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Vérité sur l’assassinat de Thomas Sankara : Que vaut la parole de Prince Johnson ?

Publié le mercredi 29 octobre 2008 à 00h04min

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Quelque deux semaine après le XXIe anniversaire de la disparition du capitaine Thomas Sankara, Président du Conseil national de la révolution (CNR) et de ses compagnons, le souvenir de cette tragédie a été rappelé la semaine dernière par l’ancien seigneur de guerre Prince Yormie Johnson ; un temps lieutenant de Charles Taylor patron du National Patriotic Front of Liberia (NPFL) avant de créer sa propre faction rebelle, l’Independent National Patriotic Front of Liberia (INPFL). Pour lui, le carnage a été commandité par l’actuel chef de l’Etat burkinabè, Blaise Compaoré, avec l’aval de l’ancien président ivoirien, Felix Houphouët-Boigny.

De l’eau est ainsi apportée au moulin de l’entourage familial et politique de l’ancien et défunt président. Ces propos du rebelle, évangéliste, homme d’affaires et politicien dans ses différentes vies seraient une preuve supplémentaire de la responsabilité personnelle de Blaise Compaoré dans les événements du 15 octobre 1987.

Du reste, l’avocat franco-camerounais de la famille Sankara, Me Dieudonné Nkounkou, précise qu’il pourrait utiliser ce nouveau témoignage devant la justice burkinabè.

On se souvient qu’en 2005, l’affaire avait été portée devant le Comité des droits de l’Homme de l’ONU après que la justice burkinabè a débouté les plaignants. Le verdict de ce Comité que « le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille, et la non-rectification de l’acte de décès [qui faisait mention d’une « mort naturelle », constituaient] un traitement inhumain à l’égard de Mme Sankara et ses fils » .

En avril 2008, le même Comité, suite à la réponse du gouvernement burkinabè, a estimé que ses exigences avaient été satisfaites par l’Etat du Burkina Faso.

Avec ce que l’on pourrait qualifier de révélations de la part de Prince Yormie Johnson, c’est un nouvel espoir qui naît du côté des défenseurs de la veuve et des orphelins de l’ancien.

CEUX QUI ONT PROFITE DU CRIME

Certes, il ne faut pas préjuger de la véracité ou non des propos de l’ex-chef rebelle, car les années 1980 sont de ces années si damnées dans la vie politique du Burkina Faso que tout était possible même si on ne peut fournir la preuve de ce qu’on avance ; certes, la mort de Thomas Sankara et de ses compagnons a profité à Blaise Compaoré ; sinon, il ne serait pas là où il est aujourd’hui. Ne pas reconnaître cela n’est pas juste.

Cependant, accorder ipso facto du crédit à ce que P. Y. Johnson a dit n’est pas non plus sage, car même s’il avait toujours été un saint parmi les saints, il aurait pu mentir ou se tromper sur ce coup-là.

Or, il est de notoriété publique que cet ex-chef rebelle, évangéliste, homme d’affaires et politicien est tout sauf un parangon de vertu dans la mesure où il s’est fait connaître en 1990 pour l’enlèvement, la torture et l’assassinat du président d’alors, Samuel Doe.

Un épisode sanglant filmé en vidéo, où on le voit assister au spectacle de ses hommes coupant l’oreille du président Doe, et qui intervint au tout début de près de 15 années d’une des guerres civiles les plus meurtrières du continent.

Même pour Stephen Smith, correspondant à l’époque de Radio France Internationale et de Libération, qui avait été arrêté à l’aéroport de Ouagadougou parce qu’il venait enquêter sur les événements du 15 octobre 1987 « Tout cela paraît comme une construction a posteriori.

Je serai quand même prudent .Il y a eu des enquêtes indépendantes sur place au lendemain de l’assassinat de Sankara. On sait qui a tiré sur lui. En tout cas, Prince Johnson n’était pas aux premières loges dans cette affaire. » (Journal Afrique Matin d’RFI du 28/10/08).

Quant au fait que le crime a profité à Blaise Compaoré, nous croyons honnêtement qu’il n’en est pas le seul même s’il est l’incarnation la plus parfaite. En effet, nous-même en avons profité et nous sommes presque sûr que nous n’aurions pas eu le parcours qui est le nôtre aujourd’hui si T. Sankara avait été toujours au pouvoir. Au plus, nous aurions peut-être été un petit enseignant à l’ISTIC.

Bien de sankaristes n’auraient pas non plus eu l’audience politique et l’aisance matérielle qui sont les leurs aujourd’hui si leur idole avait été encore de ce monde ; car ils ont très bien su monnayer le sankarisme. Pire, à force de chercher à le monnayer matériellement et politiquement, ils en sont arrivés à l’impossible union, engendrant une seconde mort de Thomas Sankara.

Retour au Collège de sages

Nous sommes dans un monde de droit imparfait certes, mais y a-t-il jamais quelque chose de parfait chez l’être humain même s’il faut travailler dans le sens de la perfection ? Ce qu’il importe certainement de faire, c’est que les spécialistes en la matière creusent cette nouvelle piste, si tant est que c’en est une.

En attendant, le gouvernement devrait retourner au rapport du Collège de sages afin de dépoussiérer et de mettre en œuvre certaines recommandations.

Sont de celles-là l’érection d’un mémorial dans tous les chefs-lieux de province en l’honneur de tous les fils de la nation victimes de la violence en politique d’une part et d’autre part d’un monument national aux morts, à la mémoire de tous les soldats de notre nation tombés sur les champs d’honneur. Concernant le défunt président du CNR, le lieu de sa sépulture doit être attesté et prouvé et une statue érigée à sa mémoire.

Ça fait près de dix ans que tout cela dure et on ne sait pas si la volonté politique existe de le faire. Parce ce qu’on le fait pas, les frustrations ressenties par une partie de la population burkinabè sont transmises aux générations suivantes et la fracture ne se cicatrise pas.

Elle attend seulement la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Et dans une société comme la nôtre, ce n’est pas être un prophète de malheur que de dire qu’un tel scénario-catastrophe peut arriver à tout moment.

Zoodnoma KAFANDO

L’Observateur Paalga

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