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Entreprise industrielle : Maîtriser les textes de l’OAPI, pour éviter les heurts

Publié le mercredi 30 juin 2004 à 07h04min

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Nombreux sont les opérateurs économiques qui ne savent pas toujours les dispositions juridiques notamment le droit des affaires. D’où les heurts liés à l’utilisation des marques et des labels quand ceux-ci mettent sur pied des unités industrielles.

Pour mieux comprendre les notions de la propriété intellectuelle dont la protection devient de plus en plus sévère avec la mondialisation, Sidwaya a rencontré M. Mathieu Hien mandataire agréé auprès de l’organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), conseil en propriété industrielle de la brasserie du Burkina (BRAFASO).

S. Qu’est-ce que l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle de même que la propriété intellectuelle ?

M. Mathieu Hien (M.H.) : L’OAPI, c’est l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle. C’est l’une des organisations africaines les plus anciennes. Elle a vu le jour en 1962 sous le nom de OAMPI, Organisation africaine et malgache de la propriété intellectuelle. Cette organisation s’est par la suite muée en 1977 avec la révision à Bangui de l’accord de Libreville (qui avait donné naissance à l’OAMPI) et qui a donné maintenant l’OAPI dont le siège se trouve à Yaoundé, capitale du Cameroun.

Schématiquement, la propriété intellectuelle est subdivisée en deux grandes branches : la propriété industrielle qui concerne les marques de produits ou de services, les brevets d’inventions y compris les brevets de médicaments, les circuits intégrés (puces de portables, dans les micro-ordonnateurs). Il y a aussi

les systèmes de protection des variétés végétales, les dessins et modèles industriels (les design) et les noms de commerce.

L’autre branche s’appelle la propriété littéraire et artistique communément appelés droits d’auteur. Avec le temps, il y a eu un nouveau domaine de la propriété intellectuelle qui est en gestation. Il s’agit du droit sur les savoirs traditionnels et sur le folklore. La législation à ce niveau, n’est pas encore établi, mais ce sont de nouveaux domaines qui vont connaître une expansion bientôt compte tenu de l’avènement de la mondialisation.

S. : Quel est le rôle exact de l’OAPI ?

M.H. : Le rôle de l’OAPI, c’est de protéger les droits de propriété industrielle. Il s’agit de la protection des inventions et innovations technologiques, les marques de produits et de services, les dessins et modèles industriels, les noms de commerce, les nouvelles variétés de plantes obtenues à partir des manipulations génétiques habituellement appelées OGM. L’OAPI joue également un rôle de valorisation de l’innovation. Elle aide certains innovateurs à réaliser des prototypes de produits d’invention ou d’innovation.

S. On entend souvent parler de marque et de label, y a t-il une différence entre les deux notions ?

M.H. : La marque et le label rentrent dans un cadre global que nous appelons les signes distinctifs. La propriété industrielle, c’est la fille du capitalisme. Qui parle de concurrence parle de distinction entre les produits. Et c’est à ce moment que l’on parle de marque ou de label. Le label étant conçu le plus souvent comme un signe appartenant à plusieurs personnes qui exploitent ou qui mettent un produit sur le marché, sous ce label. Le produit doit remplir des conditions de qualité certaine. La marque quant à elle, est un signe individuel, propre à un opérateur économique. Autrement dit, le label est un signe collectif. Il existe aussi des marques collectives. Tous ceux qui utilisent ce signe (label) doivent remplir certaines conditions imposées par le groupe et peut être même par les pouvoirs publics.

S. : Quelles sont les conditions pour mettre un produit sur le marché ?

M.H. : Les entreprises africaines le plus souvent n’ont pas le réflexe de protection de leurs produits. Lorsque vous voulez mettre un produit sur le marché, il doit avoir une certaine désignation ou appellation, car le plus souvent en réalité, ce n’est pas le produit que l’on vend en tant que tel, mais c’est la marque. Alors, il faut systématiquement protéger la marque de votre produit. Pour ce faire il faut toujours demander les services d’un conseil en propriété industrielle. Ce sont les intermédiaires entre les opérateurs économiques et les offices de propriété industrielle.

Ces Conseils qui sont peu nombreux, dans les pays membres de l’OAPI vous donneront toutes les informations nécessaires pouvant vous pemettre de protéger votre marque. Sans cette étape préalable, vous êtes un opérateur économique aventurier. Il faut donc nécessairement passer par un mandataire agréé auprès de l’OAPI avant d’entreprendre le lancement d’un produit. Ce n’est malheureusement pas le cas chez nos opérateurs économiques.

S. : Quels sont les avantages liés à la protection d’une marque ?

M.H. : Lorsque le signe est protégé, la personne qui l’a protégé en devient titulaire et personne d’autre ne peut l’utiliser sans son autorisation. L’utilisation se fait avec l’autorisation du propriétaire, du titulaire de la marque, après bien entendu des accords signés entre les deux parties. Si quelqu’un utilise une marque dont il ignore si elle a été protégée ou pas, (ce qui est généralement le cas), la personne court un grand risque. Dans ce cas, le titulaire de la marque peut vous interpeller pour que vous arrêtiez l’utilisation de sa marque.

S. : Peut-on utiliser la marque d’autrui et à quelles conditions ?

Oui, cependant un propriétaire d’un signe peut autoriser une tierce personne à l’utiliser. C’est ce qu’on appelle un "contrat de licence" avec des conditions requises par la loi. A ne pas confondre avec le "contrat de cession’’ par lequel vous cédez tous les droits qui accompagnent la marque.

S. : Dans quelles conditions parle-t-on de contrefaçon ?

M.H. : La contrefaçon, c’est lorsque vous reproduisez la marque de X ou Y déjà protégée et sans son autorisation. Mais lorsque ce signe n’est pas protégé, on parle d’imitation. Cependant, il faut faire la différence entre le produit et le signe qui l’accompagne. Si l’on prend par exemple Coca-Cola, le produit c’est la boisson, la marque c’est le signe Coca-Cola et la forme de la bouteille. La contrefaçon porte sur le signe et non sur le produit.

Malheureusement dans le domaine des technologies de pointe, on confond souvent le produit et la marque. Ainsi, lorsqu’on parle de Peugeot ou de Mercedès, l’on voit plutôt le moteur et non la carcasse ou la coque.

Alors si on veut pousser loin l’analyse, on dira que le signe protège et la marque et le produit.

S. : En cas de contrefaçon, quelles sont les dispositions que le titulaire de la marque doit prendre pour protéger son bien ?

M.H. : Lorsque quelqu’un se rend compte qu’il y a un produit dont les signes se rapprochent des signes qu’il utilise, la première chose, c’est de faire recours aux services d’un conseil en propriété intellectuelle ou d’un avocat et lui expliquer la situation. Dans le cas contraire, vous pouvez déposer une plainte auprès du tribunal. Mais il est toujours recommandé de se confier à un conseil ou à un avocat avant de saisir le tribunal. Le conseil agit dans le fond. Il connaît le droit de la propriété industrielle. L’avocat, lui, connaît la procédure puisqu’il plaide. Il faut toujours éviter le tapage, car les questions économiques sont souvent très complexes.

S. : Quelles sont les peines encourues en cas de contrefaçon et comment faire pour ne pas en être victime ?

M.H. : C’est le juge qui tranche le litige. Sa décision est bien entendu exécutoire. S’il faut radier la marque, on applique la procédure de l’OAPI qui aboutit à la radiation de la marque au profit de X ou Y. C’est pourquoi il faut toujours se rapprocher d’un conseil pour savoir si la marque que vous voulez utiliser est protégée ou non. Il y a des formulaires à remplir et des taxes à payer pour avoir l’information auprès de l’OAPI. Nous sommes actuellement dans un monde de haute concurrence, et certains peuvent se prévaloir d’un titre dont ils ne sont pas les titulaires. Alors, il faut toujours vérifier les faits auprès de l’OAPI. Et même au cas où vous êtes titulaire d’une marque, il faut suivre la vie de la marque. Si au bout de dix ans, vous ne renouvelez pas la marque, il ne faut pas croire que vous avez toujours des droits sur la marque, il y a beaucoup de délais en propriété industrielle qu’il faut absolument respecter.

On sait aussi qu’il y a des procédures d’intimidation de certains opérateurs économiques, raison pour laquelle il est bon de toujours vérifier la titularité de la marque.

S : En tant que conseil en propriété industrielle de la Brasserie du Faso (BRAFASO), comment voyez-vous le contentieux qui l’oppose aux Brasseries du Cameroun ?

M.H : Je suis surpris que l’affaire finalement, soit allée jusqu’à des saisies de boissons ; parce que toutes les dispositions avaient été prises pour retirer ces boissons et ne plus utiliser la marque "Top". Je pensais donc qu’on s’acheminait vers un arrangement à l’amiable. Voyez-vous le droit de la propriété industrielle dit que si une marque est protégée au profit d’une société ou d’une personne, la marque est valable dans tous les pays membres de l’OAPI, autrement dit, elle est valable au Cameroun et au Burkina. La loi dit encore que personne désormais ne peut utiliser le signe pour désigner des produits similaires dans tous les pays membres de l’OAPI.

Mais les textes de la propriété industrielle ont un fondement. Cela suppose que vous partagez le même marché. C’est ce que les juristes appellent la raison d’être de la règle de droit, la raison d’être du droit. Autrement dit si vous ne partagez pas le même marché, s’il n’y a pas de risque de confusion entre vos produits, parce que vos marchés ne sont pas les mêmes, il faut faire attention, car il y a la lettre de la loi et l’esprit de la loi. Je pense qu’il faut laisser parler la raison d’être de la loi. Est-ce que les deux produits se gênaient sur le marché ? Et quel marché ?

En tous les cas, c’est au juge de dire le droit . Les pays européens en matière de concurrence ont devancé de loin les pays Africains sur le plan institutionnel et juridique. En Europe par exemple, la propriété industrielle permet à X basé en France de faire saisir des produits commercialisés par Y qui portent la même marque en Hollande et dans tous les autres pays membres de l’Union européenne. Cela se comprend car tous les produits de l’Union circulent sur le même marché européen, ce qui n’est pas le cas ici en Afrique et moins encore dans les pays membres de l’OAPI.

S : Vous en tant que conseil en propriété industrielle, pourquoi n’avez-vous pas pris les dispositions nécessaires pour éviter à votre client ce qui lui est arrivé.

(M.H.) Nous ne sommes plus à ce débat. Nous sommes actuellement dans un contentieux. Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour éviter cette situation. Comme je l’ai dit, il faut maintenant laisser parler la raison d’être de la règle de droit. Il n’y a pas à culpabiliser qui que ce soit. C’est une affaire contentieuse que tout le monde a voulu éviter. Les dispositions ont été prises par BRAFASO et ses conseils. Il y a peut-être des non-dits dans cette affaire. Je n’en sais rien, je parle en tant que technicien du droit de la propriété industrielle.

Interview réalisée par A. Verlaine KABORE
Sidwaya

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