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Reine Sakandé, Secrétaire nationale de S.O.S Civisme : "Restaurer l’éducation civique dans nos écoles"

Publié le mardi 29 juin 2004 à 08h11min

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"Le Pays" : Le civisme est-il en crise au Burkina ?

Reine Sakandé : Il est en difficulté dans plusieurs secteurs de la
vie nationale. L’incivisme prend de l’ampleur tant au Burkina que
dans les autres pays de la sous-région. Comme l’a dit à juste
titre quelqu’un, "la morale agonise". Et cela handicape les élans
de développement. L’incivisme est aujourd’hui en train de faire
son lit dans les arènes politique, économique et social. Certains
hommes politiques se livrent à des pratiques obscènes et
contradictoires à l’intérêt supérieur de l’Etat. Ce genre de
pratiques a aussi tendance à étouffer la dynamique de
l’économie nationale. Dans le domaine social, on pose souvent
des actes, oubliant qu’on paiera inévitablement le prix de nos
inconséquences.

Lors des grèves par exemple, certaines
personnes ou groupe d’individus se livrent à des casses. Ils
ignorent fort probablement que les biens publics saccagés
résultent de l’argent du contribuable, donc leur propre argent. Ce
sont finalement eux qui les réparent, d’une manière ou d’une
autre.

Si aujourd’hui, des manifestants saccagent des biens publics,
c’est fort probablement parce qu’on ne leur permet pas de
s’exprimer par des voies républicaines...

La meilleure façon de résoudre un problème, c’est le dialogue.
Souvent, certains détruisent des biens publics par manque
d’informations suffisantes. Il y a donc un travail d’éducation
civique et morale à faire pour éviter ce genre de situations.
Evidemment, il faut que les gouvernants et les gouvernés
fassent preuve d’aptitude à gérer leurs différends par la force du
dialogue et non par la violence. C’est un impératif majeur pour la
stabilité et le développement du pays.

L’éducation civique et morale n’est plus enseigné comme il se
doit dans les écoles au Burkina. Quelles pourraient en être les
raisons ?

C’est un problème très crucial. L’école est un cadre adéquat
pour enseigner un certain nombre de valeurs aux enfants.
Aujourd’hui, il n’existe pas de documents dans les
établissements scolaires, susceptibles de permettre aux
enseignants d’inculquer convenablement une éducation civique
et morale aux enfants. En outre, cette matière n’est pas prise en
compte dans les examens scolaires. De ce fait, elle est
négligée aussi bien par les enseignants (qui privilégient les
autres matières dans le souci de réaliser de bons résultats) que
par les élèves qui veulent, eux, avoir beaucoup de points .

Pour
cela, ils mettent l’accent sur les matières concernées au
détriment de l’éducation civique.
L’association SOS Civisme en est consciente. Elle mène des
actions dans le but améliorer cette situation déplorable. Elle
compte amener les citoyens à mieux connaitre leur pays et à
l’aimer. Car, à l’évidence, celui qui n’aime pas son pays ne peut
ni l’apprécier, ni en être fier, encore moins se sacrifier pour son
développement. Certes, on ne récoltera pas de sitôt des fruits
consistants du fait de la gravité du problème, mais l’espoir est
permis. Nous ne baisserons pas les bras.

A ce sujet, vous avez lancé en mars dernier, une campagne de
sensibilisation sur l’éducation civique dans plusieurs localités
du Burkina. Quelles ont été vos stratégies ?

Nous avons abordé plusieurs thèmes et privilégié la méthode
participative. Dans chaque localité concernée, il y a eu une
projection de film. Nous avons ensuite invité le public à dire ce
qu’il a vu dans le film. Les intervenants ont ensuite tiré leurs
propres conclusions.

Evidemment, si nous constatons que
leurs perceptions diffèrent de celles de nos animateurs, nous
essayons d’abord de les comprendre avant de leur expliquer
l’attitude qu’il fallait adopter. C’est une démarche pédagogique.
Les populations ont manifesté de l’intérêt pour cette campagne
dans les neuf localités visitées, notamment dans les provinces
du Kadiogo, du Boulkiemdé et du Kourwéogo. Nous
envisageons de sensibiliser l’année prochaine, les populations
d’autres provinces en plus de ceux que nous avons visités cette
année.

Dans chaque localité, nous avons choisi les cinq personnes
les plus actives afin qu’elles visitent les institutions dans la
capitale. Cela leur permet de mieux les connaître, de bien cerner
leur rôle et leur fonctionnement et de participer par conséquent,
à la gestion de la cité.

A défaut d’inviter tout le monde à ces
visites d’institutions, nous avons demandé aux personnes
choisies de partager leurs connaissances avec les autres.
L’objectif visé est de permettre aux citoyens de mieux connaître
leurs droits et devoirs et de renforcer leur culture démocratique.
Pour nous, la démocratie est avant tout, fille du civisme. Au total,
six institutions ont été visitées. Il s’agit de l’Assemblée nationale,
de la Cour constitutionnelle, du Conseil économique et social,
de la Cour des comptes, de la Cour de cassation et du
Médiateur du Faso.

La participation électorale des citoyens a été très souvent
évoquée lors des différentes rencontres. Comment avez-vous
jugé la pertinence du sujet tel que posé par les citoyens des
zones rurales ?

Ils ont effectivement accordé beaucoup d’importance à cette
question. Les partis politiques doivent jouer pleinement leur rôle
pour éviter que les populations ne soient permanemment
frustrées. Ils doivent participer activement à l’éducation des
citoyens.

Mais que constate-t-on ? Certains politiciens ne leur
font recours qu’en période électorale. Cela est déplorable. Ils
devraient plutôt être en contact avec les populations pour
recueillir leurs préoccupations afin d’en être les porte-paroles
dans les sphères de décision. Ainsi, il est nécessaire que
chaque député par exemple ait une stratégie de communication.
Il faut éviter à tout prix les discours propagandistes. Les
politiques doivent fournir aux citoyens une information saine, à
même de leur permettre de participer activement à la vie de la
nation.

Quels sont les projets de SOS Civisme ?

Nous allons continuer la sensibilisation, en prônant notamment
le retour de l’éducation civique à l’école. Même si les documents
en la matière n’existent presque pas dans les établissements
scolaires, il faut que les enseignants, à travers leur manière de
dispenser les cours, éduquent les élèves par des exemples
concrets (vécu quotidien, évènements...). Nous allons
également mener des activités dans les écoles pour mieux
inculquer aux élèves, les valeurs civiques et morales.
Nous envisageons aussi, si les moyens nous le permettent,
d’aller dans plusieurs localités du pays pour parler des
questions électorales, des droits et devoirs des citoyens, des
institutions de la république... sans parti pris et dans l’intérêt
général des populations.

Nous menons nos activités grâce à notre partenaire, la
Fondation Konrad Adenaueur. Elle intervient au plan mondial. Sa
représentation ouest-africaine est à Cotonou au Bénin. Elle
oeuvre surtout dans les domaines de la démocratie, du
civisme, de la décentralisation, de l’économie de marché, etc.

Nous réitérons nos remerciements à cette fondation qui ne
cesse de nous soutenir, aux présidents d’institution qui ont bien
voulu nous recevoir, de même qu’aux populations des localités
visitées. Sans leur participation, nos activités n’auraient pas eu
lieu.

Nous encourageons également les Editions "Le Pays" pour
leurs efforts quotidiens en faveurs des droits et devoirs des
citoyens. SOS Civisme entend travailler avec toute personne de
bonne volonté ou toute structure soucieuse de l’intérêt général.

Propos recueillis par Hervé D’AFRICK
Le Pays

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