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ANC : Au bord de la scission ?

Publié le vendredi 10 octobre 2008 à 00h46min

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Jacob Zuma

Des fidèles de Thabo Mbeki menacent de faire dissidence. Décidément, pauvre Mandela ! C’est sans doute la mort dans l’âme qu’il assiste, terriblement impuissant, à l’implosion programmée de ce parti que lui et ses frères de combat ont mis tant d’années à bâtir, pierre après pierre, avec abnégation, courage et persévérance.

Et si 27 longues années passées au pénitencier inhumain de Robben Island n’ont entamé en rien la détermination de cet "extra-terrestre" politique, on est en droit de se demander s’il ne subit pas en ce moment le choc de sa vie, au regard des guerres intestines qui minent le parti, divisent ses héritiers, et qui risquent, à court ou moyen terme, de les conduire tous au suicide politique.

Nelson Mandela ne méritait pas un tel sort et on le voit, l’Afrique du Sud n’est pas au bout de ses tourments. L’entêtement ainsi que l’intransigeance de nombre de ses militants auront finalement eu raison de ce parti dont on peut vraiment dire qu’il est consubstantiel à l’histoire sud-africaine. Et après s’être battu pour obtenir sa reconnaissance, après avoir combattu avec courage aux pires moments de la ségrégation dans une Afrique du Sud résolument raciste, c’est presqu’à un pied de nez de l’histoire que l’on assiste désormais. Terrible ironie du sort. Mais l’ANC ne pourra s’en prendre qu’à lui-même, car il aura fait preuve de permissivité à l’endroit de petits comportements politiciens de certains de ces dirigeants.

On aurait souhaité pour Mandela, que ce désastre vînt après lui. Car ce vandalisme suicidaire de ses héritiers, plus fort qu’une immense déchirure, lui renvoie l’image d’un monde qui s’effondre. Ce qui, d’ailleurs ne manquera pas de plaire aux nostalgiques de l’ère de l’apartheid - ils n’ont pas tous disparu de l’Afrique du Sud et ne manqueront pas de voir avec délectation que le plus coriace de leurs adversaires, celui qui, à un moment de leur histoire, les a laminés, succombe progressivement à la tentation de l’auto-sabordage. La soif du pouvoir divise les hommes et les oppose, c’est bien connu. Mais au-delà de cette guerre de personnes, ne manquera sans doute pas de se produire la dispersion tant redoutée de l’électorat noir, qui ne peut que conduire à un affaiblissement certain de l’ANC.

Ce pourrait provoquer une résurgence d’un parti blanc, "néo-apartheid" dont on a de la peine à croire qu’il saura préserver les acquis péniblement engrangés au fil des ans, par la nation arc-en-ciel. Et si un tel scénario devait devenir réalité, il est fort à parier que l’Afrique du Sud devrait se repositionner. Pire, elle pourrait repartir à la case de départ. Et ce, non sans douleur. Mais, il faut se l’avouer, le mauvais renvoi de Thabo Mbeki, forcé à la démission en septembre dernier, ne pouvait que soulever des vagues. L’homme a été renvoyé comme un malpropre, sans aucune autre forme de considération, et cela, à six mois de la fin de son mandat.

Ce n’est pas du tout l’absoudre que d’affirmer que la procédure a été pour le moins malheureuse, tant elle cachait mal une volonté manifeste d’humilier et d’abattre. On peut se conduire de manière ferme, juste, en observant de la mesure et en mettant la manière. De toute évidence, en Afrique du Sud, on avait choisi, au sein de l’ANC, de procéder autrement. Les conséquences politiques de ce manque de tact diplomatique crèvent aujourd’hui les yeux. Mais on ne peut manquer de s’interroger à présent sur les capacités réelles dont dispose le parti quant à la gestion qu’il devra faire d’une crise de cette ampleur. Au regard de l’intransigeance et du jusqu’au-boutisme manifestés par les acteurs en présence, ce ne sera sans doute pas une sinécure.

Ce grand parti n’a pas d’autre choix que de s’imposer le devoir de réussir la gestion de cette crise. Il administrerait là une bonne leçon de raison, de cohésion et de dépassement en même temps qu’il fournirait la preuve d’une excellente capacité à gérer sereinement, et ses hommes, et la nation sud africaine tout entière. Des hommes aujourd’hui doutent de Jacob Zuma. Devoir lui est fait de leur redonner confiance. Car avant même d’entamer l’exercice de son mandat à la tête de l’ANC, il présente une image plutôt ternie et donne à voir de sa personne une personnalité plutôt sulfureuse. Des voix lui prêtent, depuis quelques temps, l’intention de chercher à instrumentaliser à son tour l’appareil judiciaire. Il faut souhaiter pour le bien de tous que lui aussi sache faire preuve de tolérance. Cette première crise majeure de l’ANC dans son ère post-Mbeki, est à la vérité, profonde. Zuma aurait tort de penser que la dissidence que s’apprêtent à créer Lekoto et ses amis "n’aurait pas une longue durée de vie".

Bien au contraire, les différents paramètres politiques aujourd’hui en place, peuvent faire qu’une telle scission ait des conséquences plus profondes et plus durables qu’on ne le prévoit aujourd’hui. Il faut sans doute garder l’espoir que la palabre africaine triomphe. Ce serait un bien grand malheur si l’ANC, après avoir vaincu l’apartheid hier, se mettait aujourd’hui à dévorer ses propres fils. Il est souhaitable que les uns et les autres sachent se retrouver autour de l’icône historique qu’est Mandela et puisent en lui la sève de la cohésion. L’homme qui aura été le prisonnier le plus célèbre au monde est toujours en vie. Il représente une fois de plus une chance inespérée pour le parti, ses hommes et la nation entière. Pourvu qu’ils aient la sagesse et l’humilité de repartir à son école.

Le Pays

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