaga. A quand la prochaine victime ? Cela ne devrait certainement pas tarder, car Simon Compaoré est en perpétuel mouvement. Avant ces derniers faits de guerre, il y avait eu la ronde des arrondissements pour des foires aux complaintes. Les populations des cinq arrondissements de Ouaga ont ainsi eu l’occasion de discuter en live avec l’édile de la ville. Au centre des débats, principalement l’incontournable question des parcelles. On peut douter que cela ait servi à grand-chose, quand on voit encore ce qui se passe.

En effet, si la démarche est à saluer, il est à se demander si elle a été payante. Car beaucoup de citoyens ont regretté l’absence de vraies réponses à leurs préoccupations lors de ces mini-TPR. Et quand on voit que dès le lendemain ce sont des collaborateurs de mairie qui sont arrêtés pour trafic de parcelles, cela veut dire que le message de fermeté et d’intolérance zéro en la matière que Simon a voulu faire passer n’est pas passé. Mais, c’est sûr, notre bourgmestre ne va pas baisser les bras pour autant. Car il est comme ça, Simon Compaoré. Toujours le cœur vaillant pour défendre « sa » ville.

Beaucoup de Ouagalais le savent, notre bourgmestre « 1200 volts » ne transige pas avec la propreté de sa ville. Simon aime « Simonville » à son bon ordre. Il n’est ainsi pas rare de le voir matinalement pourchassant un mauvais citoyen qui a jeté des ordures sur la voie publique ou des vendeurs ambulants stationnés à de mauvais endroits au mauvais moment. Ouaga est ainsi décrite par de nombreux visiteurs comme l’une des plus belles capitales de l’Afrique, et pour beaucoup, comme la plus propre. Cela est sans doute vrai, quand on ne va pas au-delà du boulevard Circulaire. Ou qu’on ne passe pas par Rood-Woko aux heures de pointe quand les petits débrouillards transforment la zone entière en un parking « arabe » où on a toutes les peines du monde à circuler. On se dit alors que Ouaga la rebelle a bien besoin d’un cow-boy dans son style. Car on peut lui reprocher son zèle de CDR mal reconverti, mais il faut lui reconnaître ceci : Simon Compaoré aime Ouaga et il veut que ça se sache. Seulement ?

Il y a quelques mois, on le disait fatigué, prêt à rejoindre un poste « reposant » d’ambassadeur, ou encore dans l’œil du cyclone, après Salif Diallo. Quelques analystes politiques prétendument bien introduits avaient annoncé son sacrifice imminent sur l’autel des ambitions présidentielles de François Compaoré. On avait même pronostiqué son remplacement éventuel par un certain Jean-Christophe Ilboudo (aujourd’hui aux Engagements nationaux comme successeur du défunt Arzouma Alphonse Ouédraogo) lors des dernières municipales. A tous ces mauvais augures, le shérif de Ouaga a survécu jusqu’ici. Car il en a vu d’autres.

L’actuel secrétaire général adjoint n’est pas né de la dernière pluie politique. Ancien directeur de cabinet de Blaise Compaoré avant Salif Diallo aux temps épiques de la Révolution, il a su endosser les habits démocratiques sans totalement abandonner son style CDR teinté de populisme villageois.

Capable de citer sans ciller Shakespeare ou les Saintes Ecritures, il peut, dans la minute qui suit, user d’un langage de charretier surprenant pour son auditoire. C’est cette sincérité parfois désarmante qui fait son charme à notre maire. Même s’il n’est pas innocent de calculs politiques. Car si les derniers faits-divers qui mettent au premier plan notre bourgmestre sont peut-être fortuits, il n’a pas manqué de s’en servir dans une stratégie d’occupation permanente de l’espace médiatique et public.

Avec un Salif Diallo, secrétaire général, en partance pour l’Autriche, donc loin des yeux et du cœur des militants, Simon est bien parti pour rester, au moins dans sa ville. Le congrès du CDP annoncé pour le premier trimestre de 2009 nous en dira plus. Les prochaines prises médiatiques du shérif nous en diront, elles aussi, peut-être un peu plus. A moins, qu’entre-temps, il ne se fasse lui-même prendre au lasso.

A. Traoré

Journal du jeudi

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique